Ma vie dans le milieu gay , livre ebook

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Dès son enfance, Richard se découvre des pulsions homosexuelles. Comment réagir? Les refuser? Les nier? Leur puissance est telle qu’il finit par les accepter. Il fait alors son «coming out» et navigue tant bien que mal dans le milieu gay. Un parcours peu ordinaire qu’il relate avec authenticité et sans fausse pudeur.
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Publié par

Date de parution

01 juillet 2012

Nombre de lectures

52

EAN13

9782889135301

Langue

Français

Extrait


Regroupés à l’entrée de l’impressionnant Yankee Stadium de New York, nous étions tendus par l’attente, mais sûrs de nous et prêts à avancer dès que l’on nous aurait fait signe d’entrer dans l’arène. C’était une grande occasion, notre événement, mon moment. Les délégations des différents pays devaient franchir les portes du stade, les unes après les autres, par ordre alphabétique. Cela signifiait que notre délégation hollandaise, composée d’environ deux cents athlètes, devait attendre un peu avant que ce soit son tour d’avancer et de prendre part à la fête. De l’extérieur, un écran géant nous montrait ce qui se passait à l’intérieur et nous avions hâte d’être conviés aux festivités. L’atmosphère était électrique. J’ai commencé à ressentir comme une montée d’adrénaline. J’attendais impatiemment le signal qui nous permettrait d’entrer et de participer à ce grand événement.


C’était la cérémonie de clôture des Gay Games1 de 1994. Il ne s’agissait pas d’une simple cérémonie protocolaire; pour moi comme pour beaucoup d’entre nous, c’était le moment le plus marquant de cet événement. Une formidable manifestation d’unité et de conviction. Tout à coup, notre délégation s’est mise en mouvement et a commencé à avancer. C’était notre tour. Nous sommes alors entrés dans le stade, vêtus de magnifiques tenues bleues, blanches et rouges qui avaient été spécialement créées pour l’occasion. Comme un déluge, le bruit des applaudissements, des encouragements et des acclamations de 70 000 spectateurs s’est alors abattu sur nous. J’ai eu la sensation d’être complètement absorbé par ces tribunes bondées de monde, j’avais l’impression de partager quelque chose avec chacune des personnes présentes, quelque chose de très important qui venait du plus profond de mon être: mon identité sexuelle.


C’était le point culminant de la lutte du mouvement homosexuel, méprisé, offensé et si souvent persécuté par le passé. J’avais moi-même, pendant des années, lutté contre mes propres sentiments et contre cette orientation sexuelle qui m’avait éloigné de la norme. J’avais très peur des éventuelles réactions de mon entourage, mais lorsque j’ai fait mon «coming out»2, ma famille et mes amis ont accepté mon choix en se montrant compréhensifs. Cela n’a pas été le cas pour de nombreuses autres personnes, certaines ont dû faire face à la condamnation et au rejet, d’autres ont vu les liens familiaux se rompre et ont perdu des amis.

Cette marche dans ce stade était triomphale et, désormais, le monde ne pouvait plus nous ignorer. Nous représentions un formidable pouvoir dont il fallait tenir compte. Il s’agissait d’une expérience de profonde solidarité et d’unité. Je marchais comme si je m’élançais vers la victoire. A ce moment-là, nous étions au centre de l’attention, tous les regards étaient posés sur nous. J’étais complètement enivré et aspiré par l’événement, par les gens et par tout ce qui se passait autour de moi. Nous étions maintenant chez nous, à l’abri des menaces et de l’insécurité. Confinés à l’intérieur de ce gigantesque événement, nous pouvions librement célébrer notre identité et notre style de vie. Personne ne pouvait nous nuire, nous ridiculiser ou enfreindre notre liberté.

La cérémonie de clôture des Gay Games est toujours l’occasion de manifester une abondante créativité et d’en véhiculer toutes les formes d’expression. Le monde homosexuel possède une sous-culture très riche en qualités artistiques. Ici, à New York, la cérémonie avait, bien entendu, un caractère typiquement américain: énorme, extravagante et splendide. Ce spectacle était un tourbillon dans lequel se produisaient de grands artistes comme Patti LaBelle et Cindy Lauper. Des spectacles musicaux auxquels s’ajoutaient des danses, des parades et bien sûr de nombreux discours exaltés et fougueux, tous destinés à vanter et à confirmer les mérites du style de vie homosexuel.

Je faisais partie de l’équipe hollandaise de natation et j’étais inscrit à plusieurs épreuves: le 50 mètres papillon, le 50 mètres nage libre, le 100 mètres nage libre et le 100 mètres quatre nages. Lors de cet événement, ma condition physique n’était pas des meilleures et je n’ai remporté aucune médaille dans toutes ces épreuves. Participer était cependant bien plus important que de remporter des médailles. Notre objectif était celui d’être présent dans ce lieu et de ressentir notre appartenance à une famille aux dimensions planétaires, celle des homosexuels.

Un tel événement dégage énormément d’énergie. Nous défilions tous sur la même musique, en entonnant la même mélodie. Nous écoutions aussi le même discours, mais ici, dans ce stade, le message était exprimé dans des formes et une esthétique si colorées et si impressionnantes, qu’il s’est littéralement emparé de moi. Durant les derniers accords de ce grand final des Gay Games de New York de 1994, j’étais totalement transporté; des frissons parcouraient mon corps. Je savais alors que je n’allais pas en rester là: j’avais trouvé ma voie et le nouvel objectif de ma vie.

On venait juste d’annoncer que les prochains Gay Games se dérouleraient à Amsterdam en 1998, dans ma ville. J’étais sûr d’y être et, mieux encore, j’allais passer les prochaines années à les promouvoir aux Pays-Bas. Je me sentais la passion d’un évangéliste pour proclamer ces Jeux. C’est comme si j’avais eu une vision me permettant d’imaginer comment les choses devaient prendre forme. Bien sûr, l’événement allait être différent de celui de New York. Il serait teinté de l’atmosphère d’Amsterdam. L’échelle serait plus modeste en dimension et en nombre, mais l’événement serait pleinement enraciné dans la culture de la ville et ses célèbres canaux. Quelle ville européenne pouvait mieux convenir à la culture homosexuelle et quelle ville la tolérait autant qu’Amsterdam? N’était-elle pas souvent appelée la «capitale gay» de l’Europe?

C’est avec cet objectif en tête que je suis rentré en Hollande. Plus que jamais, je sentais que mon identité homosexuelle s’était affirmée. Je savais qui j’étais, à quoi j’appartenais et quelle direction ma vie allait prendre. Cette identité était bien plus qu’un simple mode de vie, il s’agissait maintenant d’une vocation et le message à délivrer était de défendre cette manière d’être.

Quatre ans plus tard, j’étais en effet bien présent aux Gay Games d’Amsterdam, mais pas en tant qu’athlète inscrit aux épreuves de natation, pas même en tant que prosélyte du style de vie homosexuel. Comment ma vie avait-elle pu changer aussi radicalement? Est-ce que j’avais failli à mon destin? Est-ce que j’avais raté la vocation vers laquelle je me dirigeais ?


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