Le droit, objet de passions?

François Ost

Description

Existe-t-il des passions juridiques ? Des passions qui prennent le droit lui-même pour objet ? La littérature répond positivement à cette question ; s’y révèle en effet une étonnante galerie de personnages « fous de droit », manifestant à son égard un désir, une peur ou une haine, déraisonnables et excessifs. Tantôt c’est le trop de droit qui menace lorsque se déchaînent plaideurs chicaniers, juges compulsifs, fonctionnaires tatillons, législateurs dogmatiques, créanciers ou débiteurs obsessionnels. Tantôt, à l’inverse, c’est le trop peu de droit qui fait des ravages, soit qu’on l’exècre, comme Sade qui lui substitue une loi perverse, soit qu’on se ronge de son absence, comme Kafka qui n’en saisit que des bribes dénaturées.

Mais chacune de ces passions dangereuses n’est que l’envers pathologique de passions positives. Reste alors à faire le départ entre passions civiles et inciviles. Mobiliser les premières pour renforcer le lien social, et offrir un exutoire cathartique aux secondes.

Parmi bien d’autres, Aristophane, Cervantès, Shakespeare, Racine, von Kleist, Balzac, Dostoïevski, et Camus sont appelés à la barre des témoins.

Juriste et philosophe, François OST est professeur émérite invité de l’Université Saint-Louis à Bruxelles ; il est membre de l’Académie royale de Belgique et fondateur de l’Académie de théorie du droit. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, il se consacre désormais au courant « droit et littérature ». Parmi ses publications, on citera Raconter la loi (O.Jacob, 2004), Sade et la loi (O.Jacob, 2005), Shakespeare, la comédie de la loi (Michalon, 2012).

Sujets

• Droit et juridique
• Droit

Informations

• Publié par: Académie royale de Belgique
• Nombre de lectures: 19
• EAN13: 9782803106424
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

LE DROIT, OBJET DE PASSIONS ?

F O RANÇOIS ST

Le droit, objet de passions ? I crave the law

Académie royale de Belgique rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique www.academieroyale.be

Informations concernant la version numérique ISBN : 978-2-8031-0642-4 © 2018, Académie royale de Belgique

Collection L’Académie en poche Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant Volume 110

Diffusion Académie royale de Belgique www.academie-editions.be

Crédits Conception et réalisation : Laurent Hansen, Académie royale de Belgique

Photo de couverture : Leon Spilliaert, De Duizeling, 1908, Oost-Indische inkt aquarel en potlood op papier, 64cm x 48cm, Mu.ZEE Oostende. Fotograaf: Danny De Kievith

