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pages
Français
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2020
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Publié par
Date de parution
27 mai 2020
Nombre de lectures
8
EAN13
9782738151841
Langue
Français
Publié par
Date de parution
27 mai 2020
Nombre de lectures
8
EAN13
9782738151841
Langue
Français
© O DILE J ACOB , AVRIL 2020
15, RUE S OUFFLOT, 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5184-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
« Il est vrai qu’avoir trop de certitudes est toujours dangereux, il est bon néanmoins, pour tenir le coup, d’avoir quelques convictions. »
Régis D EBRAY , Du génie français
Avant-propos
En 2000, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décernait à la France la première place de son classement des systèmes de santé. Les critères, multiples, choisis pour le classement prêtèrent à discussion, reste que cette première place était symboliquement forte et source de fierté. Seulement, voilà, depuis nous ne cessons de reculer dans les classements internationaux. Et la santé a fait son entrée dans le débat public national, non sur le registre des grandes avancées médicales ou de l’excellence du système de soins, mais sur celui des crises : crise des « déserts médicaux », crise du manque de médecins traitants, crise de la sélection des étudiants en médecine, crise des urgences, crise de l’hôpital, crise des EHPAD, crise des infirmiers et des aides-soignants, crise du médicament. Jusqu’à présent, la santé était restée un thème marginal des confrontations de programme lors des élections présidentielles. On a bien eu droit à des controverses sur les « franchises médicales » entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, à des polémiques sur la « gouvernance hospitalière » – hôpital-entreprise versus service public hospitalier – entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, ou encore à un bref échange sur la place des assurances complémentaires par rapport à la Sécurité sociale entre François Fillon et Alain Juppé, mais cela restait marginal et n’entamait pas le consensus national fort sur la santé. Cette fois, pour les présidentielles de 2022, on ne devrait pas échapper à un débat tendu impliquant les citoyens sur les maladies dont souffre notre système de santé, leurs causes et leurs traitements.
Notre système de santé connaît en effet une double crise : crise de financement et crise d’organisation.
À la suite de la crise financière mondiale de 2008, le système de santé a été mis à un régime de rigueur. En se prolongeant, la rigueur s’est transformée en austérité, puis l’austérité en pénurie. Et comme il est très difficile de contraindre les dépenses de ville dépendant d’un accord entre l’assurance-maladie et les syndicats des professionnels de santé libéraux, c’est l’hôpital, sur lequel l’État a la main, qui a servi de volant de régulation. Il a été progressivement étranglé : en dix ans, on a supprimé 70 000 lits et on lui a imposé 8 milliards d’économie. Aujourd’hui, l’hôpital est à l’os. Il n’est plus attractif. Des médecins et des infirmiers le quittent. Des lits sont fermés par manque de personnel, y compris dans des services de réanimation pédiatrique. Des nourrissons atteints de bronchiolite doivent être transférés à plus de 200 kilomètres de Paris en ambulances, faute de place en Île-de-France. La maman suit le bébé, le papa se débrouillera pour garder le petit frère ou la petite sœur. On en est là ! La ministre de la Santé et le Premier ministre ont été contraints d’élaborer en catastrophe un plan pour l’hôpital, après deux plans consécutifs pour les urgences hospitalières et un grand plan de réforme du système tout entier, « Ma santé 2022 », présenté en septembre 2018 par le Président lui-même. Les plans se succèdent mais, faute de moyens, ils finissent par ressembler à des plans com’ !
Cette crise du financement se double d’une crise d’organisation. En effet, notre système, qui restait jusqu’ici très performant pour le traitement des maladies aiguës bénignes et les gestes techniques simples et pour la prise en charge des maladies aiguës graves ou les gestes techniques complexes, est profondément inadapté aux demandes nouvelles, qu’il s’agisse de la demande de consultations sans rendez-vous ou du traitement et de la prévention des maladies chroniques qui touchent 20 millions de personnes. Ces demandes nouvelles nécessitent un travail en équipe pluriprofessionnelle entre médecins, infirmiers et paramédicaux, une collaboration entre professionnels de santé et travailleurs sociaux, une coordination entre la médecine de ville, les EHPAD, les centres de soins de suite et les hôpitaux. Ni la vieille médecine libérale avec son travail solitaire en cabinet, son paiement à l’acte, ses consultations courtes et ses longs délais de rendez-vous, ni l’hôpital-entreprise postmoderne avec sa tarification à l’activité (T2A), ses séjours à la chaîne et son néomanagement ne sont adaptés. Les urgences hospitalières sont au carrefour de ces deux crises : crise de l’amont expliquant que 50 % des patients consultant aux urgences pourraient être vus en ville, crise de l’aval expliquant que les patients passent des heures aux urgences allongés sur des brancards faute de lits libres dans les services spécialisés correspondant à leur pathologie.
