NON NON NON OUI NON - No 4 : Agence reporters associés
79 pages
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Description

Alex et Ying profitent de la fermeture temporaire de l’Agence pour s’offrir des vacances, chacun de leur côté. Ariane se sent abandonnée par ses amis ; fauchée, elle est condamnée à rester chez elle.
C’est là que l’Histoire, avec un «H» d’au moins 52 étages de hauteur, vient la chercher par la main pour l’entraîner dans les filets d’un mystérieux groupe clandestin qui est en train de redessiner complètement la carte du monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 mai 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782925117445
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0548€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1
A la minute où le monde s’est écroulé, le jour où tout a recommencé
La hache dans une main et son fusil d’assaut dans l’autre, Ariane court sur une terre blafarde usée par les excès d’une humanité violente et vorace. C’est la débâcle, les survivants sont épars, hagards, ils perdent peu à peu tous leurs moyens, ils ne se battent plus entre eux, trop occupés à chercher une improbable issue à leur funeste destinée. C’est l’hécatombe.
Une colonne de lumière vient percer un ciel sombre, un formidable tourbillon emporte tout sur son passage. Dans ses écouteurs, Ariane entend les gémissements des autres combattants effarés, lorsqu’elle reconnaît le tank de Juan-Pablo qui surgit, pépère, dans la plaine, déchiquetant le sol avec ses chenilles acérées, crachant ses obus comme des pépins de raisins, sans hâte et sans haine, comme pour exterminer méthodiquement toute vie résiduelle.
– Juan-P ? Qu’est-ce que tu viens faire ici ?
– Ouahahah ! Salut, Ariane ! Je viens vous achever. Votre souffrance est trop triste à voir !
Et dans un grand éclat de rire, il pointe son canon sur Ariane qui reçoit sa dernière salve en pleine gueule.
Puis, plus rien.
Le monde, que Dieu avait créé en garrochant dans le vide des poignées d’azote et de carbone, lesquelles, des milliards d’années plus tard, nous ont donné, sous l’effet de son souffle magique, des choses aussi belles que le soleil se levant en face de Saint-Irénée, un chien saucisse à poils longs qui court après une balle dans l’herbe folle, la description de la visite du Louvre dans L’Assommoir ou le pavlova de Caroline, agrémenté, en saison, de framboises bio, n’existe plus.
Dommage.
Il nous restait à visiter les îles de la Madeleine, à essayer le nouveau restaurant de la rue Saint-Zotique, à sauter d’un avion en wingsuit, à dire à papa qu’on était fier de lui. Dans le prochain monde peut-être, si Dieu veut bien nous en refaire un. Epic Games, l’un de ses cent noms, vient de mettre fin à la dernière saison de Fortnite. Et Juan-Pablo, qui chemine comme il veut dans le cyberespace, qui joue à Call of Duty avec un tank volé sur Battlefield, se moque bien des joueurs de Fortnite, qu’il compare à des mouettes s’affolant pour des frites au-dessus du parking d’un fastfood.
Ariane connaît bien Juan-P, qui est certainement l’asocial le plus sympathique de tout le Net. Il est si facétieux ! Un jour qu’elle jouait en ligne au solitaire, il s’était caché avec son tank sous le huit de carreau et avait mis le feu au jeu. Une autre fois, il s’était infiltré dans son sudoku déguisé en pacman et bouffait des rangées entières de chiffres. C’est sa manière de dire bonjour. Ou bien : « Lâche tes maudits jeux et fais quelque chose de ta vie ! »
Juan-P a raison, Ariane doit reprendre sa vie en main. Elle n’a qu’un quart de siècle au compteur, mais on parle déjà d’elle pour l’Albert-Londres ou le Pulitzer. Avec Alex et Ying, elle forme un trio qui fera date, à l’égal des Supremes, dirait Ariane, des Reshiram, Zekrom et Kyurem, dirait Ying, des Coffey, Messier et Gretzky, dirait Alex, selon leur classe sociale ou leur niveau de culture (pas que les intérêts d’Alex ne se limitassent au hockey, mais dans la loge familiale au Centre Bell, il a fini par y prendre goût).
Ce trio de choc, c’est L’Agence Reporters Associés, comme on les connaît.
Mais voilà, Les Reporters Associés sont dissociés depuis quelques temps. Leur entreprise a dû fermer temporairement ses portes suite à une injonction de la Cour. Leur reportage sur les vacances conjointes en Floride du magnat de l’audiovisuel avec celui du fromage, avec ses références assez peu subtiles aux films de Martin Scorsese, leur a valu de nouveaux ennemis particulièrement puissants.
En attendant, Alex en a profité pour s’évader sur les plages du sud du Maroc, paradis du kite-surf, auquel il est en train d’être initié par une militante écologiste berbère rencontrée dans un forum altermondialiste. Militante mon cul, dirait Ariane, en pensant à celui de la militante, qui est plutôt parfait, cause certaine de la hausse globale des températures. Car bien malgré elle, Ariane en pince quand même un peu pour Alex. Ou pour sa loge au Centre Bell. Ou pour l’hélicoptère de son papa. Ou pour son nouveau penthouse à l’Île-des-Sœurs avec sa vue imprenable sur le lac Saint-Louis, sur le Mont-Royal, sur le centre-ville de Montréal, sur le nouveau pont Samuel-de-Champlain, sur les collines de la Montérégie, sur les montagnes des Cantons de l’Est, sur Manhattan, sur les Rocheuses, sur la face cachée de lune, alouette !
Pour Ying, le congé forcé est l’occasion de s’offrir un pèlerinage à Hong Kong, attiré depuis longtemps par la gastronomie de ses ancêtres. Il ne pense qu’à bouffer celui-là.
Ariane est seule et cassée. Alors, elle s’est courageusement mise au chômage en attendant de trouver sur l’Internet, qu’elle écume à journée longue, l’inspiration pour une prochaine enquête. Et c’est le jour du formulaire.
Avez-vous travaillé durant la période de prestations ?
– Non.
Avez-vous ou allez-vous toucher de l’argent ?
– Non.
Étiez-vous aux études ?
– Non.
Étiez-vous disponible pour travailler ?
– Oui.
Vraiment, Ariane ? En regardant The Crown à journée longue, cinq saisons en rafale ?
– Dégage, Juan-P. J’essaie de gagner ma vie.
Son téléphone sonne. Encore des quêteux, se dit-elle, en voyant le nom sur l’afficheur.
– Ariane Clément ?
– C’est moi.
– Quelle chance ! Je suis Jean-Pierre Talon de Podologues Sans Frontières et on a pensé à Roberto Poudrier comme porte-parole de notre nouvelle campagne de…
– Je vous arrête. Je suis bien Ariane Clément, mais je ne suis pas la femme de votre chanteur. On fait souvent cette erreur parce que nous portons toutes deux les mêmes noms et prénoms. Mais désolée, je ne peux pas vous mettre en contact avec Roberto Poudrier.
Vivement qu’elle consolide son nom à elle, qui éclipserait celui d’une obscure cocotte dont toute la notoriété repose sur le fait d’être mariée à un chanteur connu – et quétaine comme une pub pour voitures de luxe. Et comme par un acharnement du mauvais sort, un air insipide de Roberto Poudrier vient se loger dans sa tête comme un ver d’oreille. Elle fulmine.
Dernière question :
Étiez-vous en déplacement à l’étranger ?
– Non ! ! !
– Oui ! ! ! ! ! tout est rigoureusement vrai dans tout ce que je viens de déclarer ! coche-t-elle enfin, irritée.
Et clic ! Elle envoie le formulaire.
Il ne reste plus qu’à attendre le chèque.
Dehors, il ne fait pas beau.
Dedans non plus.
Fuck Alex.
Fuck Ying.
Redring.
– Pronto !
– Awrean Clementt ?
– Laquelle ?
– La djernelist ?
– Speaking.
Cette fois, c’est bien à elle qu’on veut parler, et pas à l’autre.
– I’m such a fan. J’ai une mission pour vous. C’est urgent. On peut se voir demain ?
– Mmm. Ok, McDo Ste-Catherine-McKay à 10h ?
– C’est un peu plus compliqué, nos bureaux sont à New York.
– Ah ! Ça s’appelle comment vos bureaux ?
– The New York Times…
– No shit !
– You bet !