Publié en collaboration avec/avec le soutien de

Introduction

« I crave the law », la formule est de Shylock, le prêteur juif dumarchand de Venise, qui réclame son dû, l’application de la loi, le respect de son titre, et donc aussi la livre de chair de son 1 débiteur . François Victor Hugo traduit : « je réclame la loi », Jean-Michel Déprats : « j’exige la loi ». Maisto craveun sens plus radical encore : une envie très forte, un désir d’absolu, un a attachement extrême. Dans ce « I crave the law », une oreille francophone entend l’accent de la passion : « jeréclame justice àcors et àcri », « jem’accrocheà mon titre », « je mecramponne à mon droit », « jecrie vengeance au ciel ». Plus profondément encore : « la loi, j’encrève » — j’en crève d’envie, dussé-je en crever vraiment, après avoir planté mescrocs (les crocs de la loi) dans le cœur de mon débiteur. Cette loi, je lacrains (au sens juif de où l’on respecte la loi et on craint le châtiment de Dieu), et j’encrève de désir, quitte à me rendrecriminel. Finalement c’est toute la gamme des passions, avec leurs ambivalences (amour/haine, désir/crainte) et leur inscription à même le corps de jouissance et de souffrance qui se laisse entendre dans ceI crave the lawqui surgit des entrailles et éclate comme lecri ducœurducréancier. Les passionsjuridiquessont l’objet de cette étude. Car, oui, aussi curieux que cela paraisse au premier regard, il existe bien des passionsjuridiques. La difficulté, bien entendu, consistera à les identifier, en ne les confondant pas avec les objets extérieurs sur lesquels elles portent en apparence : l’argent, le pouvoir, le sexe. On n’étudiera donc pas ici l’avarice d’Harpagon, la jalousie de Médée, l’amour de Roméo, l’ambition de Macbeth, la colère d’Achille. Ce qui est vrai cependant, c’est que les passions juridiques s’accompagnent souvent de signes extérieurs comme l’argent, le sexe, ou la réussite, qui sont comme la monnaie dont on les prise, le crédit qu’on leur accorde dans le commerce social. Il faudra donc progressivement affiner le regard et s’aviser bientôt que l’objet extérieur s’estompe au profit d’un affect plus profond : un désir ou une répulsion de droit. Découverte étonnante : le droit pour le droit. Le droit devenant l’objet, l’enjeu et la fin de la passion, et pas seulement son instrument. On entre alors dans le domaine étonnant des passionsjuridiques. Cette étude ne se ramène pas au simpleportrait de caractères, à la nomenclature ordinaire de types juridiques. Plutôt que de paisible peinture de « types », il sera question, dans les extraits littéraires ici mobilisés, de crises violentes qui éclairent les limites et même l’envers du droit, ses confins ultimes où il se retourne en son contraire. Ce qui est vrai cependant, c’est qu’entre le « type » ordinaire, normal et raisonnable, et la figure passionnelle et pathologique, existe un dégradé, toute une variété de postures intermédiaires non moins instructives. Ainsi le retournement passionnel par passage à la limite s’avère-t-il éclairant quant aux dérives qui guettent juristes et sujets de droit ordinaires. D’autant que les passions ici étudiées, si elles s’incarnent dans des personnages littéraires d’exception, sont également susceptibles de devenir des passions sociales collectives. S’agrégeant à la mesure de la société entière et se renforçant en conséquence, ces passions, qui deviennent alors politiques (relatives à la cité,polis, civitas), jettent une forte et sombre lumière sur les fondements anthropologiques de la cité. Ceux-là mêmes que Sophocle visait dans le premierstasimonl’ de Antigone, lorsqu’il faisait dire au chœur : « ce sont les passions qui 2 gouvernent les cités » (astunomous orgasEt le chœur d’ajouter : « ces passions, les hommes) . se les sont apprises à eux-mêmes » — apprises, le plus souvent à leurs dépens, ajouterais-je à mon tour. Comment faire le départ entre passions civiles, celles qui nouent durablement le lien social, et passions inciviles, celles qui nourrissent les guerres du même nom ? Telle est alors la question cruciale. On verra qu’elle inquiétait Zeus au point d’envoyer aux hommes les remèdes qu’on dira. C’est que les passions ne manquent pas d’être ambivalentes, comme du reste les réactions que leur oppose la raison — l’histoire, sans cesse recommencée, de leurs relations tumultueuses en témoigne à suffisance. De chaque passion juridique, qu’il s’agisse de chérir le droit ou de s’en défier, il existe un usage normal et souhaitable comme des abus pathologiques et dommageables.