Comment en est-on arrivé là ? Certes au tournant des années 1980-1990, le néolibéralisme a fait croire que toutes les activités humaines pouvaient être mesurées, quantifiées et valorisées et que la concurrence libre et non faussée était la condition nécessaire et suffisante pour obtenir la qualité au plus bas coût. En santé, c’est l’inverse qui est vrai, en raison notamment de l’asymétrie avant tout émotionnelle entre le patient et le prescripteur, asymétrie dont le médecin prête serment de ne pas abuser. Et aussi parce que la demande d’examens complémentaires exprimée par le patient inquiet, la peur du médecin de « passer à côté » de quelque chose de sérieux, la logique inflationniste du paiement à l’acte et de la T2A, tout pousse à une médecine prescriptive. Au moins 20 % des actes et des prescriptions seraient injustifiés. À la vulgate mondialisée sur les bienfaits de la concurrence sur le marché est venue s’ajouter une particularité française historique, l’allergie, pour ne pas dire plus, des médecins français à l’égard de la santé publique censée favoriser la mainmise de l’État.
Aujourd’hui les big data, l’intelligence artificielle et les nouvelles techniques de communication réveillent l’illusion d’une « médecine industrielle » où la technologie réglerait tous les problèmes et où le médecin devrait laisser la place au technicien ou à l’ingénieur. On nous promet que l’algorithme remplacera la démarche diagnostique, comme le robot remplacera le bistouri. Mais tant qu’il existera des maladies chroniques que l’on ne sait pas guérir, le problème numéro 1 de leur traitement restera la difficulté pour les patients d’adopter de nouveaux comportements et de les maintenir dans la durée. L’observance n’est en moyenne que de 50 %. Les conséquences de la non-observance pour les patients sont majeures en termes de complications, de handicaps et de mortalité, et le coût pour la société se chiffre en dizaines de milliards. L’amélioration de l’observance passe par le développement d’une médecine centrée non plus sur la maladie mais sur la personne malade, pleinement informée et participant aux décisions sur sa santé. Quant à la prévention, elle relève non seulement de changements de comportements individuels et collectifs, mais plus largement d’une politique environnementale dépassant le champ du ministère de la Santé. C’est en réalité une autre médecine qu’il faut développer 1 . Il est plus que temps de passer d’un système de soins à un système de santé développant la prévention et se préoccupant des déterminants sociaux de la santé.
Il faut donc tout repenser et mettre en œuvre la troisième révolution qu’appelait déjà de ses vœux en 1973 Robert Debré, l’architecte de la deuxième révolution, la réforme de 1958, créant les centres hospitalo-universitaires (CHU) à l’origine de l’hôpital moderne et performant pour tous. Grand progrès venu après la première grande révolution : la création, en 1945, de la Sécurité sociale qui visait à assurer l’égalité de toutes et tous face à la maladie et à la mort, grâce à l’instauration d’une solidarité interprofessionnelle à l’échelle nationale. Au sortir de la guerre, la santé apparaissait comme un bien commun ne devant être ni privatisé ni étatisé. Depuis, l’évolution s’est faite à l’inverse vers plus d’étatisation et plus de privatisation. La troisième révolution de la santé, propulsée par les progrès constants des sciences et des techniques, devra donc se faire sur les valeurs du passé parce qu’une médecine égalitaire et solidaire est la garantie de la meilleure qualité des soins pour chacun.
Ce livre rassemble les analyses de différents experts, médecins, paramédicaux, patients, sociologues, politistes, économistes, géographes, présentant les bases d’un programme pour une vraie politique de santé en rupture avec la vision qui domine depuis plus de dix ans associant contrainte budgétaire et management entrepreneurial. La mise en œuvre d’une telle politique suppose le développement d’une authentique démocratie sanitaire. La démocratie représentative tend à se réduire dans notre pays à l’élection tous les cinq ans d’un président de la République, au terme d’une campagne où les enjeux de santé sont absents ou réduits à la portion congrue.
La santé est une affaire trop importante pour être confiée seulement à des experts non élus et à des élus sans expertise et