De profundis II
81 pages
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De profundis II , livre ebook

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Description

Ce livre témoigne des efforts d’un jeune multi-diplômé pour entrer sur le marché du travail en temps de crise, et décrit la lente chute psychologique et physique que les échecs entraînent, une vraie descente aux enfers.
Le titre fait explicitement référence à Oscar Wilde, et à sa lettre écrite depuis sa geôle de Reading. Cependant, aujourd’hui la prison ne fait plus peur à personne. Ce qui fait peur aujourd’hui : c’est le chômage.

Informations

Publié par
Date de parution 12 mars 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782411000619
Langue Français

Extrait

De profundis II
Arthur Macua
De profundis II
Pensées d’un jeune diplômé naufragé de l’emploi
LEN
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Direction Littéraire : Wilfried N'Sondé. Conception graphique : Marine Poulain Pacoret
© LEN, 2019
ISBN : 978-2-411-00061-9
À Margot
Avant -propos
Un jour j’écrirai. Ce jour-là, je sais que l’effort sera des plus naturels, des plus évidents. Lentement, sans à-coups, un écoulement continu qui se répand sur une feuille. Virtuelle. J’imagine ces filaments numériques quitter mes doigts clapotant et venir s’inscrire sur mon écran. J’imagine ce trajet dans la plus grande douceur. Les mots suinteront de mon être comme le miel d’une ruche brisée. Ce qui aura été brisé chez moi ? Mon inhibition. Ma culpabilité de l’écriture, dans une période aussi instable et irritante que celle de plusieurs mois de recherche d’emploi infructueuse. D’ici là, j’en aurai certainement trouvé un. Je l’espère. J’en aurai peut-être d’abord profité pour aller dans de bonnes adresses, bars ou restaurants, bars et restaurants, et quelques week-ends dans des hôtels. Je l’espère. D’ici là j’aurai essayé de multiplier les expériences de conforts gustatif, auditif, visuel, tactile, desquelles je me serais inéluctablement éloigné durant cette redoutable épreuve du chômage. D’ici là j’aurai essayé de rééduquer mon palais, mon ouïe, mes yeux et ma peau aux plus douces sensations dont l’on se prive nécessairement lorsque l’on vit une telle « traversée de désert ».
Mais cette soif d’écriture, je ne m’en serais jamais départie. Elle ne m’a jamais vraiment quitté. Me titillant d’abord, m’oppressant ensuite, ajoutant à cette impression d’inutilité du sans-emploi le sentiment de perte de temps de non-productivité littéraire. Pris entre la culpabilité de l’envie d’écrire et la culpabilité de ne rien pouvoir écrire encore … Alors je balaye ces inquiétudes en m’appuyant sur ma plus sincère et profonde conviction : un jour je m’assiérai à mon bureau et j’écrirai.
1. La fin de stage
La route pour arriver à ce stage de fin d’études n’avait pas été des plus claires. À vrai dire, j’avais déjà raté mon entrée dans la vie active à la suite d’un premier diplôme. Deux ans plus tôt donc, la fin de mon premier Master 2 en Relations Internationales m’avait mené à la fin de mon premier stage de fin d’études, qui lui ne m’avait conduit nulle part. Une année scolaire entière s’écoulerait ainsi dans ce no man’s land sociétal.
Il y avait eu plusieurs étapes durant cette année. Des étapes qui refléteraient exactement les sombres heures que je détaillerai par la suite. Une année scolaire, c’est déjà long lorsque l’on est occupé, alors imaginez lorsque l’on est « inactif ». Il y avait donc eu, en premier lieu, la recherche d’emploi. Enthousiaste quant à mon entrée sur le marché du travail, désireux de mettre mes compétences au service d’une mission qui m’intéresse, dans une structure en lien avec mes études, que demander de plus ? Pour certaines filières, c’est déjà un vœu très audacieux. Offres d’emploi relativement rares pour des candidats trop nombreux, échecs des candidatures… Six mois de recherches d’emploi ne m’avaient ouvert que la maigre possibilité d’un stage non rémunéré à Londres… Allons donc. La voie qui s’ouvre n’est pas celle espérée. L’enthousiasme se mue en découragement, découragement qui appelle alors une remise en question, toujours délicate, souvent douloureuse. Après ce premier échec d’insertion, à vingt-trois ans, j’ai compris qu’un diplôme complémentaire me serait du plus grand secours pour intégrer le marché du travail français. Me voilà donc à l’abordage d’un second Master 2, en Management cette fois-ci, afin de me rapprocher du vivier des entreprises et ainsi viser un plus grand nombre de structures.
