Le capitalisme de rente
262 pages
Français

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Le capitalisme de rente , livre ebook

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Description

Depuis les années 70, le capitalisme des pays riches a connu une mutation rentière : il délaisse l'industrie pour s'enrichir davantage par l'usage de monnaies, logiciels, images, sons, nouvelles molécules... Le travail matériellement productif est ainsi relégué dans des contrées exotiques. Les sociétés capitalistes développées deviennent des sociétés rentières, marquées par un affolement rentier des aspirations s'appuyant sur des corporatismes, des communautarismes et nationalismes qui mettent la modernité en échec.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2012
Nombre de lectures 79
EAN13 9782296481176
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le capitalisme de rente
De la société du travail industriel à la société des rentiers
Ahmed HENNI

LE CAPITALISME DE RENTE
De la société du travail industriel à la société des rentiers
L’Harmattan
DU MÊME AUTEUR

Le syndrome islamiste et les mutations du capitalisme , Non Lieu, 2008, Paris.
Le Cheikh et le Patron , OPU, 1993 Alger.
La dette , ENAG, 1992 Alger.
Société et production , OPU, 1992 Alger.
Essai sur l’économie parallèle , ENAG, 1991 Alger.
Économie de l’Algérie indépendante , ENAG, 1991 Alger.
État, surplus et société en Algérie avant 1830 , ENAL, 1984 Alger.
La colonisation agraire et le sous-développement en Algérie 1830-1954 , SNED, 1982 Alger.




© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55839-7
EAN : 9782296558397
Présentation
Ce livre traite de ce que j'appelle « le capitalisme de rente » , par opposition au capitalisme d'industrie. Celui-ci, tel que défini « canoniquement » au XIXe siècle, notamment par Karl Marx, caractérisait une société où s'activaient, dans des entreprises, des « bourgeois » , propriétaires des moyens de production, et des salariés soumis, par ces capitalistes, au régime du travail commandé. Dans cette configuration, chacun d'entre eux aspirait à réaliser un devenir individuel plus libre ou le hissant socialement plus haut. De ceci pouvaient naître des antagonismes les opposant directement les uns aux autres.
La réalisation de ce devenir individuel se devait d'être faite par soi-même sans rien devoir à une personne ou une instance extérieure à soi. C'est la modernité de Kant accompagnant le capitalisme d'industrie. Si le travailleur était, de ce fait, fier de gagner sa vie par son seul travail, le capitaliste moderne aura, comme le soulignera Max Weber, une éthique caractérisée par « une aversion pour le capitalisme illégal, politique, colonial, prédateur, monopolistique, en quête de faveurs princières ou humaines » 1 . Travailleurs et capitalistes, sont dans cette phase « canonique » , des modernes animés d'une vive hostilité aux rentiers, c'est à dire à ceux qui vivent sans travailler grâce à une domination politique et religieuse ( l'aristocratie, le clergé ) leur garantissant la propriété de moyens de production ( la terre notamment ) ou qui vivent grâce à une redistribution opérée par les appareils assurant cette domination ( États, Églises, et autres appareils ) .
Or, dans le dernier tiers du XXe siècle, sont apparus deux phénomènes qui ont conduit à la relégation progressive de cette configuration moderne par l'intensification d'une nouvelle dynamique rentière. Non que les rentes anciennes aient auparavant disparu du capitalisme d'industrie, mais de nouvelles rentes apparurent détachées du système traditionnel de la propriété foncière.
Ce fut tout d'abord l'électronique qui, dès les années 1970, modifia, progressivement, les modes de faire-valoir du capital.
Nous verrons qu'elle substitua au cycle production-consommation-destruction du capitalisme industriel, un nouveau cycle de valorisation tirant davantage profit de procédés de duplication à l'infini d'œuvres que la consommation ne détruisait pas.
Le deuxième phénomène est monétaire. Le 15 août 1971, le président des États-Unis d'Amérique proclame un état d'exception monétaire – qui dure encore. Jusqu'à cette date, le gouvernement américain était tenu de convertir, en or et à la demande, les dollars que lui présentaient les gouvernements étrangers signataires des accords de Bretton-Woods ( 1944 ). Pour ce faire, les États-Unis se devaient traditionnellement d'éviter que les gouvernements étrangers aient des dollars inutilisés. En achetant des produits américains, ces dollars trouvaient un usage plus conforme aux intérêts des États-Unis, rentraient au pays contre la vente de produits américains et allient garnir les caisses des entreprises exportatrices. Plus ils exportaient, plus les États-Unis évitaient que des gouvernements étrangers ne soient en possession de dollars inutilisés et qu'ils pourraient demander à convertir en or.

