Les centres de tri de la région parisienne dans la tourmente de l histoire (1946-1989)
210 pages
Français

Les centres de tri de la région parisienne dans la tourmente de l'histoire (1946-1989) , livre ebook

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210 pages
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Description

Cette étude fait apparaître la transformation organisationnelle de l'institution, l'évolution du travail et ses effets, ainsi que les changements dans la culture professionnelle des employés. Pour appréhender pleinement les dynamiques de changement à l'oeuvre, l'organisation des centres de tri doit être pensée comme un construit social. L'évolution de l'organisation des centres de tri dépend de la relation d'interdépendance qui existe entre les contraintes de fonctionnement de La Poste et les logiques sociales des employés.

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Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 196
EAN13 9782296235076
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

LES CENTRES DE TRI DE LA RÉGION PARISIENNE DANS LA TOURMENTE DE L’HISTOIRE
1946-1989
Le Comité pour l’histoire de La Poste (CHP),fondé en 1995, apporte son concours aux recherches universitaires en histoire, mais aussi en sciences humaines, de l’Ancien Régime à nos jours. Les programmes de recherche et les publications sont placés sous l’égide de Muriel Le Roux, chargée de recherche au CNRS, Maison française d’Oxford et Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine.
Comité pour l’histoire de La Poste : www.laposte.fr/chp
Couverture :Trieuse d’objets plats et poste d’indexation au centre de tri de la gare Saint-Lazare (RevueMessages, n° 374, mars-avril 1988).
© L’HARMATTAN 2010 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-09716-2 EAN : 9782296097162
Bruno MAHOUCHE
LES CENTRES DE TRI DE LA RÉGION PARISIENNE DANS LA TOURMENTE DE L’HISTOIRE 1946-1989
Préface de Michel Margairaz
Comité pour l’histoire de La Poste CP F 502 44 Boulevard de Vaugirard 75757 Paris Cedex15
L’Harmattan 5-7 rue de l’Ecole Polytechnique 75005 Paris
Histoire de l’innovation et entreprise
Sous la direction de Pascal Griset
L’innovation constitue un phénomène particulièrement déterminant pour l’évolution des sociétés contemporaines. Le restituer dans sa dimension historique, telle est l’ambition de cette collection. Ouverte auxdifférentes approches, elle s’insère dans une tradition française d’histoire globale où la technologie et l’économique se trouvent au cœur des processus. La mémoire des entreprises constitue un axe majeur d’approche pour les études publiées dans la collection. L’entreprise s’insère en effet dans les systèmes de solidarité, dans les logiques économiques, mais également politiques. En étant attentifs à cette interpénétration des différentes dimensions du processus innovatif, les ouvrages de la collection s’attachent à mieuxcomprendre les phénomènes qui, de la culture d’entreprise aux politiques industrielles menées par l’Etat, manifestent l’intensité du dialogue entre technique et société.
Pascal Griset est professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris Sorbonne-Paris IV. Il dirige le Centre de recherche en histoire de l’innovation (CRHI).
La collection est éditée par le Centre de recherche en histoire de l’innovation (UMR Irice, Paris 1, Paris 4, CNRS).
Dernière parution :
Sébastien Richez,Postes et postiers en Normandie. Témoins des transformations nationales 1830-1914, Paris, L’Harmattan, 2009, 330p.
