Boules d’ambiance et kalachnikovs : Chronique d’une journaliste au Congo
171 pages
Français

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Boules d’ambiance et kalachnikovs : Chronique d’une journaliste au Congo , livre ebook

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Description

Envoyée en zone de conflit dans une radio en République démocratique du Congo, une journaliste canadienne se trouve plongée dans un monde qui lui fait perdre tous ses repères. Les luttes armées qui ont fait plus de cinq millions de victimes en quelques années laissent partout des traces indélébiles de violence. Seigneurs de guerre, enfants sorciers, cannibales… Tout défie la raison.
Ses points d’ancrage dans ce sombre univers : les collègues congolais qui accomplissent leur travail avec courage, l’« ambiance » qui anime la vie quotidienne, l’humour du peuple et sa résilience, précieux antidotes à l’horreur qu’il subit.
En cherchant à mieux comprendre cette épouvantable tragédie, elle terminera sa mission sur une note bouleversante.
Entre espoir et violence, temps calmes et scènes de guerre, Nathalie Blaquière témoigne, dans Boules d'ambiance et kalachnikovs, de l'un des pires drames humanitaires de notre temps.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mars 2013
Nombre de lectures 39
EAN13 9782895973966
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

BOULES D’AMBIANCE ET KALACHNIKOVS
Nathalie Blaquière
Boules d’ambiance et kalachnikovs

Chronique d’une journaliste au Congo
RÉCIT
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Blaquière, Nathalie, date
Boules d’ambiance et kalachnikovs [ressource électronique] : chronique d’une journaliste au Congo / Nathalie Blaquière.

(Voix narratives)
Monographie électronique.
Publ. aussi en format imprimé.
ISBN 978-2-89597-395-9 (PDF). — ISBN 978-2-89597-396-6 (EPUB)

1. Congo (République démocratique) — Histoire — 1997-.  2. Blaquière, Nathalie, 1964-.  3. Femmes journalistes — Canada — Biographies.  4. Productrices et réalisatrices de cinéma — Canada — Biographies.  I. Titre.  II. Collection : Voix narratives (En ligne)

DT658.2.B53A3 2013 967.5103’4092 C2013-900709-1


Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario, la Ville d’Ottawa et le gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada.



Les Éditions David
335-B, rue Cumberland
Ottawa (Ontario) K1N 7J3

Téléphone : 613-830-3336 / Télécopieur : 613-830-2819

info@editionsdavid.com
www.editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada.
Dépôt légal (Québec et Ottawa), 1 e trimestre 2013
À Anjan. À mes parents, dont la maison ouverte m’a appris la richesse de la différence.
Merci à mes collègues de Radio Okapi. Tous ont été une source d’inspiration, et je leur en suis très reconnaissante. Merci également à Sylvie, à Micheline et à Julie, premières et fidèles lectrices de mes chroniques.

