L émancipation contrariée du Maghreb
265 pages
Français

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L'émancipation contrariée du Maghreb , livre ebook

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Description

Au Maghreb, l'économie informelle représente une énorme part du PIB. Qui profite de cette manne au point de faire échouer la moindre tentative de normalisation ? Pourquoi les populations et les autorités maghrébines s'accommodent de l'émigration définitive de 10 millions de maghrébins ? Qui porte la responsabilité de cette incapacité du Maghreb à s'émanciper alors que le nombre de maghrébins occidentalisés est bien plus important que sous le régime colonial ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 59
EAN13 9782296243330
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’ÉMANCIPATION CONTRARIÉE DU MAGHREB
Mokhtar Lakehal


L’ÉMANCIPATION CONTRARIÉE DU MAGHREB


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de L’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10585-0
EAN : 9782296105850

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A toutes celles et à tous ceux
qui se battent pour une
fraternité maghrébine
Introduction
Par sa quadruple situation, le Maghreb occupe une place importante dans les préoccupations actuelles des relations internationales. Car il appartient géographiquement à quatre mondes : arabe, africain, islamique et méditerranéen. Depuis l’Antiquité, cet espace a intéressé les grandes puissances militaires et commerciales : Phéniciens, Romains, Arabes, Ottomans, Français, Européens, …, par ses ressources et sa position géographique. Les bouleversements géopolitiques intervenus depuis la fin de l’URSS et l’amplification du phénomène de mondialisation des économies et de globalisation des marchés, replacent cette région du monde au centre des préoccupations géostratégiques des grandes puissances militaires et commerciales.

Ceux qui sont préoccupés par l’évolution du monde méditerranéen s’intéressent nécessairement à l’analyse de l’évolution du Maghreb depuis son indépendance politique (1956-1962) : son économie en pleine mutation, les perspectives offertes par ses multiples marchés, sa population caractérisée par une forte proportion de sa jeunesse, la diversité de ses ressources, sa proximité avec l’Europe, le regain d’intérêt que lui portent l’Union européenne, les États-Unis, la Chine, la Russie, la Corée, le Japon, le Brésil, la Turquie et d’autres puissances qui ont signé de multiples accords et traités commerciaux. Ainsi, en face de l’Europe, cinq États avec leurs 100 millions d’habitants attendent davantage de leurs partenaires pour tracer des perspectives de collaborations et d’échanges à long terme, respectueuses des spécificités culturelles maghrébines.

L’intérêt porté à cette région d’Afrique conduit à déterminer d’abord ce qui caractérise une société sous-développée. En l’occurrence, qu’est-ce qui différenciait essentiellement le Maghreb des années 1956-1962 d’un pays développé de cette époque comme la France ? C’est à partir de cette première analyse que nous passerons à celle des besoins, des aspirations et des désirs des populations maghrébines et de leurs dirigeants. Cela conduira à poser la question des moyens dont disposaient les Maghrébins tout au long de leur évolution, pour relever ces défis. Parce que chacun des dirigeants n’a voulu mobiliser que ce qui lui convenait, de l’immense énergie de son peuple, pour tenter de le faire sortir du sous-développement ; et cette volonté ne s’est toujours pas faite en considérant les vraies préoccupations à très long terme des peuples maghrébins. Le bilan des premières tentatives de sortie du sous-développement fera apparaître les traits caractéristiques du Maghreb qui, à peine ayant rompu avec l’illusion de réussir son émancipation avec des modèles importés de développement, se retrouve confronté aux thèses libérales anglo-saxonnes. En d’autres termes, si quatre décennies d’évolution postcoloniale n’ont pas effacé entièrement l’identité rurale des communautés maghrébines, faudra-t-il s’attendre à des bouleversements profonds à partir de la fin des années quatre-vingt-dix ? Certains Maghrébins bien plus nombreux aujourd’hui sont déjà fortement occidentalisés au point d’être contraints de vivre en marge de leur communauté. Tandis que d’autres vivent en exil et n’ont aucun espoir de se réinsérer dans leur pays. Car malheureusement les dirigeants et les peuples se sont progressivement accommodés de leur absence définitive du Maghreb. Pourtant, parmi eux se trouvent bien une proportion croissante d’hommes et de femmes capables de participer ardemment aux programmes de rattrapage du retard historique du Maghreb. Or, ces élites ont été mises hors du jeu Maghrébin, ou se sont elles-mêmes mises hors de ce jeu. Jusqu’aux années soixante-dix, ceux qui partaient en exil avaient pratiquement tous le projet de revenir dans de meilleures conditions après quelques années d’absence. A cette époque, qui enviait un exilé ? Personne ! Parce que l’exil semblait inscrit dans l’inconscient collectif arabo-berbère comme un arrachement douloureux d’un être à tout ce qu’il a de précieux dans son existence (famille, amis, patrie).

