Il n y a pas de peine juste
102 pages
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Il n'y a pas de peine juste , livre ebook

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Description

À l’heure où même des parlementaires désignent les prisons comme une « honte pour la République », nos sociétés qui se veulent évoluées s’efforcent de donner un « sens » à la peine. N’est-ce pas une illusion ? Peut-être n’y aurait-il ni progrès ni sens en matière de peine. Ce qui est sûr, pourtant, c’est que les peines donnent lieu à des pratiques sociales. Ce livre en analyse six : théoriser, légiférer, motiver, compter, surveiller, faire sa peine. Celle-ci se définit d’abord et peut-être exclusivement d’après ces pratiques… « Depuis sa naissance sans origine, il n’y a pas eu de peine juste, peut-être d’abord et seulement parce qu’elle est une peine » : telle est la thèse de Guy Casadamont et Pierrette Poncela. Guy Casadamont est sociologue. Pierrette Poncela est professeure de droit pénal à l’université de Paris-X-Nanterre. Elle a notamment publié Au nom de l’ordre, une histoire politique du code pénal, Réformer le code pénal : où est passé l’architecte ? (avec P. Lascoumes) et Droit de la peine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2004
Nombre de lectures 6
EAN13 9782738186317
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Guy Casadamont Pierrette Poncela
IL N’Y A PAS DE PEINE JUSTE
 
 
© Odile Jacob, février 2004 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-8631-7
www.odilejacob.fr
Table

Introduction
1. Théoriser
Repartir de l’ Aufklärung
Le théorème de Beccaria
Hegel, ce qui se dit par la peine
Durkheim : « Voici la peine »
La leçon de Foucault, une modulation
Trois choses encore
2. Légiférer
La métapeine
La peine et le regard
Le terme de la peine : entre instantanéité, finitude et perpétuité
Peine et réparation : le retour des victimes
3. Condamner et motiver
Les aléas du prononcé d’une peine
De l’intime conviction à la motivation
Le laconisme de la motivation à la française
Condamner en motivant : une pratique juridique soumise aux transformations de la gouvernementalité
4. Compter
L’hypothèse d’une double filière au travers de la justice pénale
Un diagramme en trèfle
Les principaux contentieux pénaux
La part très faible des femmes dans les condamnations pénales
Les mineurs, la peine en exception
La part des étrangers
Un fait marquant depuis les années 1984-1986 : la montée des peines alternatives
Sur l’incarcération en France
Une évaluation : le retour en prison
Emprisonnement et… chômage
Pour clore
5. Surveiller
Le champ carcéral, un ensemble multilinéaire
Une ligne de vigilance
La première ligne
Une ligne traversée d’un trait vide
Une ligne du quotidien
Une ligne en doublet liant
Une ligne de composition
Une ligne relationnelle
Une ligne de concomitance
Une ligne réversible
Une ligne de surveillance secours
Une ligne d’usure
6. Faire sa peine
Le temps de la réflexion
Le temps de l’injustice
Le temps présent et rien d’autre
Du temps pour rien
Le temps des rencontres ou des affrontements
Demain tout change
Les échappées belles
Note d’après-coup
Annexe
« Et si, après tout, nous n’étions pas capables de savoir réellement ce que veut dire punir ? »

  Michel F OUCAULT a
 
 
 
 
 
 
 

Note de la dédicace
a . Conférence de Michel Foucault à l’Université de Montréal, le 15 mars 1976, in Actes , 1990, n° 73, p. 7.
Introduction
 