PRÉFACE
L’ouvrage qu’on va lire est issu de l’écriture remaniée d’une thèse universitaire d’histoire contemporaine soutenue il y a quatre ans à l’université de Paris 8 Saint-Denis. L’un des intérêts d’un tel travail, et par ailleurs la contrainte qui en a résulté pour l’auteur, provient du fait que celui-ci a dû dépouiller et croiser des sources originales nombreuses et variées, qui en l’occurrence combinent des archives publiques (auxArchives nationales, la série relative à la Poste), des archives privées (essentiellement les sources syndicales des différentes fédérations rattachées auxconfédérations présentes à la Poste, la CGT, FO, la CFTC et la CFDT), des sources imprimées, qu’il s’agisse des revues du ministère, des journauxsyndicauxou de la presse nationale, ainsi que des sources orales recueillies à travers une trentaine d’entretiens que l’auteur a conduits avec des anciens employés, des cadres ou encore des responsables syndicauxdes centres de tri. Mais Bruno Mahouche a ajouté à ce matériau scientifique sa connaissance profonde, voire intime de ces centres de tri qu’il connaît bien par ailleurs, ce qui lui a sans doute facilité la compréhension, l’analyse et l’interprétation des documents, dont il nous livre ainsi la signification de manière plus aiguisée, grâce à des notations très concrètes sur les gestes au travail ou sur des formes particulières de l’univers culturel ou de la sociabilité des employés. Il en résulte un véritable ouvrage auxmérites multiples. Le premier, et peut-être le plus notable d’entre eux, provient du souci chezl’auteur d’avoir voulu croiser plusieurs histoires à l’œuvre dans l’évolution de ces centres de tri de la région parisienne d’après-guerre. D’abord, Bruno Mahouche s’attache à brosser une histoire du travail, plus exactement d’un certain monde du travail, travail non productif, mais manuel et peu à peu mécanisé, puis automatisé dans l’espace des quatre décennies qui suivent la fin de la seconde guerre mondiale, parallèlement auxévolutions proches ou analogues d’autres univers de travail dans le monde des services ou des banques, mais aussi dans les établissements industriels. À ce propos, l’auteur a su combiner l’analyse de l’évolution technique des équipements de travail, celle des transformations dans les gestes des employés, souvent présentés avec une grande précision, et plus largement celle des mutations dans les relations sociales de ces communautés de travail particulières. Onyretrouve des clivages classiques entre travailleurs qualifiés et non qualifiés, hommes et femmes, titulaires et non titulaires… Au total, il s’agit de découvrir une histoire des relations
professionnelles dans un contexte de travail particulier, au cours de laquelle se construisent et évoluent des identités professionnelles et même une véritable culture professionnelle – qui emprunte à la fois à la culture des employés et à celle des ouvriers selon un dosage subtilement présenté, le tout entremêlé au statut de la fonction publique avec ses contraintes et ses acquis spécifiques. Ensuite, l’ouvrage nous donne à lire l’histoire d’une bureaucratie. La modification de l’organisation des centres de tri, à partir de l’existence des centres-gares traditionnels, parallèlement à la réorganisation de la Région parisienne des années 1960, fait intervenir le ministère, la direction générale de la Poste ainsi que les différents niveauxhiérarchiques des PTT. L’auteur fait souvent référence à ce «milieu du pouvoir», ensemble complexe où se forgent les décisions qui vont peser diversement sur le contenu du travail de l’univers des centres de tri. Enfin, on découvre l’histoire d’un service particulier inséré dans le service public de la Poste. On peut alors suivre les évolutions du service rendu, soumis à la contrainte de productivité et de sécurité du réseau postal. Ainsi, à travers la remise en cause de l’unicité du tarif, le service évolue au cœur des tensions qui opposent une organisation ancienne du travail, des cultures professionnelles et syndicales à l’œuvre, ainsi que la stratégie de l’établissement public, lui-même soumis auxfluctuations des politiques des divers segments de l’Etat.
En outre, tout en faisant œuvre originale, l’auteur prend appui sur de nombreuxtravauxscientifiques présents dans différentes disciplines, qu’il s’agisse de l’histoire sociale, de la sociologie des institutions ou des organisations. Onydécouvre de surcroît une vraie thèse, au bon sens du terme. Bruno Mahouche démontre chemin faisant que l’évolution de l’organisation des centres de tri de la région parisienne résulte de l’interaction souvent conflictuelle entre les logiques financières, commerciales, techniques et bureaucratiques du «milieu du pouvoir» d’une part, et, d’autre part, les logiques sociales et culturelles des employés eux-mêmes et des syndicats auxquels ils adhèrent. Confrontée à une croissance du trafic et à des contraintes budgétaires fortes, la direction de la Poste doit ajuster ses choixen permanence en faveur d’une politique de croissance de la productivité, de mécanisation, de spécialisation et de déterritorialisation décentralisée. Bruno Mahouche distingue dans cette période trois phases, qui s’emboîtent plus qu’elles ne se suivent en rupture les unes avec les autres. La première phase, comprise entre 1946 et 1963, est marquée en particulier par la mise en place de la politique de réduction des coûts. Une seconde décennie (1964-1974) se caractérise par les injonctions de l’Etat,
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parallèlement à la politique d’Aménagement du territoire en région parisienne et à la réorganisation administrative de la banlieue, avec en particulier la création des nouveauxdépartements. Enfin, une troisième étape s’étend du milieu des années 1970à la fin des années 1980sous le signe de plusieurs créations institutionnelles et d’une certaine «crise de confiance» interne à l’établissement public, dont la grève de 1974 se présente comme l’élément précurseur.