Dans unÉtat de droit et une cité pacifiée, il est bienvenu de faire confiance au droit, voire d’en appeler à lui comme à un instrument efficace de changement social — c’était Ihering et sa valorisation du « combat pour le droit », j’y reviendrai. Mais J. Carbonnier nous prévient : l’excès en tout peut nuire, et même l’amour du droit se doit d’être modéré ; « il y aurait », écrivait-il, « un article zéro à inscrire en tête du titre préliminaire du Code civil : l’amour du 3 droit est réductible en cas d’excès ». Au-delà d’un certain point, le retournement menace : summum ius, summa iniuria,— preuve en est la folie judicative, législative ou réglementaire qui anime tant de ces « fous du droit » que nous rencontrerons. De même, il est normal, et souhaitable jusqu’à un certain point, que le droit (en tout cas ses sanctions), se fasse craindre pour être respecté — c’était le principe qu’Athéna recommandait à Athènes au moment même où elle délivrait les Athéniens de la menace des Érinyes vengeresses (Eschyle,Les Euménides: « Sur cette colline, le respect et la crainte, sa parente, empêcheront les citoyens, la nuit comme le jour, de commettre des crimes, pourvu qu’ils n’altèrent point eux- mêmes leurs lois », V. 690-693). En revanche, l’angoisse suscitée par le droit, son absence, son incertitude, son inaccessibilité ou son caractère énigmatique peut, dans certains cas, devenir franchement pathologique, comme en témoignent tant de personnages de Kafka, tous ses avatars signalés par la lettre K. Ou alors, variante perverse, la défiance à l’égard du droit et de ses institutions se mue en haine radicale et rejet total au profit d’une loi qu’on se donne à soi-même et impose aux autres, de préférence en l’inscrivant à même leur propre corps, comme chez Sade. Ainsi commence-t-on à deviner la formule par laquelle se signale l’excès passionnel, sa démesure, la fameusehybrisgrecque : une activité, un intérêt qui se prenant lui-même pour fin ultime, finit par s’aliéner et se détruire par renversement en son contraire. C’est la terrible prémonition de Macbeth hésitant encore à commettre son forfait : « l’ambition voltigeante, et 4 dépassant son propre but, qui verse de l’autre côté ». Il y a trop dans cette surchauffe passionnelle : un excès mortifère ; c’est tantôt « la loi, à mort », tantôt « à mort la loi » — dans les deux cas, un attachement outré, outrancier, qui mène « outre » la limite invisible du danger mortel. S’il est vrai que le droit est mesure, ce renversement passionnel signe sa dénaturation ; 5 hybrisà s’oppose dikè, qui est équilibre, proportion, mesure . Quand le droit se décline sur un mode unilatéral et absolutiste, oubliant la recherche d’équilibre qui le caractérise (audi et altera pars), le basculement menace. Il est vrai cependant que l’histoire, la grande comme les petites, ne progresse qu’à la faveur de la transgression des limites, de la dialectique constante de mesure et démesure — c’est sur fond de chaos et de violence que se fait entendre la voix dedikè, de sorte qu’ignorer le débordement passionnel, ce serait s’exposer bientôt à de graves déconvenues. Au bénéfice de ces remarques préliminaires se dessine le plan de notre étude. Après avoir, dans un premier chapitre, évoqué l’histoire et les caractères des passions en général, je me concentre sur les passions juridiques dans un second chapitre. Ensuite, je distinguerai, d’une part, les passions qui relèvent du « trop de droit » : amour excessif du droit, de ses procédures, de ses actes par une grande variété de « fous de droit » (chapitre 3), et, d’autre part, les passions qui relèvent du « trop peu de droit » : haine et peur du droit éprouvées par des hors-la-loi, tantôt flamboyants, tantôt terrorisés (chapitre 4). Dans chacun des cas, je suggérerai en quoi ces passions individuelles peuvent, en se généralisant et selon les époques, révéler des dérives possibles du juridique.