L’histoire de la peine est sans commencement et à hauteur d’homme nous n’en apercevons pas la fin. Des histoires de la peine ont été écrites. Certaines se risquent à prédire qu’elle pourrait disparaître, un juriste allemand a pu écrire que l’histoire de la peine était celle de son abolition constante, tandis que d’autres prônent l’abolition du système pénal afin de restituer aux particuliers le règlement de leurs conflits.
La plupart des histoires de la peine sont celles des moyens par lesquels un groupe organisé sanctionne des hommes qui ne respectent pas les règles communes. Corps frappés, mutilés, enfermés ; versement d’une somme d’argent à la victime ou à l’autorité politique ; confiscations des revenus et biens divers ; surveillances et interdictions dans la vie quotidienne ; travail forcé ou consenti au profit de la communauté ; menace d’être enfermé ; mort infligée. Le corps, les biens, les droits et libertés ont été et sont matière à sanctionner. Les modalités selon lesquelles s’exercent droit et pouvoir de punir sont multiples. Il est d’usage de considérer que les études parues sur ces questions permettent de répondre à la question : comment punir ? En revanche, tout se complique si, comme il est aussi d’usage, on tente de répondre à la question : pourquoi punir ?
En effet, il est rarement entendu par cette question : pour quels actes ? ( pour quoi ), sauf quand les chiffres des condamnations pénales sont présentés. Le plus souvent, il est question des fonctions, ou du « sens de la peine ». Pas de peine, semble-t-il, sans discours d’accompagnement sur sa raison d’être et sur sa finalité. Nous voudrions illustrer, avec ce livre, que selon la place que chacun occupe dans le champ social, il a, ou n’a pas, une pratique par rapport à la peine. C’est ne pas lâcher ce constat que de considérer que la peine – les peines – donne lieu à des pratiques sociales distinctes, différentes, hétérogènes. Nous en avons retenu six. Théoriser sur la peine, légiférer, motiver judiciairement une peine prononcée, compter les différentes peines, surveiller l’exécution des peines, et hors série, « faire sa peine » quand on a été condamné. Autant de « pratiques de la peine » qui n’en sont pas non plus vraiment, à l’exception, peut-être, du « faire sa peine », laquelle est d’abord une expérience subjective et sociale d’imposition, avant de devenir une pratique, pour qui le peut 1 . On le sait, l’existence sociale de la peine est précédée de conditions de possibilité (légiférer, prononcer, administrer), et donne lieu à d’autres pratiques 2 , dont compter, théoriser, évaluer, polémiquer.
Il semble qu’aujourd’hui – en tout cas ces dernières années – la question de la peine ait resurgi sous la problématique de la « donation de sens ». Il faudrait, de toute urgence, donner un sens à la peine. Sur cette donation de sens, on s’offre une dispute. Nous sommes plus sensibles à ce constat de Nietzsche que Michel Foucault fit sien, un siècle après lui : « Dans nos sociétés contemporaines, on ne sait plus exactement ce qu’on fait quand on punit et ce qui peut, au fond, au principe, justifier la punition ; tout se passe comme si nous pratiquions une punition en laissant voir, sédimentées un peu les unes sur les autres, un certain nombre d’idées hétérogènes qui relèvent d’histoires différentes, de moments distincts, de rationalités divergentes 3 . » Dans un travail antérieur, nous inspirant des travaux de Michel Foucault, nous avons proposé de regrouper l’ensemble des discours à prétention théorique sur la peine autour de deux grandes rationalités punitives 4 . Elles peuvent être définies comme des principes de cohérence et d’intelligibilité des discours sur la peine. Ces principes concernent, fondamentalement, la temporalité du projet ou de l’intention inscrites dans l’acte de punir. L’une est rationalité prospective, car la peine est porteuse d’un projet pour l’avenir : éviter la récidive ; dissuader les autres de commettre des infractions ; éliminer ou neutraliser ; mais aussi éduquer, resocialiser ou réinsérer les condamnés. L’autre rationalité est restitutive, car la peine, mesurée par la faute commise ou le dommage occasionné, aspire à l’équivalence, voire à l’effacement. Les notions de rétribution, d’expiation, de vengeance et de réparation y sont alors associées.
Multiples fonctions possibles assignables à la peine. Multiples sens à en déduire pour la peine ou à en porter. Dans cette multiplicité apparente nous opérerons à la réduction, non à l’ajout, non plus qu’à la synthèse. Ne jaillira donc pas le vrai sens de la peine, sens dont nous irions nous porter fort devant la cité par nous rassemblée.
Il n’est pas indifférent d’insister sur le fait que la peine dont il s’agit est une sanction définie, prononcée, exécutée selon les règles juridiques. Une peine judiciairement prononcée dont le droit trace les limites et les contours. Sur le chemin tracé par Jean Carbonnier, nous avancerons, comme ces juristes pessimistes actifs, en sachant qu’ils ont seulement pu « inventer quelques solutions, plutôt pacificatrices que justes, plutôt moins injustes que justes, afin de rendre tolérable la vie en société 5  ».
Le droit pénal dont relève la peine ici abordée est un instrument de gouvernement des hommes qui ne cesse de susciter passions et polémiques. Qu’il soit utilisé avec parcimonie et circonspection et le gouvernement et/ou les juges sont taxés de laxisme. Qu’il se fasse envahissant, et fleurissent les critiques à l’encontre d’une pénalisation croissante de la société. Les mêmes peuvent trouver inadmissible que le droit pénal soit utilisé pour des faits tels que l’administration de sang contaminé par des professionnels de la santé ou la gestion frauduleuse des caisses d’un parti politique, et se réjouir de voir progresser la répression pénale internationale dont la Cour pénale internationale est la dernière expression institutionnelle. Prendre position suppose résolue, au moins provisoirement, la question de la finalité du droit pénal et donc de ses frontières. Ce n’est pas ici notre objet 6 .
Nous ne proposerons pas davantage une peine idéale, ou une peine « intelligente ». Pas de justifications nouvelles de l’acte de punir, mais des motifs pour les regarder avec circonspection. Des photos de parcours, le plus souvent parallèles, de ceux qui décident, de ceux qui subissent, de ceux qui accompagnent et qui suivant leur chemin « donnent sens » à la peine.
Ce livre aimerait restituer quelque chose de la complexité – insoluble – de la question de la peine, à partir de matériaux résultant de pratiques auxquelles elle donne lieu : définir une politique pénale, élaborer des textes de loi, prononcer des condamnations pénales, établir et analyser des statistiques, surveiller les condamnés détenus, exécuter une peine, théoriser.
S’agissant de théoriser sur/la peine, un carré d’as s’est imposé à nous : Beccaria, Hegel, Durkheim, Foucault. Et seulement lui. Travail d’épuration logique. Rien de trop. Au moins, nous l’espérons. Tracer les contours de la peine sous régime de modernité. S’en dégage la bonne nouvelle deleuzienne : « Le sens n’est jamais principe ou origine, il est produit 7 . » En situation singulière, un par un.
Légiférer. C’est la pratique de la peine qui est celle-là même qui la porte à l’existence juridique, en ce que la légalité de la peine est l’un des traits distinctifs de sa modernité. L’acte de légiférer, envisagé comme un acte de gouvernement des hommes, est une pratique discursive. Elle produit donc des effets dans le réel. Gouverner les autres, vouloir agir sur leur conduite en utilisant cet instrument juridique qu’est la peine, s’accompagne de discours de justification . Nous avons choisi trois paradigmes – visibilité, temporalité, réparation – pour suivre, sur deux siècles, les

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