Les problèmes rencontrés par les États-Unis dans les années 1960 ( guerre du Vietnam, crise des rapports sociaux dans l'industrie notamment ) ont fait que leurs entreprises n'ont pu, par des exportations, absorber la totalité des dollars se trouvant à l'étranger. Mieux, des gouvernements étrangers, dont la France, ont demandé a convertir leurs dollars en or. Face à cette hémorragie de leur métal précieux, les États-Unis ont alors décidé, le 15 août 1971, de ne plus convertir en or les dollars détenus par l'étranger. Ils découvrirent alors, avec bonheur et surprise, que, malgré cela, les étrangers continuaient d'accepter des dollars inconvertibles en or contre les produits qu'ils leur achetaient. Il suffisait, depuis lors, d'imprimer du papier – des dollars – pour se procurer les produits du travail d'autrui. Une situation rentière exceptionnelle se mettait en place dont l'électronisation de la monnaie allait démultiplier les effets.
Ces rentes électroniques et monétaires sont, depuis les années 1980, devenues les principales sources de la capture de richesse dans les pays capitalistes développés, reléguant l'industrie au second plan. C'est ce que j'appelle « capitalisme de rente » , générateur, comme je le montrerai, d'une société de rentes, où la compétition sociale ne s'opère plus comme dans le capitalisme d'industrie. Elle conduit même à mettre la modernité en échec, configurant une société rentière où, pour reprendre l'expression citée plus haut de Max Weber, le capitalisme politique, prédateur, monopolistique, et en quête de faveurs princières devient dominant .
Je montrerai que ce capitalisme rentier s'appuie aujourd'hui sur les règles fondamentales suivantes :

1. La mise au jour de nouveaux modes de capture de la richesse. Ceux-ci sont de plusieurs sortes :
a. L'usage de la duplication électronique infinie du même produit en lieu et place de sa consommation destructive et, par conséquent, la génération de rentes permise par la production d'un seul exemplaire du produit d'origine, à l'instar de la terre qui, toujours la même, produit de multiples récoltes.
b. Ces rentes, de même nature qu'une rente foncière ou mi-nière, exigent de nouvelles formes de propriété juridique ( brevets ) protégées, non seulement sur le territoire national comme l'est la propriété foncière, mais dans le monde entier.
c. Cette protection mondiale de l'usage des produits électronique exige la projection à l'échelle planétaire d'une souveraineté ( militaire, juridique et monétaire ) apte à faire respecter des règlements, le respect de la loi seul étant nécessaire au paiement et rapatriement des redevances. La souveraineté prend le pas sur la propriété des moyens de production comme source de capture de richesse.
d. Facilitée par la disparition concomitante du mode soviétique industriel, l'apparition d'une souveraineté exerçant son hégémonie sur le monde a conduit à l'épanouissement d'une économie rentière de brevets et à l'exercice sans partage d'un seigneuriage monétaire permettant de créer autant de monnaie que de besoin, de l'imposer aux autres, et de jouir de rentes monétaires sans précédent dans l'histoire humaine, rentes devenues source d'acquisition de produits industriels fabriqués par de lointains ilotes et source d'enrichissement miraculeux par la spéculation financière.
e. La sécurité ainsi acquise de la circulation des marchandises et des monnaies a permis de déléguer à autrui les antagonismes directs de production industrielle ( des États-Unis vers la Chine par exemple ) . Le capitalisme qui prend forme aujourd'hui dans les pays d'ancienne industrie tend à esquiver systématiquement l'antagonisme direct de production, préférant s'orienter vers les secteurs rentiers ( informatique, sons et images, banque et monnaies, pharmacie, etc. ) et se placer, quand il le faut, en amont et aval des segments industriels délégués aux autres.
f. Ce modèle reprend et adapte l'organisation qu'avait mise au point un des rares secteurs rentiers du capitalisme « canonique » , l'emblématique secteur pétrolier. Les firmes

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