Tout en formulant des analyses pertinentes sur les évolutions politiques, institutionnelles, professionnelles et culturelles à l’œuvre, il nous donne aussi à voir avec nuance et précision les gestes du travail des employés des centres de tri dans leur quotidienneté. Onytrouvera aussi d’intéressants aperçus sur des aspects particuliers, qui prolongent d’ailleurs souvent la réflexion au-delà de l’objet propre de l’ouvrage. Ainsi, on peut lire des développements suggestifs sur la permanence de certaines cultures syndicales à l’oeuvre, ou encore sur le contenu du service public spécifique à la Poste, fondé en particulier sur la «noblesse de la lettre» dans les années 1940-1950, mais soumis ensuite auxfluctuations du marché et à ses conséquences. On découvre surtout des éléments neufs sur l’inscription sociale des employés du tri, qui, on l’a compris, emprunte à l’univers professionnel des employé(e)s mais aussi à celui des ouvrier(e)s. Ony apprend aussi beaucoup sur les disparités territoriales, particulièrement en termes de sociabilité, entre les centres-gares parisiens et les centres de banlieue de la Poste.
Au total, l’ouvrage constitue un beau travail d’histoire technique, sociale et culturelle d’un univers de travail particulier et peu connu, sur lequel Bruno Mahouche nous livre une approche savante, à travers la masse des archives dépouillées, mais aussi une perception très concrète des employé(e)s des centres de tri au travail, grâce à sa bonne connaissance des lieuxet à la qualité des témoignages qu’il a su recueillir.
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Michel Margairaz Professeur à l’université de Paris I -Panthéon Sorbonne CNRS/IDHE
INTRODUCTION
En France, la croissance régulière du trafic postal constitue, de l’après-guerre jusqu’à la fin des années 1980, l’une des évolutions majeures de la Poste. Cependant, celle-ci étant dépendante des restrictions budgétaires, les effectifs peinent à suivre l’évolution de la courbe du trafic postal. La pénurie de main-d’œuvre est d’autant plus préjudiciable pour la Poste que cette entreprise possède cette caractéristique d’être une entreprise de main-d’œuvre dont une proportion non négligeable des employés est utilisée pour travailler dans les centres de tri. C’est pourquoi, pour satisfaire aux impératifs de productivité, les managers de la Poste mettent en place des formes de rationalisation du travail qui ont pour principale caractéristique d’évoluer au gré du contexte économique et social au sein duquel elles ont 1 vocation à s’insérer . C’est dans ce contexte que cet ouvrage aborde l’évolution de l’organisation des centres de tri de la Poste de la région parisienne de 1946 à 1989. Le choixde situer cette étude en région parisienne ne relève pas du hasard. Ajoutée au volume croissant de courrier, l’excessive centralisation du système administratif français qui conduit à faire transiter par la région parisienne le courrier en provenance et à destination de la province est une contrainte supplémentaire pour les établissements de cette région. Enclavés entre le service de relève du courrier, les bureauxde poste et le service de distribution, les centres de tri ne sont qu’une des composantes de la chaîne de traitement du courrier. Organisée selon un agencement de nœuds et d’articulations du dépôt du courrier jusqu’à sa distribution, l’organisation du travail s’apparente alors à une « industrie de fluxdiscontinu » comme pour les industries d’assemblage. La vitalité démographique et économique de la région parisienne a des conséquences importantes sur le volume et la nature des fluxde trafic postal. Il faut opérer des choixen matière de moyens de transport du courrier en tenant compte de leurs performances et de leur efficacité, décider de la localisation géographique des établissements. La Poste doit aussi anticiper et tenir compte des mouvements et de la répartition de la population au sein d’un espace géographique dynamique comme celui de la région parisienne. Bref, elle est soumise à d’importantes contraintes de fonctionnement comme 2 toutes les entreprises qui doivent traiter des fluximportants d'objets . Il importe alors de considérer l’ensemble de ces contraintes afin de saisir les dynamiques à l’œuvre dans l’évolution de l’organisation des centres de tri de la région parisienne qui ne se réduit pas seulement à son aspect institutionnel, mais dépend également de sa dimension humaine.