C HAPITRE 1 Brève histoire des passions

L APASSIONSEDÉFINITORDINAIREMENTCOMMEUNÉTATAFFECTIFINTENSE , UNEINCLINATION IRRÉSISTIBLE , — UN  « MOUVEMENTVIOLENTDEL ’ ÂME  », DISAIT - ON . C OMMELEBAROQUE , LAPASSION ( : ) ’ MIEUX ENCORE LES PASSIONS ÉVOQUE LE MOUVEMENT POUSSÉ À L EXCÈS ET BIENTÔT ACCOMPAGNÉ DE 6 souffrance . C OMMEL ’ ÉCRIVAIT S TENDHAL , « L’ AMOURPASSIONNÉNEPEUTSUBSISTERQU ’ ENVIRONNÉDE 7 mystère et se trouve toujours voisin des plus affreux malheurs . » L « » , , E TERME PASSION DOIT ALORS TROUVER SA PLACE VARIABLE SELON LES ÉPOQUES DANS UNE  : , , , , , , NÉBULEUSE DE NOTIONS APPARENTÉES SENTIMENT PENCHANT INCLINATION DÉSIR AVERSION AFFECT , ,… O , , ’ PULSION LIBIDO N POURRAIT SOUTENIR À CET ÉGARD ET EN PREMIÈRE APPROXIMATION QU IL Y A UN CONTINUUMDEL ’ ÉMOTIONORDINAIREÀLAPASSIONDÉCHAÎNÉE , ETQUE , SIL ’ ÉMOTION ( DE e-movere, MISE  ) ’ , EN MOUVEMENT EST L ÉTAT NORMAL DE LA VIE PSYCHIQUE AFFECTÉE PAR UN ÉLÉMENT EXTÉRIEUR LA PASSION 8 en serait l’état extrême, virtuellement pathologique . L’ ÉTYMOLOGIECONFIRMECESPREMIÈRESOBSERVATIONS . E NGRECANCIEN ,pathos DÉSIGNEUNÉTATDE ’ , , ,passio L ÂME BON OU MAUVAIS AGITÉ PAR DES CIRCONSTANCES EXTÉRIEURES TANDIS QUE LE TERME LATIN (pati’ ., ) , ’ DU VERBE SOUFFRIR SIGNIFIE LE FAIT DE SUPPORTER ET DE SOUFFRIR ET AINSI L AFFECTION DE L ÂME E N  1762, LE Dictionnaire de l’Académie française RETIENT , ENPREMIERLIEU , CETTECONNOTATIONDE ( C ),E’ncyclopédie, SOUFFRANCE EN RÉFÉRENCE À LA PASSION DU HRIST TANDIS QUE L SOUS LA SIGNATURE DE D IDEROT , INSISTESURL ’ IDÉEDEPASSIVITÉDEL ’ ÂME — D ’ OÙVIENDRAITLANOTIONDEPASSION (1751, T . 12,vº passion). L ESPASSIONSSEDÉCLINENTGÉNÉRALEMENTAUPLURIEL , DESORTEQU ’ ONS ’ ESTEMPLOYÉ , DETOUSTEMPS ,  , . A , C À LES DÉNOMBRER INVENTORIER ET CLASSER RISTOTE EN RETIENT QUATORZE TANDIS QUE ICÉRON EN  , ’ : / , / . S DISTINGUE QUATRE DISTRIBUÉES EN DEUX COUPLES D OPPOSÉS PLAISIR DOULEUR DÉSIR CRAINTE AINT A , , , : UGUSTIN DANS UNE PERSPECTIVE CHRÉTIENNE EN DÉNOMBRE TROIS TOUTES DÉRIVANT DU PÉCHÉ ORIGINEL  , ( , : , LA CONCUPISCENCE LA CUPIDITÉ ET LA VANITÉ SOIT EN LANGAGE CONTEMPORAIN SEXE ARGENT ET ). S T , D ’ , POUVOIR AINT