2
Un peu d’urbanisme au Nouveau Monde
Ariane est sur le cul. Malgré les bons coups qu’elle a réalisés depuis dix ans avec Alex et Ying, elle a du mal à vendre son dernier reportage à la télé communautaire. Le journal du quartier a dédaigné sa version papier, qu’elle a finalement décidé de sortir en vlog, tintin pour la paye. Pourtant le sujet était hot : « Les commotions cérébrales dans la danse continentale en ligne ». Après une longue et minutieuse enquête, la conclusion était lumineuse : Il n’y a pas de risque de commotion cérébrale dans la danse continentale en ligne, sauf fucking bad luck.
Maintenant, c’est le NYT qui la convoque !
Comment prévenir ses collègues ? Fuck Ying, fuck Alex ! Ils n’avaient qu’à être pauvres eux aussi et à rester chez eux comme tout le monde.
Deux heures après l’appel, Ariane monte dans l’autocar, absorbée dans ses pensées. Tout ce que lui a dit son interlocuteur, c’est que la mission pouvait comporter du danger et que son voyage devait rester secret. Ça la titille quand même. Elle en a vu d’autres. Et puis, si je survis à la jungle new-yorkaise, se demande-t-elle, qu’est-ce qui pourrait m’arriver de plus ?
Les sièges de l’autocar sont presque tous occupés par un groupe de femmes très âgées, toutes copines, en tenue de voyage, c’est-à-dire en leggings bien moulants pour montrer le miracle de leurs silhouettes de mémés actives, bondissantes dans leurs Nike Zoom X Vaporfley NEXT% flambant neuves, les mêmes qui ont permis d’abaisser le record du marathon (non homologué) sous la barre des deux heures.
Ariane trouve une place libre à l’arrière

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