Neuroscience et droit pénal
296 pages
Français

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Neuroscience et droit pénal , livre ebook

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Description

À l'heure actuelle, les données des neurosciences bénéficient d'un intérêt grandissant en matière pénale, à travers ce qu'il est convenu d'appeler le "neurodroit". De manière générale, le système judiciaire peut faire appel aux sciences du cerveau à des fins préventives, répressives ou thérapeutiques. Cependant, si les applications des neurosciences peuvent contribuer à la prévention et à la répression du phénomène criminel, ne risquent-elles pas, à plus ou moins long terme, de bouleverser les principes fondamentaux de la justice et du droit ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2015
Nombre de lectures 62
EAN13 9782336381367
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Coll. « Le droit aujourd’hui »
Coll. « Le droit aujourd’hui »

La collection « Le droit aujourd’hui » regroupe des études juridiques concernant des problèmes d’actualité nationale et internationale, dans divers domaines (éthique, politique, questions de société…).

Déjà parus

Anthony Falgas, La Voie de fait administrative. Recherche sur la justification d’une notion prétorienne , 2015.
Jean-Gregoire Mahinga, La pêche maritime et le droit international , 2014.
Christophe Houry, La piraterie maritime au regard du droit international, incertitudes et évolutions contemporaines , 2014.
Laura Baudin, Les cyber-attaques dans les conflits armés, qualification juridique, imputabilité et moyens de réponse envisagés en droit international humanitaire, 2014.
Alma Signorile, La sentence arbitrale en droit commercial international, 2013.
Titre
Peggy Larrieu