A force d’avoir des projets divergents de développement dans les cinq Etats, le Maghreb des années quatre-vingt s’est retrouvé sous les contraintes de l’économie mondiale, observé par ses créanciers dans ses moindres velléités d’union ou d’indépendance. L’acceptation implicite du projet d’insertion de chaque Etat du Maghreb dans cette mouvance de la mondialisation, sans larges consultations populaires, facilitera la propagation des crises, alors que jusqu’à présent cette région du monde n’avait souffert d’aucune crise majeure (1929, 1952, 1968, 1973, 1987, 2000) parce qu’elle était relativement en marge des grands flux commerciaux mondiaux. Le paradoxe qu’on observe aujourd’hui, c’est que son poids dans les échanges mondiaux reste insignifiant : le PIB des cinq pays du Maghreb, soit 350 milliards de dollars, ne représente que l’équivalent du montant des exportations françaises de produits manufacturés. Mais dorénavant le moindre froid qui sévit en Occident fera éternuer tout le Maghreb. Et puisque celui-ci ne s’impose pas vraiment comme s’impose l’Union européenne dans toutes ses dimensions, de quels moyens de défense disposera, individuellement, chacun des cinq Etats maghrébins pour éviter les soubresauts des crises internationales qui seront bien plus fréquentes ? La région est devenue un déversoir de produits de qualité médiocre importés légalement ou illégalement de Chine et d’ailleurs. Elle a la particularité d’avoir fait prospérer une culture (l’économie informelle) qui résiste à toutes les tentatives de contraindre les opérateurs clandestins de travailler dans le cadre légal. Pourquoi le Maghreb a échoué dans ses tentatives de substituer la culture de la légalité à la culture de la clandestinité, chez des millions d’opérateurs qui continuent à agir hors de l’économie formelle (déclarée) et de contrôler plus du tiers des richesses annuelles créées au Maghreb ?

Tout visiteur qui revient au Maghreb, après une absence de deux ou trois décennies, sera déconcerté par les transformations physiques et morales de la société maghrébine, notamment les rapports sociaux et les représentations. Que s’est-il donc passé qui mériterait qu’on s’intéresse aujourd’hui à cette région ? On ne saurait le nier, les responsabilités des économistes dans cette métamorphose sont évidentes. Car par manque d’imagination et d’autonomie intellectuelle, ils ont accepté avec enthousiasme de travailler sur des modèles macroéconomiques importés et plus ou moins adaptés aux besoins, aspirations et désirs des nombreuses communautés maghrébines. Et depuis les années quatre-vingt-dix, c’est bien eux qui se sont mis au service de politiciens éblouis par les succès matériels de l’Occident, pour trouver les vertus du libéralisme aux couleurs locales. L’objectif est de promouvoir cette idéologie nouvelle au Maghreb auprès des classes moyennes, cibles privilégiées des marchands de nouveautés et des promoteurs de la société de consommation à l’américaine. Parmi les nouveaux défenseurs de ce libéralisme, on retrouve des marxistes qui, jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, ne cessaient de vilipender le capitalisme, l’impérialisme, la bourgeoisie occidentale, la bourgeoisie compradore , et de nous parler du « bon peuple » qu’il faut protéger contre l’exploitation de l’homme par l’homme. Dans l’ouverture de l’économie maghrébine à la mondialisation, on retrouve à la fois ce qui manque au Maghreb pour s’émanciper sans perdre son âme l’arrivée à trop faibles doses de nouvelles technologies non agressives adaptées à la situation – locale –, mais également du néocolonialisme, comme ce qui s’est produit en octobre 2009 : « une Française installée à Marrakech et propriétaire d’un hôtel fait fermer une mosquée vieille de 50 ans parce que le muezzin dérange ses clients ! » ; ce qui a provoqué des réactions de la population et une marche arrière des autorités locales qui avaient pris

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