1 Fridenson Patrick, « Un tournant taylorien de la société française (1904-1918) »,Annales ESC, n° 5, septembre - octobre 1987 ; Moutet Aimée, « Une rationalisation du travail dans l’industrie française des années trente »,Annales ESC, n° 5, septembre-octobre 1987. 2 Briand Jean-Pierre, Chapoulie Jean-Michel, « L’institution scolaire et la scolarisation : une perspective d’ensemble »,Revue française de sociologie, XXXIV, 1993, pp. 3-42.
L’organisation des centres de tri de la région parisienne est entrevue comme un « système d’interaction » dans la mesure où auxrègles de contrôle imposées de l’extérieur se combinent des règles autonomes produites de 1 l’intérieur . Cet aspect permet d’envisager l’histoire sociale de cette institution comme une matrice où des tensions, des antagonismes mais aussi des formes de coopération et des arrangements composent un univers social 2 complexe . La catégorie professionnelle des employés des centres de tri, cette 3 communauté pertinente de l’action collective , est porteuse de coopération 4 productive, mais aussi de menaces de conflit . Les mouvements sociauxsont nombreuxdans les établissements et la chaîne de traitement du courrier rencontre de nombreuses vicissitudes techniques et sociales qui entravent la fluidité du trafic postal et entachent la qualité du service rendu auxusagers. En région parisienne, les employés possèdent le pouvoir de bloquer le trafic des établissements, ce qu’aucune autre catégorie de postier n’est en mesure de réaliser. Lorsqu’un arrêt de travail est programmé, il touche toutes les brigades. Cela tient à la structure de l’organisation de l’acheminement du courrier de la région parisienne qui constitue «un goulot d’étranglement par lequel passe le courrier. L’acheminement est une sorte de sablier dans lequel la partie supérieure représente le dépôt et le ramassage des objets de correspondance, ceux-ci étant ensuite acheminés par différents moyens de transport vers les bureaux-gares parisiens qui en constituent le passage 5 obligatoire…» . Une fois la grève terminée, le trafic habituel s’ajoute aux reliquats et l’administration n’a d’autre recours que de proposer aux employés d’effectuer des heures supplémentaires pour résorber rapidement le surplus de trafic. Dans les centres de tri, la grève crée donc paradoxalement du travail. Sensibles à l’esprit de justice et d’égalité, les employés des centres de tri défendent en priorité l’égalité de traitement des usagers. En région parisienne, souvent originaires de régions rurales, ils supportent mal les conditions d’existence de cette région : beaucoup demandent à retourner dans leur région d’origine après un séjour en Ile-de-France. Les salaires qui dépendent des grilles de la fonction publique et sont inférieurs à ceux pratiqués dans le secteur privé à qualification égale leur permettent difficilement de faire face à la cherté de la vie en région parisienne. L’interconnexion profonde entre la concentration du personnel dans les établissements, le déracinement, le statut de fonctionnaire et les difficiles conditions de travail favorisent très tôt l’apparition d’une conscience collective qui se traduit par des formes de résistance et une tradition de lutte entachée de corporatisme. Les formes de résistance, classiques, telles que les
1 Reynaud Jean-Daniel,Les règles du jeu, l’action collective et la régulation sociale, Armand Colin, Paris, 1991. 2 Chevandier Christian, Pigenet Michel, « L’histoire du travail à l’époque contemporaine. Clichés tenaces et nouveauxregards »,Le Mouvement social, n° 200, juillet-septembre 2002. 3 Segrestin Denis,Sociologie de l’entreprise, Armand Colin, Paris, 1992. 4 Coutrot Thomas,Critique de l’organisation du travail, Editions la Découverte, Paris, 1999. 5 Pappalardo Joseph,Etude sociologique d’un centre de tri, Paris, 1969.
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