La Vie privée en péril
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La Vie privée en péril , livre ebook

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Description

L’essor fulgurant des technologies numériques, conjugué à leur sophistication de plus en plus grande, les rend chaque jour plus intrusives pour l’intimité de chacun. Dénonçant cette dégradation des libertés individuelles, déjà entamée avec l’informatisation des fichiers, Alex Türk soulève ici des questions tout à fait nouvelles : peut-on échapper à ce traçage généralisé, alors qu’on parle d’« informatique ambiante » ? Au nom de la sécurité, ne sacrifie-t-on pas trop facilement la vie privée ? Que faire pour préparer nos enfants à l’exercice de leurs libertés fondamentales dans la société numérique ? Enfin, ce mouvement est-il irréversible ou avons-nous encore les moyens de l’encadrer ?Convaincu que le respect de la vie privée est l’un des piliers de la démocratie, Alex Türk plaide pour un droit à l’opacité et lance un cri d’alarme : c’est la société tout entière qui doit se mobiliser rapidement. Avec la miniaturisation des systèmes, « viendra une époque, où la question de savoir si l’on est fiché ou non, localisé ou non, pucé ou non, n’aura même plus de sens ». Cette époque, c’est demain. Alex Türk est universitaire (droit public), sénateur du Nord et président de la CNIL depuis sept ans.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 avril 2011
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738195043
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, AVRIL 2011
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9504-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction

Un sentiment de malaise. Oui, c’est bien ce que j’éprouve aujourd’hui, comme président de la CNIL, comme père de famille et comme citoyen, devant la puissance et la vitesse du déferlement, dans notre vie quotidienne, des technologies associées au numérique.
Ce malaise naît de l’observation de trois phénomènes largement indépendants les uns des autres, de nature différente, se déroulant, d’une certaine manière, dans des séquences de temps distinctes, mais dont les effets se conjuguent et se renforcent.

L’informatisation de la planète
En 1978, date de création de la CNIL, une des premières autorités de contrôle en matière de protection des données personnelles et de la vie privée dans le monde, nul n’imaginait qu’un jour des milliards d’individus seraient dotés de leur propre système. Cette apparition de l’ordinateur portable, à la fin des années 1980, a totalement bouleversé la donne mais, hormis quelques universitaires et militaires, essentiellement en Amérique du Nord, personne ne pensait qu’un gigantesque réseau, appelé Internet, allait permettre de connecter cette multitude d’utilisateurs. Enfin, qui aurait cru, voici dix ans, que désormais un appareil de la taille d’un jeu de cartes donnerait à tout acquéreur la capacité de disposer d’une puissance comparable aux systèmes gérés par les grandes institutions et sociétés des années 1970-1980, mais aussi d’une gamme inouïe d’applications et d’une connexion avec le monde entier ?
Ainsi se sont succédé d’abord la diffusion des systèmes (mini-ordinateur), puis l’interconnexion (Internet) et enfin l’individualisation (téléphone de dernière génération). Enfin ? Non, car s’annonce le temps, nous le verrons, de la dématérialisation et nous évoquerons les notions d’« informatique ubiquitaire », de « nuage numérique » et « d’informatique contextuelle ».
À ce premier phénomène de l’informatisation de la planète sont venus s’en ajouter deux autres, et d’abord les attentats du 11 Septembre qui nous ont conduits à revoir en profondeur l’équilibre prévalant entre les libertés publiques et le niveau de sécurité attendu par nos sociétés.

