Préjugés, discrimination et exclusion en santé mentale
186 pages
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Description

Pourquoi parler de préjugés, de discrimination et d’exclusion en santé mentale? Parce que la stigmatisation est le principal frein au rétablissement de ceux qui sont aux prises avec un trouble mental ou psychique. La crainte d’être jugées et dévalorisées, et que le regard des autres se transforme à leur égard, empêche la plupart de ces personnes de demander de l’aide, avec pour conséquence qu’elles souffrent inutilement.
Des gens atteints d’un trouble mental de même que des proches, touchés eux aussi par la réprobation, ont bien voulu sortir de l’ombre pour témoigner de leur expérience et suggérer des pistes de solution. Certains des plus grands experts en la matière, provenant du Québec, de la France et des États-Unis, ont également accepté de vulgariser leurs découvertes en matière de stigmatisation.
Ce livre propose des solutions concrètes et accessibles qui visent à mettre fin à la stigmatisation tant au sein des services de soins que du marché du travail, du système d’éducation et de la population en général.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 octobre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782925096108
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Remerciements
J’aimerais tout d’abord remercier Tania Lecomte pour son appui constant et son amitié indéfectible. Sa rigueur scientifique, tant pour le savoir académique que le savoir expérientiel, en font une précieuse collaboratrice.
Merci aux auteurs qui ont généreusement accepté de contribuer à la réalisation de cet ouvrage. Ils ont été à la hauteur de mes attentes et je leur en suis reconnaissant.
Je tiens à remercier chaleureusement le Centre de recherche en santé durable VITAM ainsi que Cap rétablissement, groupe de recherche qui vise à promouvoir le rétablissement pour les personnes qui composent avec une schizophrénie ou un trouble psychique.
Je tiens à souligner l’appui inébranlable de ma famille, de mes amis, de mes pairs et de mes collègues.
Un immense merci à mon éditrice, MarieJosée Blanchard de Performance Édition, qui, en dépit de la conjoncture sociale et économique incertaine, m’a dit oui pour ce troisième livre. Merci aussi à son équipe.
Merci enfin à mon épouse, Nathalie Hébert, qui m’a appuyé jour et nuit et qui est ma source d’inspiration et ma joie de vivre.
Luc Vigneault
 
Préface de Karine Igartua, M.D., CM, FRCPC
Chef de psychiatrie, Centre universitaire de santé McGill Présidente de l’Association des médecinspsychiatres du Québec de 2013 à 2021
Lorsque j’ai initialement été invitée à rédiger cette préface, je me suis inquiétée quant à ce que je pouvais bien dire. Je craignais qu’on eût déjà assez parlé de la déstigmatisation en santé mentale, que le sujet était désuet. En effet, le gouvernement du Québec fait déjà depuis plusieurs années des campagnes de sensibilisation sur les troubles anxieux, la dépression et les dépendances, la compagnie Bell parle pour la cause depuis plus de dix ans, et la Semaine de la santé mentale se tient annuellement depuis plus de soixantedix ans.
Je m’inquiète même de l’effet secondaire de toute cette « sensibilisation », de toutes ces publicités qui incitent à demander de l’aide quand ça ne va pas. Je crains que nous risquions de verser dans la pathologisation de toute détresse humaine. Mon amoureuse me quitte; au lieu de nommer ma tristesse et de vivre mon deuil, je me déclare déprimée ou suicidaire. Si je me sens plus calme en fumant du cannabis, ce doit être parce que j’ai un trouble anxieux. Je panique parce que je ne suis pas suffisamment bien préparée pour mon examen; j’ai sûrement un trouble panique.
Non, non et NON! Les événements de la vie s’accompagnent d’émotions.
C’est normal et c’est sain! Ce n’est pas parce que les émotions sont inconfortables qu’elles sont pathologiques. Toute cette sensibilisation nous mènetelle à médicaliser la souffrance à outrance?
Plusieurs enquêtes montrent des taux de détresse plus élevés chez les jeunes. Élevonsnous des générations moins résilientes, moins capables de composer avec leurs émotions, moins tolérantes à la détresse? Le mouvement Alpha Connectés revendique un cours de santé mentale à l’école pour mieux outiller les jeunes à reconnaître et à gérer leurs émotions, et à adopter des habitudes de vie propices à leur santé mentale. Ce même mouvement nous incite à nous pencher sur les mœurs de notre société moderne qui seraient délétères pour notre bienêtre. Par exemple, le temps d’écran est inversement proportionnel au temps passé à des activités en face à face, à l’exercice physique et aux heures de sommeil. Or, ces trois facteurs sont des protecteurs de la santé mentale.
L’organisation de la société en plus petits noyaux familiaux, le plus grand nombre de personnes vivant seules et la réduction des groupes d’appartenance ou des lieux de rencontre accentuent la solitude et réduisent le sentiment d’appartenance. L’ampleur de notre vie virtuelle fait en sorte que nous sommes rarement complètement dans le moment présent, alors que nous vivons une expérience tout en ayant en tête comment nous allons l’afficher sur les réseaux sociaux. Nous jouons avec nos enfants, mais le téléphone cellulaire peut ramener notre esprit au boulot à tout moment. Nous sommes toujours joignables, et nous ne savons plus comment laisser notre esprit rêver. Nous dépendons à ce point de la stimulation continue que, même à un feu rouge, nous sortons nos téléphones pour nous divertir. Il est possible que tous ces changements sociaux soient responsables de la détresse accrue que nous décelons.
Par ailleurs, malgré cet accroissement documenté de détresse et de demandes d’aide, malgré les campagnes de sensibilisation, nous éprouvons encore collectivement un malaise à parler de maladies mentales. Nous utilisons l’euphémisme « santé mentale » au lieu de parler de maladies mentales ou de troubles mentaux. Ce langage est courant dans la rue, mais aussi dans nos institutions : « C’est un cas de santé mentale », disonsnous.
Dirionsnous de celui qui a une colite ulcéreuse que « c’est un cas d’harmonie digestive »? En évitant de nommer les maladies, en utilisant l’euphémisme santé mentale lorsqu’on veut plutôt signifier un trouble mental, on confond tout. On confond détresse normale et maladie mentale. On confond les habitudes qui peuvent améliorer la santé mentale et les interventions plus ciblées pour traiter les maladies mentales. La méditation, par exemple, peut réduire le stress et calmer les ruminations, mais elle ne traitera pas les obsessions d’un trouble obsessif compulsif. Bien dormir évite la fatigue, mais plus de sommeil ne réglera pas le manque d’énergie d’une personne souffrant d’une dépression majeure mélancolique.
Notre réticence à nommer correctement les choses est un signe que la stigmatisation existe encore et qu’elle contribue paradoxalement à nourrir cette même stigmatisation.
Les troubles mentaux ne sont pas tous égaux face à la stigmatisation. Il y a certes une plus grande acceptation sociale pour les troubles anxieux et la dépression que pour le trouble bipolaire ou la schizophrénie, peut être parce que nous avons tous vécu de la tristesse ou de l’angoisse et que nous sommes donc moins portés à faire une distinction entre « eux et nous ». Nous pouvons plus facilement nous imaginer que notre tristesse devienne démesurée, débilitante, et qu’elle verse dans la dépression majeure. C’est peut-être aussi parce que les troubles anxieux et la dépression sont quatre ou cinq fois plus communs que la schizophrénie ou la bipolarité.