HOMAS EN IDENTIFIE ONZE ESCARTES S EN TIENT À SIX TANDIS QUE CE SONT NON MOINS de six cents passions que Sade prétend narrer dans les120 Journées de Sodome. L ’ ’ , « » , A PASSION N A CESSÉ D INTERROGER COMME UN AUTRE INQUIÉTANT LA RAISON LA PAIX INTÉRIEURE ET ’ . O , ’ , ’ L ORDRE SOCIAL N NE CESSERA AU COURS DE L HISTOIRE D OSCILLER ENTRE LA CONDAMNATION ( , , ) ’ (A T ’ PLATONICIENNE STOÏCIENNE CHRÉTIENNE ET L AMBIVALENCE RISTOTE ET SAINT HOMAS ADMETTANT QU EN - , ). U ELLES MÊMES LES PASSIONS NE SONT NI BONNES NI MAUVAISES N MOUVEMENT SE DESSINE NÉANMOINS QUIVALORISEPROGRESSIVEMENTLESPASSIONS , ÀMESUREQUELASOCIÉTÉPRISEDAVANTAGELEPLAISIRQUE  ’ . O LE DEVOIR ET L AUTHENTICITÉ QUE LES CONVENTIONS N APPRENDRA BIENTÔT AUSSI À VOIR DANS LES ( ) PASSIONS ON DIRA PLUTÔT ALORS LES AFFECTS UNE COMPOSANTE INÉLIMINABLE DE LA NATURE HUMAINE ET UN facteur d’explication décisif des comportements. D , ; E FAÇON GÉNÉRALE LA SAGESSE ANTIQUE SE MÉFIE DE CES TUMULTUEUSES PASSIONS POUR LES , ESCONDAMNENTCEUXQ ’ ELLESDOMINENTÀUNESUCCESSIOND ’ ÉPROUVAN BOUDDHISTES ELL U TES ; , ’ ’ ; RÉINCARNATIONS POUR LES ÉPICURIENS ELLES ÉLOIGNENT DE L HARMONIE QUE PROCURE L ATARAXIE QUANT  , ’a’pathie( , ’ ) AUX STOÏCIENS ILS CULTIVENT L ÉTAT D LITTÉRALEMENT L ABSENCE DE PASSIONS POUR ATTEINDRE LA PAIXINTÉRIEURE . S ANSSURPRISE , LEMONDECHRÉTIENASSIMILELESPASSIONSAUXPÉCHÉSETLES DÉNONCENTCOMMEDESMALADIESDEL ’ ÂMEAPPARUESAVECLACHUTE . E NFERMÉDANSSACONDITION fautive, l’homme est l’esclave de passions qu’il faut s’employer à maîtriser. R A , T ’ , ENOUANT AVEC RISTOTE SAINT HOMAS SOULIGNERA PLUTÔT L AMBIVALENCE DES PASSIONS QUI PORTENT AUBIENAUTANTQU ’ AUMAL . E T , DANSSES Passions de l’âme (1649), D ESCARTESS ’ EMPLOIERAÀLES  , . M EXPLIQUER EN PHYSICIEN LES RAPPORTANT À DES CAUSES PHYSIQUES AIS IL SE HEURTE AUX  M P -R , R , , CONDAMNATIONS DE CES ESSIEURS DE ORT OYAL TANDIS QUE ACINE DIRA EN ALEXANDRINS MAÎTRISÉS leur déchaînement désordonné. L’ . S ,Réflexions sur les passions (1757), OSCILLATION SE POURSUIT UN SIÈCLE PLUS TARD I DANS SES H , ’ , UME PROFESSE UN NATURALISME RADICAL ET SOUTIENT QUE LOIN DE S OPPOSER À LA RAISON LES PASSIONS