RÉCIT
1
Un tournant inattendu
Au sommet d’un escalier en pierre, gravi avec peine, une pièce sombre et suintante. J’ai déjà perdu de vue la plupart des personnes qui m’accompagnent. Ma respiration devient saccadée. Je ne reconnais aucun visage parmi les quelques hommes et femmes qui s’avancent vers moi. Je les convaincs tout de même de me suivre pendant que j’avance d’un pas incertain vers un faisceau de lumière. Soudain, une vaste étendue d’eau — certainement la mer — et un sable grossier sur lequel rien ne repose : ni algues ni coquillages. Aucune mouette. L’eau et le ciel ont une luminosité tirant sur le pourpre métallique que je trouve remarquablement belle, mais quelque chose cloche. J’amorce la descente. Gagnée par la nervosité, je sens mes jambes se dérober. Nous étions une cinquantaine au départ et me voilà seule. Je veux rebrousser chemin, cependant tout a disparu. Même la pièce sombre et les escaliers en pente raide. Un battement de tambour résonne entre mes tempes. Je tente de crier et m’élance vers un sentier. Discernant tout à coup un objet qui me semble familier, je me situe. Oui, dans mon lit, dans ma chambre, ce 24 janvier 2005.
Sept heures passées et c’est toujours la nuit noire. Je quitte mes couvertures chaudes et duvetées pour brutalement affronter le froid matinal. Ce bourdonnement, celui d’un vent violent qui pousse dans les carreaux des fenêtres une neige épaisse et mouillée, ne m’est que trop familier. C’est la tempête. Je tire les rideaux, constate et évalue. En contrebas, les allées et les trottoirs sont entièrement ensevelis.
J’enfile mon parka le plus épais, mon pantalon en nylon doublé de flanelle et mes bottes de cosmonaute ornées de caoutchouc. D’un pas lourd, j’arrive à la porte que je dois pousser pour forcer une ouverture. Transportée par le vent, une poignée de neige cristalline me gifle le visage de plein fouet.
Je suis, sans l’ombre d’un doute, la seule piétonne à pénétrer dans cet espace stérile, à l’éclairage farineux. Dès les premières enjambées, je m’enfonce jusqu’aux cuisses. Avec les flocons qui s’accumulent sur mes cils, impossible de distinguer le trottoir de la route. Normalement, mon esprit vagabonde quand je descends la rue jusqu’à mon lieu de travail, mais en ce moment, je suis celle qui a les yeux bandés dans un jeu de colin-maillard. Le vent remplit mes poumons d’un seul coup ; expirer devient un véritable bras de fer. Mon écharpe remontée sur le nez, je fonce droit devant à l’aveuglette quand, entre deux bourrasques, un gyrophare me frappe de sa lumière jaune. Un grondement sourd semble s’approcher. Je m’élance, plonge et roule sur cette neige mouvante pour me réfugier contre le mur d’une maison. Une souffleuse, munie d’un énorme rouleau de métal dentelé qui avale tout sur son passage pour le régurgiter par un conduit cylindrique, me fonçait droit dessus. La rue momentanément dégagée me permet d’arriver rapidement à la grande intersection aujourd’hui déserte. Mon bureau n’est plus qu’à deux pas.
Je pousse la grande porte vitrée rendue opaque par la buée et c’est la chaleur qui, cette fois, me claque en plein visage. Au vestiaire, je retire, morceau par morceau, mon accoutrement. Toutes les cellules de mon corps sont réveillées et oxygénées. Les pommettes cramoisies, je me dirige vers la salle de rédaction et retrouve mon poste de travail sans me douter que ma vie est sur le point de basculer.
La première surprise m’arrive dans une enveloppe, l’autre dans ma boîte courriel. Dans l’enveloppe, une lettre portant le logo de la Société Radio-Canada commence ainsi : Nous avons l’honneur de vous annoncer que vous avez obtenu un poste permanent de journaliste. Trois courts paragraphes énumèrent mes fonctions et précisent mes avantages sociaux. Le courriel, en provenance de la Fondation Hirondelle, adopte un ton plus personnel :

Félicitations ! Nous vous proposons d’effectuer une série de missions à titre de cheffe d’antenne de Radio Okapi à l’est de la République démocratique du Congo. Nous vous demandons un engagement d’au moins cinq mois et, si possible, une réponse immédiate.

La Fondation Hirondelle, dont le siège est à Lausanne, en Suisse, se spécialise dans la création de médias en zone de conflits. Au Congo, Radio Okapi est présente dans neuf régions et dans la capitale, Kinshasa. Je me laisse rêver un instant, puis relis la lettre de la société d’État.
La secrétaire de rédaction assise en face de moi allonge le cou pour me lancer, au-dessus de son écran d’ordinateur, un regard pressant. Je saisis qu’il ne faut plus perdre une seconde pour m’attaquer à l’écriture d’un nouveau texte sur l’évolution de notre blizzard qui apparaîtra dans quelques minutes sur le petit écran des Canadiens d’un océan à l’autre.

Une violente tempête s’abat sur le sud-est du Nouveau-Brunswick. À Moncton, 35 centimètres de neige sont déjà tombés depuis 6 heures ce matin…

Je démarre mon moteur de recherche. La République démocratique du Congo (RDC) vit l’équivalent d’un tsunami par mois pour le nombre de victimes… La pire catastrophe humaine de la planète… Conflits armés à l’est du pays, viol servant comme arme de guerre, épidémies, personnes déplacées… Le Congo est un des pays les plus pauvres alors qu’il est bourré d’or, de diamant, de coltan, de bois rares. Et la liste continue : cassitérite, cuivre, pétrole, uranium. Sur place, la plus grande mission de l’ONU va aider à l’organisation des premières élections libres en 40 ans. Je sens l’adrénaline monter. Les spots d’éclairage du studio me rappellent brutalement qu’il me faut courir de nouveau à la régie. J’essaie de garder mon calme. J’éprouve une sensation si forte qu’il m’est facile de m’imaginer à bord d’une navette spatiale en plein décollage. J’ai envie de bouleverser mon itinéraire et me prends à rêver à de vraies infos.
« Je t’accorde cinq mois à titre exceptionnel », m’a clairement signalé ma directrice.
De Genève, Christian sera mon directeur de projet.
Il est encore trop tôt pour connaître le lieu de ma mission. Pour une première affectation, on me postera sûrement dans une région stable. Je m’installe à l’ordinateur pour recueillir d’autres informations. Le Congo se remet péniblement de deux guerres qui ont eu comme origine le génocide au Rwanda en 1994 avec ses réfugiés, essentiellement hutus, qui sont rentrés du côté est, à coup de centaines de milliers. Les pays voisins commencent à piller les ressources naturelles et les conflit

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