Nous sommes donc tous plus susceptibles de connaître personnellement quelqu’un qui souffre de dépression que quelqu’un qui souffre de schizophrénie.
Nous savons que pour tout groupe stigmatisé, la meilleure stratégie pour faire tomber la discrimination et les stéréotypes est de connaître personnellement quelqu’un qui fait partie de ce groupe. Puisque notre sœur fait une dépression et que nous aimons notre sœur, nous sommes moins portés à juger les gens qui ont la même maladie qu’elle. Si notre frère est atteint de schizophrénie et que nous aimons notre frère, nous serons moins enclins à juger d’autres personnes atteintes de schizophrénie. Or, statistiquement, il y a plus de sœurs déprimées que de frères schizophrènes.
Même si la schizophrénie est moins commune que les troubles anxiodépressifs, les expériences psychotiques sont quant à elles moins rares.
Après une garde de trentesix heures à l’unité des soins intensifs néonataux, je suis rentrée chez moi épuisée pour me mettre au lit. Mais voilà qu’il y a un bébé qui ne cesse de brailler. Je me lève donc pour fermer la fenêtre afin de couper le bruit. Je me recouche, mais je l’entends toujours. Puis une alarme se fait entendre. Comment m’endormir dans ce vacarme? Je mets un oreiller sur ma tête pour couper le bruit et c’est là que je me rends compte que le vacarme est dans ma tête. J’ai des hallucinations auditives : mon cerveau continue de me faire jouer les bruits que j’ai entendus au cours des dernières trentesix heures. Heureusement pour moi, j’ai fini par m’endormir et les hallucinations avaient disparu à mon réveil. J’ai tiré de cette expérience une compréhension expérientielle de l’impact déroutant des hallucinations.
Finalement, certains troubles sont plus dérangeants que d’autres. La personne dépressive ne sortira pas de chez elle, la personne en phase maniaque pourra faire des excès de vitesse, être irritable avec ses proches et même apostropher les passants.
Par ailleurs, notre société confond parfois le traitement d’un trouble mental avec l’assurance de la paix sociale. Elle met le fardeau des comportements déviants sur le dos de la maladie mentale et du psychiatre qui a failli dans son devoir de la traiter. Il faut préciser ici qu’un comportement déviant n’est pas nécessairement lié à une pathologie. J’enseigne régulièrement aux étudiants en médecine que les gens ont le droit d’être marginaux et qu’un comportement agressif peut découler de la simple méchanceté. Il faut éviter d’amalgamer agressivité et trouble mental.
Cet amalgame fait malheureusement partie de nos lois. En effet, nous sommes légitimés d’utiliser la coercition en psychiatrie lorsqu’il y a un risque grave pour la personne elle-même ou pour autrui. L’essai sur la coercition comme résultante de la stigmatisation, au chapitre 5, m’a fait réfléchir. En tant que psychiatre œuvrant à l’urgence, j’utilise d’abord la prise de décision partagée, mais parfois aussi la persuasion ou même la coercition pour accueillir un patient en crise. Je trouve malheureux que des patients souffrant terriblement de leurs symptômes, le plus souvent psychotiques, ne croient pas avoir une maladie mentale, ont des explications autres pour leurs souffrances et des demandes d’aide influencées par leur délire : « Je n’ai pas besoin de traitement en psychiatrie, j’ai besoin que vous envoyiez la police arrêter les gens qui entrent chez moi et me donnent des décharges électriques pendant la nuit » ou « Je n’ai pas besoin d’un psychiatre, j’ai besoin d’un chirurgien pour m’enlever la puce dans la jambe ». Il est triste de voir des patients très souffrants qui restent sans traitement par

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