 ( ), K COÏNCIDENT AVEC ELLE LA RAISON EST LE FRUIT DES ÉLANS PASSIONNELS ANT RENOUE AVEC LA MÉFIANCE ET ENSEIGNEQUEL ’ AUTONOMIEDUSUJETMORAL , QUIFAITSADIGNITÉ , SEGAGNEAUPRIXDELAMAÎTRISEDES passions qui l’enchaînent. M , H « AIS LE BALANCIER REPART EN SENS INVERSE AVEC EGEL QUI SOUTIENDRA BIENTÔT QUE RIEN DE GRAND NES ’ ACCOMPLITSANSPASSION  » ( LAPASSION , PARSONÉNERGIQUEMOBILISATIONAUPROFITD ’ UNBUT , ’ ’ , ’ EXCLUSIF EST LE DYNAMISME MÊME DE L ACTION ET DE L HISTOIRE MÊME SI C EST LA RAISON QUI LUI 9  ) , , , CONFÈRE UN SENS ET LE ROMANTISME QUI POUR LA PREMIÈRE FOIS VALORISERA EXPLICITEMENT LA ON . L ESRECHERCHESCONTEMPORAINESENMATIÈREDENEUROSCIENCESTENDENTDURESTEÀDÉM PASSI ONTRER  . A , ’ LE RÔLE INDISPENSABLE DES ÉMOTIONS DANS LA CAPACITÉ DE DÉCISION INSI SUR LA BASE D UNE SÉRIE ’ , A. D ’ ’ « D EXPÉRIENCES CLINIQUES AMASIO AVANCE AUJOURD HUI L IDÉE SELON LAQUELLE LA CAPACITÉ ’ D EXPRIMER ET DE RESSENTIR DES ÉMOTIONS SERAIT INDISPENSABLE À LA MISE EN ŒUVRE DES  » « COMPORTEMENTS RATIONNELS ET QUE SON ABSENCE PEUT HANDICAPER LA MISE EN ŒUVRE DE CETTE  ’ RAISON QUI NOUS CARACTÉRISE TOUT PARTICULIÈREMENT EN TANT QU ÊTRES HUMAINS ET NOUS PERMET DE  , PRENDRE DES DÉCISIONS EN ACCORD AVEC NOS PROJETS PERSONNELS LES CONVENTIONS SOCIALES ET LES 10  ». L ’ , ’ ( PRINCIPES MORAUX OIN D OBÉRER LA CAPACITÉ DE DÉCIDER RATIONNELLEMENT L ÉMOTION DEGRÉ maîtrisé de la passion), en serait au contraire une condition de possibilité nécessaire. A , , , , INSI AVEC LE TEMPS LES PASSIONS AURONT ÉTÉ SINON RÉHABILITÉES DU MOINS INTÉGRÉES COMME  . A - - , , FACTEURS EXPLICATIFS DES COMPORTEMENTS HUMAINS INSI EN VA T IL PAR EXEMPLE DES TROIS VARIANTES  A : , . M , RETENUES ET CONDAMNÉES PAR SAINT UGUSTIN VANITÉ CUPIDITÉ ET CONCUPISCENCE ACHIAVEL PUIS Hobbes, feront de la soif du pouvoir, lalibido dominandi, ’ LE RESSORT DE L ART POLITIQUE ET LA CLÉ DE  . S , M , SON INTELLIGIBILITÉ MITH ANDEVILLE ET LES ÉCONOMISTES CLASSIQUES ALLAIENT DEUX SIÈCLES PLUS TARD , RÉHABILITERL ’ APPÉTITDUGAINSOUSLAFORMEASEPTISÉEDEL ’« INTÉRÊT  » ETENFAIRELEMOTEUR e  . E , XX , F EXPLICATIF DE LA SCIENCE ÉCONOMIQUE NFIN AU SIÈCLE REUD FERAIT DE LA PULSION SEXUELLE LA 11 EDEL ’ INCONSCIENTQOUSDIRIGELARGEMENTÀNOTREINSU . J EUPOLITIQUE , MAININVISIBLEET MATIÈR UI N : INCONSCIENT TROIS CONFIGURATIONS PASSIONNELLES INDISSOCIABLES DÉSORMAIS DE NOTRE INTELLIGENCE DU réel. Q ’ ’ - - , U ON LEUR ACCORDE DROIT DE CITÉ OU QU ON LES MAINTIENNE HORS LA LOI LES PASSIONS RESTENT  : , CEPENDANT TOUJOURS SOUS SURVEILLANCE RAPPROCHÉE LE SAGE LES ANESTHÉSIE LE POÈTE TRAGIQUE LES MET  ’ , , ’ EN SCÈNE EN VUE D OPÉRER LEUR CATHARSIS LE PRÊTRE LES EXORCISE L ÉCONOMISTE LIBÉRAL LES INTÈGRE DANSUNCALCULUTILITARISTE . T OUJOURS , LASOCIÉTÉETL ’ HOMMERAISONNABLESS ’ EMPLOIENTÀEN  ’ , ’Encyclopédie : « T ’ CANALISER L ÉNERGIE EN APPLICATION DE CE PRÉCEPTE DE