NEUROSCIENCES ET DROIT PENAL

Le cerveau dans le prétoire
Copyright





















© L’H ARMATTAN , 2015 5-7, rue de l'École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-73147-6
Introduction
Le passé n’éclairant plus l’avenir , L’esprit marche dans les ténèbres.
De Tocqueville 1
Depuis les années 1960, les neurosciences connaissent un développement spectaculaire. Face au vieillissement de la population et aux coûts croissants imputables aux troubles mentaux, les pays occidentaux ont investi dans de grands programmes de recherche. Dans les années 1990-2000, présentées comme la « décennie du cerveau » 2 , de nombreux travaux ont été entrepris, drainant des financements publics et privés considérables. Récemment, deux projets d’envergure ont été initiés : le Human Brain Project 3 dirigé par l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, qui a reçu le soutien officiel de l’Union européenne ainsi qu’une dotation de 1,19 milliard d’euros sur dix ans, ambitionne de créer un cerveau virtuel ; et l’initiative BRAIN ( Brain Research Through Advancing Innovative Neurotechnologies ) 4 , financée à hauteur de 100 millions de dollars par la Maison Blanche 5 , dont l’objectif est le décryptage et la cartographie des fonctions cérébrales et mentales.
Cela étant, les avancées des sciences du cerveau dans l’ouverture et l’étude de la « boite noire » ne sont pas restées sans incidence sur les sciences humaines. De nos jours, les neurosciences occupent une place croissante dans la société, bien au-delà des seuls domaines de la recherche et du soin. Les découvertes, les pratiques et les savoirs sur le cerveau sortent des laboratoires pour imprégner les représentations que nous nous forgeons de la réalité et de nous-mêmes, mais aussi pour orienter les politiques publiques et déterminer des logiques d’action 6 . Leur impact sur d’autres disciplines, telles que la philosophie, la psychologie, l’économie, le marketing, les sciences de l’éducation, etc., s’accompagne aujourd’hui d’intéressantes perspectives en matière juridique 7 . Après la « neurophilosophie », la « neuroéconomie », le « neuromarketing », etc. , on parle désormais du « neurodroit » pour désigner un nouveau champ de recherches consacré aux applications juridiques des neurosciences. Tout particulièrement, les données des sciences du cerveau bénéficient d’un intérêt considérable en matière pénale 8 . Elles sont censées contribuer à la lutte contre le crime, à travers l’utilisation des méthodes d’imagerie cérébrale et la prescription de traitements neuropharmacologiques, notamment.
Ces applications ont attiré l’attention des gouvernements et de différents organismes. Aux Etats Unis, depuis 2007, le Projet Law and neuroscience , dirigé par Owen D. Jones dans le cadre de la Fondation Mac Arthur 9 , étudie les avancées des neurosciences et leurs implications dans le système de justice pénale. Au Royaume-Uni, en 2010, la Royal Society s’est consacrée à leurs répercussions sur différentes politiques publiques, incluant la loi et la sécurité, et soulevant des questions liées à la personnalité, l’identité, la responsabilité et la liberté 10 . En France, dès 2009, le Centre d’analyse stratégique et l’Office public d’évaluation des choix scientifiques ont organisé des consultations et des séminaires sur la problématique du neurodroit 11 . Mais, tandis que ces organismes avaient préconisé la prudence, en juillet 2011, le législateur a choisi d’autoriser l’utilisation de l’imagerie cérébrale dans le cadre d’expertises judiciaires 12 . La France est ainsi le seul pays à avoir légiféré en la matière. Depuis, l’engouement pour le neurodroit n’a cessé de se développer.
Il est vrai que les données des neurosciences et leurs possibles applications en justice font naître d’intéressantes perspectives. Par exemple, l’imagerie cérébrale peut-elle contribuer à la détection du mensonge ? A garantir la crédibilité des victimes et/ou des témoins ? A éclairer les experts psychiatres chargés de se prononcer sur la responsabilité des délinquants ? A mettre en évidence les biais cognitifs des membres d’un jury ou d’un tribunal susceptibles de compromettre l’impartialité des jugements ? A évaluer la dangerosité des individus ? En d’autres termes, quel est le pouvoir prédictif des neurosciences ? Et les traitements neuropharmacologiques, voire neurochirurgicaux, constituent-ils une alternative efficace à la prison et un instrument de lutte contre la récidive ?… Autant de questions, qui ouvrent de nouvelles pistes de recherche à la fois pour les neuroscientifiques et pour les juristes, mais qui soulèvent en même temps des interrogations éthiques fondamentales 13 .
Car, derrière ces perspectives d’application, ce sont les bases de notre conception juridique qui sont en jeu. Si les applications des neurosciences peuvent contribuer à la prévention et à la répression du phénomène criminel, ne risquent-elles pas, à plus ou moins long terme, de remettre en cause les principes fondamentaux de la justice et du droit ? L’existence et la possibilité du libre-arbitre sont-elles encore défendables à la lumière des avancées des sciences du cerveau, qui ne cessent de mettre en évidence les déterminants biologiques de nos comportements ? Comment pouvons-nous être responsables de nos actes si nous ne sommes pas libres ? Doit-on refonder la notion de responsabilité sur ce néo-déterminisme ? Ou faut-il, au contraire, renoncer à la notion de responsabilité et rendre la justice sur la base d’autres considérations ? Par ailleurs, les avancées des sciences du cerveau ne risquent-elles pas de modifier les relations déjà fort tumultueuses du couple criminalité – folie, en redéfinissant autrement la ligne de démarcation entre le normal et le pathologique 14 ? La récidive sera-t-elle dorénavant considérée comme une maladie et non plus comme un échec du système judiciaire et pénitentiaire ? Enfin, qu’adviendra-t-il de nos conceptions de la vérité, de la sincérité et du mensonge s’il devient possible de lire dans la pensée ? Une telle option est-elle conciliable avec les libertés fondamentales de la personne humaine ? Au fond, quel est le projet d’humanité que poursuit le neurodroit ? La dignité de l’homme est-elle incluse dans ce projet ?
La rencontre des neurosciences et du droit pénal suscite donc des questionnements sans précédent qui pourraient bien réactiver d’anciennes controverses relatives à l’approche scientifique du phénomène criminel (I.), réinstaurer une approche purement médicale du crime (II.) et qui conduisent à ébaucher la question de savoir si l’avènement du neurodroit constitue un progrès ou une régression pour le système judiciaire pénal (III.).
I. Rétrospective sur les approches scientifiques de la délinquance
Confrontés au caractère fondamentalement irrationnel de la délinquance sous toutes ses formes, des juristes, des médecins, des sociologues, etc ., ont proposé différents modèles explicatifs, dans l’espoir de mettre en œuvre une approche rationnelle du crime 15 . Ces théories, essentiellement focalisées sur les causes de la criminalité, ont donné naissance à la criminologie, qui peut être définie comme « l’étude scientifique du phénomène criminel » 16 . Il s’agit d’un champ de recherches pluridisciplinaire, qui étudie la délinquance en faisant appel à d’autres disciplines, telles que la biologie, la psychologie, la sociologie et le droit p

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