Le 11 septembre 2001 et le dilemme sécurité/liberté
La date du 11 Septembre suffirait presque à elle seule. Incontestablement les attentats de New York, de Londres et de Madrid, ont eu, outre leurs conséquences tragiques, des répercussions considérables sur l’équilibre sécurité/liberté, situé depuis toujours au cœur de la problématique de la protection des données personnelles et de la vie privée.
La société est en effet nécessairement amenée à se demander quelle contribution, sous la forme d’une réduction « volontaire » du champ d’exercice des libertés, elle est prête à consentir en échange du maintien ou de l’accroissement du niveau de sécurité. Le terrorisme a engendré une succession de lois et de règlements, à l’initiative de gouvernements de droite et de gauche, en France et ailleurs, dans la perspective d’une amélioration « espérée » de ce niveau de sécurité collective. Mais chacun sait que l’on évalue plus facilement le degré de perte de sa propre liberté que ce niveau d’amélioration. Il est en effet toujours difficile de prouver quelque chose qui n’a pas eu lieu. La dictature garantit une sécurité optimale permettant aux « citoyens » de… ne rien faire puisque les libertés essentielles ont disparu. La démocratie recherche, elle, un équilibre et doit veiller à ne pas donner une double victoire au terrorisme. Car celui-ci remporte une première « victoire », hélas, lorsqu’il tue ou mutile, et une seconde quand l’angoisse qu’il génère suscite des réactions d’ordre politique se traduisant par un discours appelant à une radicalisation du contrôle social. On risquerait alors de s’accoutumer à la perspective de vivre dans une « société de surveillance », comme disent les Britanniques, écartelés entre le spectre de Ben Laden et celui de Big Brother.
Cette question est d’autant plus préoccupante que nombre des dispositifs mis en place ou en cours d’installation, pour répondre à l’exigence de sécurité, sont très largement irréversibles.
Bien entendu, s’agissant du recours aux technologies numériques permettant d’assurer le traçage des individus qui feront, ici, l’objet de notre attention, ce problème de l’évaluation de l’équilibre liberté/sécurité est crucial.
Au passage, puisque je viens de faire allusion à la Grande-Bretagne, disons quelques mots de la diffusion de ces technologies du numérique chez nos voisins d’outre-Manche : il est toujours instructif pour ceux qui vivent dans la « patrie des droits de l’homme » et qui en tirent une fierté certaine ainsi qu’une singulière inclination à donner, de ce fait, des leçons à la terre entière, d’observer les évolutions qui se profilent au « pays de l’ habeas corpus  ».
Non seulement nos amis les Anglais ont mis en œuvre la plus puissante base de données ADN au monde, mais ils détiennent aussi le record en matière d’implantation de dispositifs de vidéosurveillance dans les villes (on sait qu’il est devenu quasiment impossible de se promener à Londres, au-delà de trois ou quatre minutes, sans passer dans le champ d’une caméra) et dans les quartiers privés. De surcroît, ils sont allés très loin dans le développement des usages secondaires des dispositifs vidéo. Ainsi, depuis la fin 2010, la société Internet Eyes propose à des volontaires de regarder les images prises par les caméras, depuis leur ordinateur, et de signaler d’éventuels délits. Ils payent pour cela un abonnement, de même que les commerçants dont les magasins sont ainsi surveillés. Leur périmètre d’action ne s’arrête pas aux crimes et délits puisqu’il comprend également les « comportements antisociaux ». Le meilleur « gendarme virtuel » recevra 1 000 livres ! Ce système permet aussi d’« exploiter » un stock d’images surabondant… De son côté, le gouvernement, dans le souci de réduire la délinquance juvénile, envisage de faire procéder à la surveillance permanente des 2 000 familles posant le plus de problèmes, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Objectif : vérifier l’assiduité scolaire des enfants, s’ils se couchent à une heure raisonnable, s’ils font leurs devoirs, etc.
Dans le domaine éducatif, également, les responsables d’établissement recourent aux dispositifs de géolocalisation. Ainsi, des collèges testent des systèmes recourant à des puces intégrées dans les uniformes permettant de surveiller les déplacements des élèves. Les puces contiennent des informations relatives aux élèves telles que leur âge ou leur cursus scolaire. Et ce, sans rechercher nécessairement l’accord des parents.
La Chambre des lords s’est émue en 2009 de cette évolution, en affirmant que si le pays continuait sur cette voie, sans débat public, il se préparait un avenir sombre pour « des citoyens en perte d’autonomie et de dignité personnelle ». Viendrait-il à l’idée de quiconque, de bonne foi et de bon sens, d’affirmer que la Grande-Bretagne ne serait plus une démocratie ? Fin 2010 pourtant, elle a été mise en demeure de répondre à la Commission européenne à propos de la collecte des empreintes digitales des écoliers britanniques, au sein de plus de 3 000 écoles, en matière de paiement des repas et de prêt de livres !
Ainsi, nous ne sommes pas les seuls à recourir, selon un rythme et des procédés qui peuvent être différents, à ce type de solution. Cela doit-il nous inquiéter ou nous rassurer ? La question reste ouverte.
Venons-en maintenant au troisième phénomène.

Le déferlement technologique
L’avènement d’une technologie offre, chaque fois, l’occasion de relever des traits constants, pourtant décrits voici bien des décennies. Qu’il s’agisse de l’aéronautique, du nucléaire, de la biologie, les mêmes éléments réapparaissent qui peuvent se résumer ainsi : le progrès technologique se caractérise par une propension à l’universalisation (ou globalisation), une accélération constante et une ambivalence de ses effets. Les technologies du numérique n’échappent pas à la règle et cela, qu’il s’agisse du développement de la micro-informatique, d’Internet, de la vidéosurveillance (plus de 95 % des dispositifs sont désormais numériques), des applications biométriques, des systèmes extraordinairement diversifiés de géolocalisation des personnes et des biens (GPS, puces RFID, etc.).
Globalisation : existe-t-il un phénomène plus remarquable en la matière qu’Internet qui ne connaît aucune frontière ? Et si, comme nous le verrons, notre société glisse, peu à peu, vers un système composé de millions de microcentres d’impulsion, de localisation et de traçage, ceux-ci n’en sont pas moins interconnectés.
Accélération constante : le délai qui s’écoule entre une invention, ou simplement une « trouvaille », en matière informatique et son application industrielle et commerciale se réduit sans cesse dans des proportions qui donnent le vertige. L’unité de mesure semble plus proche de la semaine que de l’année… Et, là encore, nous le verrons, le décalage avec le temps juridique – lent parce que commandé par le rythme démocratique – s’accroît.
Ambivalence des effets : quelles que soient les applications évoquées plus haut, le pire et le meilleur usage peuvent en

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