L OUTES S ARRÊTERAIENT DANSLEURSJUSTESBORNESSINOUSSAVIONSFAIREUNBONUSAGEDENOTRERAISONPOURENTRETENIRCE  ; » — , PARFAIT ÉQUILIBRE ALORS ELLES NOUS DEVIENDRAIENT UTILES DANS SON LANGAGE LE POÈTE NE DIT PAS 12  : « L . AUTRE CHOSE A RAISON ET LES PASSIONS SONT LE GOUVERNAIL ET LES VOILES DE NOTRE ÂME NAVIGANTE » Ceci nous conduit à dégager quelques traits par où se distinguent les passions. N ’ OUS SAVONS DÉJÀ QU ELLES SONT MARQUÉES PAR UNE INTENSITÉ QUI MENACE TOUJOURS DE DÉBOUCHER  ’ , , . L L B SUR L EXCÈS LA DÉMESURE LE DÉSÉQUILIBRE E PHILOSOPHE ET PSYCHIATRE UDWIG INSWANGER LIVRE  « DES APERÇUS ÉCLAIRANTS SUR CET ASPECT DES PASSIONS EN LEUR APPLIQUANT LE CONCEPT DE PRÉSOMPTION » (Verstiegenheit), ( ) DÉFINIE COMME UNE DISPROPORTION ENTRE MARCHE HORIZONTALITÉ ET ASCENSION ( ). L , , « ’ », - - ; VERTICALITÉ A PASSION DÉFINIE COMME PRÉSOMPTION S ÉGARE EN MONTANT EXPLIQUE T IL ELLE  ’ , ’ ( « EST EXALTATION DANS L ASCENSION DE SORTE QU ELLE SE CONDAMNE AU SUR PLACE ELLE EST BLOCAGE DANS L ’ EXISTENCE  ») : PERDANTLECONTACTAVECLERÉELETL ’ EXPÉRIENCECOMMUNE , LEMOIPASSIONNEL 13 s’enlise dans un présent sans futur . N OUSAVONSDÉJÀNOTÉAUSSIQUELESPASSIONSS ’ ACCOMPAGNENT , AUMOINSDANSUNCERTAINNOMBRE  , ’ , : , « » — DE CAS D ALIÉNATION ET BIENTÔT DE SOUFFRANCES NOUS PASSIONNANT ELLES NOUS CAPTIVENT , . C’ , , LITTÉRALEMENT ELLES NOUS RENDENT CAPTIFS EST QUE ET VOILÀ UN AUTRE TRAIT ELLES SE CARACTÉRISENT par l’exclusivité de leur objet et donc la monopolisation de l’intérêt qu’on leur voue. F , , - , INALEMENT ET CECI EST LE PLUS INTÉRESSANT ELLES MENACENT DE SE PRENDRE ELLES MÊMES OBJETS  . M BASCULANT AINSI DANS UNE ABSOLUTISATION PATHOLOGIQUE ONTESQUIEU A FINEMENT IDENTIFIÉ CE  ’ : « P », - - , « - PHÉNOMÈNE À PROPOS DE L AMOUR DES RÈGLES OURQUOI DEMANDE T IL LES MOINES AIMENT ILS  ? C’ ’ ’ ’ . L TANT LEUR ORDRE EST JUSTEMENT PAR L ENDROIT QU IL FAIT QU IL LEUR EST INSUPPORTABLE EUR RÈGLE LES  ’ : PRIVE DE TOUTES LES CHOSES SUR LESQUELLES LES PASSIONS ORDINAIRES S APPUIENT RESTE DONC CETTE  - . P , ’ - - PASSION POUR LA RÈGLE ELLE MÊME QUI LES AFFLIGE LUS ELLE EST AUSTÈRE C EST À DIRE PLUS ELLE

14  , ’ ». S A RETRANCHE DE LEURS PENCHANTS PLUS ELLE DONNE FORCE À CEUX QU ELLE LEUR LAISSE AINT UGUSTIN ’ : « , ’ ’ ». C , L ENSEIGNAIT DÉJÀ AIMER C EST AIMER D AIMER OMME LES JOUEURS ATAVIQUES LE SAVENT LEUR  ’ - , « » , PASSION TIENT MOINS AU GAIN QU AU JEU LUI MÊME LE FRISSON DU RIEN NE VA PLUS OÙ TOUT SE JOUE ET se rejoue sans cesse, sur un coup de dés. La passion, de ce point de vue, s’avèremétonymique: ELLEPRENDLAPARTIEPOURLETOUT , OU , PLUS , . A - - PRÉCISÉMENT ELLE PRISE LE MOYEN PLUTÔT QUE LA FIN INSI LA PASSION JURIDIQUE SE FOCALISERA T ELLE  ’ - , SUR L ACTE JURIDIQUE LUI MÊME PLUTÔT QUE SUR SON EFFET ATTENDU ELLE SE FIXERA SUR LA PROCÉDURE PLUTÔT que sur son résultat — l’important étant...