Le Droit de la femme
31 pages
Français

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Description

Dans ces explications préliminaires, on a déjà discerné notre conclusion. Il est évident, en effet, que la question des droits de la femme s’absorbe dans la question générale de l’existence du droit et se résout avec elle. Si la loi n’est et ne peut être que la volonté du plus fort, si la comparaison entre ce qui est et ce qui doit être n’est pas légitime, si ce mot légitime n’a pas de sens propre, s’il n’y a pas d’ordre moral et pas de droit, la question philosophique des droits de la femme se réduit à savoir quelle condition il convient aux détenteurs du pouvoir de lui faire, en considérant exclusivement leur propre intérêt. Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 19
EAN13 9782346048670
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
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Charles Secrétan
Le Droit de la femme
La position économique et juridique de la femme est aujourd’hui une question ouverte. Plusieurs ouvrages considérables s’efforcent de la saisir dans son ensemble, tandis que des réformes partielles s’introduisent graduellement dans les mœurs industrielles et dans la loi. L’importance de ce problème domine de bien haut celle de tous les autres sans exception. Il s’agit proprement de la conception et de la constitution de l’humanité.
Nous ne nous flattons pas d’apporter au débat des lumières nouvelles ; ce que nous éprouvons le besoin de dire a été déjà dit et fort bien dit. Et pourtant, après quelque hésitation, nous avons pris la plume : non seulement les vérités ne trouvent accès dans les faits qu’après avoir été mille fois répétées, mais chaque nouvel interprête la redit dans son langage, avec son accent. Notre but en écrivant ces lignes est de ramener, si possible, la question à ses éléments les plus simples.
Cependant, lorsqu’il s’agit de traiter isolément une question concrète et pratique, il est impossible de remonter au premier principe de la science, qui devrait être, nous semble-t-il (car sur ce point on est assez loin de s’entendre), la notion même du savoir. La déduction serait trop longue pour un essai, peut-être même pour un volume. Il faut nécessairement se faire accorder quelques notions préalables, et l’argumentation, à la supposer bien conduite, n’aura de valeur que pour ceux qui agréent à ces notions. Celles dont l’emploi nous est nécessaire, les idées de personne et de droit forment la base de nos lois ; les conséquences qui en découlent valent donc pour les jurisconsultes et pour les publicistes, quelque peu d’état qu’en puissent faire certains métaphysiciens, tant parmi ceux qui acceptent ce nom que parmi ceux qui s’en défendent. Et nous ne désespérons pas de nous entendre même avec ces derniers. On a beau professer le déterminisme et caser le libre arbitre sous la rubrique d’un surnaturel qui ne mérite pas l’honneur d’une discussion sérieuse, on a beau, suivant jusqu’au bout l’empirisme, résoudre le moi dans un phénomène de conscience, et donner pour substance unique à la personne un organisme matériel qui s’altère et se renouvelle incessamment ; lorsqu’après avoir tout à fait nettoyé le terrain, l’on essaiera d’y bâtir une demeure, lorsqu’il s’agira de consacrer ou de réformer les institutions existantes, de justifier ou de remplacer l’Etat et le pouvoir de la contrainte qu’il s’attribue avec l’assentiment général, il faudra bien trouver des équivalents du droit, de la responsabilité, de la personne, comme on cherche des équivalents pour l’obligation morale ; en d’autres termes, il faudra revenir pratiquement à l’obligation, à la responsabilité, à la personne et au droit. Nous conservons donc à ces termes leur acception familière et nous en userons avec toute liberté d’esprit.
I
Dans ces explications préliminaires, on a déjà discerné notre conclusion. Il est évident, en effet, que la question des droits de la femme s’absorbe dans la question générale de l’existence du droit et se résout avec elle. Si la loi n’est et ne peut être que la volonté du plus fort, si la comparaison entre ce qui est et ce qui doit être n’est pas légitime, si ce mot légitime n’a pas de sens propre, s’il n’y a pas d’ordre moral et pas de droit, la question philosophique des droits de la femme se réduit à savoir quelle condition il convient aux détenteurs du pouvoir de lui faire, en considérant exclusivement leur propre intérêt. Nous l’examinerons subsidiairement à ce point de vue.
S’il est un droit, au contraire, s’il est un ordre raisonnable, que la volonté raisonnable ait pour devoir de réaliser, la question du droit de la femme est comprise tout entière dans celte question : la femme est-elle un sujet de droit ? en d’autres termes, la femme existe-t-elle pour elle-même, ou existe-t-elle exclusivement en vue d’un autre, dans l’intérêt d’un autre, savoir du sexe masculin ?
Nous ne pensons pas que la femme existe pour elle - même ; car rien n’existe pour soi-même : comme elle n’est que par l’ensemble nous pensons qu’elle est pour l’ensemble, et particulièrement pour l’humanité, dans laquelle elle est comprise. L’homme aussi, n’étant que par l’ensemble et par l’humanité, trouve la raison et l’objet de son existence dans l’humanité, dont la femme est une partie intégrante. Ni l’homme ni la femme ne peuvent se réaliser complètement que l’un par l’autre et l’un pour l’autre ; ils ne se déploient et ne s’affirment tout entiers qu’en se donnant l’un à l’autre. Mais pour se donner, il faut qu’ils s’appartiennent : la charité, qui est la vérité suprême, ne saurait se réaliser que sur le fondement du droit, car la charité, c’est la liberté. Pour accomplir la destination d’amour à laquelle on semble convier la femme, il est essentiel qu’elle ait un droit. Moralement, religieusement, la femme est, ni plus ni moins mais autrement peut-être que l’homme, un moyen pour le bien général dans lequel son bien propre est compris, et spécialement un moyen pour l’homme.
Juridiquement, elle est son propre but, elle est personne.
La femme est une personne, car elle a des devoirs. Ni l’opinion ni la loi ne songent à lui refuser des devoirs ; or il ne saurait exister un devoir séparé du droit : le devoir implique toujours au moins le droit de remplir son devoir. La notion de la personnalité n’a pas toujours été clairement discernée, et la personnalité juridique de la femme n’est admise par l’opinion et consacrée par la loi qu’avec des restrictions qui en diminuent singulièrement la portée pratique ; mais si tel individu peut être plus ou moins personne au point de vue de la psychologie ou de l’histoire naturelle, la personnalité juridique ne comporte pas cette application de la quantité. Le système contraire est celui de l’esclavage. L’esclavage est le régime suivant lequel des personnes naturelles sont réduites juridiquement à la condition de choses. Aujourd’hui l’esclavage est réprouvé. L’opinion n’admet plus que des êtres naturellement capables d’exister pour eux-mêmes puissent être contraints, par ruse ou par violence, à n’exister que pour autrui.

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