Cette réorientation avait deux conséquences directes : le plus en plus fréquent « retour chez les parents » (ou chez l’un des parents), et l’abandon des recherches d’emploi au profit de révisions pour le test d’entrée dans le second diplôme. Une fois l’admission acquise, restait à se préparer pour une nouvelle rentrée.
C’est au cours de cette année d’apparente inactivité, d’« inactivité sociale » pourrait-on dire, que j’ai commencé à envisager mon désir d’écriture autrement. Envisager seulement. En réalisant la quantité des notes que je prenais régulièrement, sur des post-it ou autres bouts de papier, en réalisant également les différentes « épreuves » qui m’avaient mené jusque-là. Une perspective d’écriture plus sérieuse pointait en moi, mieux construite, mieux ciblée. Puis les cours ont repris.
Sortie de mon second cursus universitaire. Oui, je me suis fait une fierté d’étudier uniquement en université, dernier lieu semble-t-il de transmission du savoir pour le savoir, du savoir pour la construction de soi et non dans une optique professionnelle. Je le sais bien, ce schéma est désuet, voyez où cela m’a mené. Alors je ravale ma salive et je passe. Vieil humaniste romantique, me direz-vous… Et je plaide coupable. Ma réorientation semblait néanmoins payer : mon stage du second Master 2 me propulsait au 25 e étage d’une tour du quartier de La Défense, avec vue sur tout Paris.
Cette vie ne me déplaisait pas. Travailler à La Défense, cela tient du mythe. Certaines personnes assènent sans sourciller qu’elles n’accepteraient jamais ça. Faire partie de cette fourmilière, impossible ! L’avant-garde du capitalisme en France, l’émule de la City londonienne, hors de question que j’y participe ! Oui j’ai croisé ce genre de discours parfois. Mais pas là-bas !
Ces six mois m’ont beaucoup plu, beaucoup apporté. Je me suis senti m’épanouir dans cet environnement. Contrairement à toute attente, j’ai aimé porter le costume-cravate cinq jours par semaine. Aimé me fondre dans cette masse de costumes-cravates cinq jours par semaine, et de tailleurs ou pantalons-talons également. À peine sorti de chez moi je pouvais déjà ressentir des élans de fierté, presque une assurance, en bonne partie grâce à mes nouvelles tenues. Et puis le costume marque on ne peut plus clairement la fin de la vie étudiante. On y attache responsabilité et sérieux quand l’ambiance estudiantine renvoie elle à des images plus festives et insouciantes. L’entrée de pied ferme dans la vie active passait donc par ce changement de style vestimentaire. Ce rituel d’intégration me plaisait, à la fois indolore et, pensais-je, définitif.
Le simple fait de sortir le matin pour aller travailler allait aussi dans ce sens. J’étais socialement utile. Utilité sociale par le biais de mon activité professionnelle au sein d’une entreprise. Je percevais une gratification mensuelle généreuse en échange de journées de travail bien remplies. La charge de ma rémunération revenait donc à cette entreprise plutôt qu’à la société française. Je vivais presque « normalement », je me trouvais aux portes de la grande vie. Toutes les conditions pour un épanouissement personnel sur le long terme semblaient réunies.
La question de l’emploi est étroitement corrélée au thème des transports. En ce qui me concerne, je privilégie le réseau souterrain : métro et RER . Il y a tant de manières de prendre le métro. Foule touristique du week-end, foule travailleuse aux heures de pointe en semaine ou groupes d’individus erratiques après minuit. Les usagers et leurs comportements ne sont pas similaires selon les jours et les horaires. Un aveugle s’y repèrerait aussi bien : petits groupes touristiques et les échanges ne sont pas en langue française. Foule d’individus travailleurs et les seules paroles reflètent la densité des regroupements dans les rames : « Poussez pas » ou « Aïe , mon pied, attention ». Groupes de soirée erratiques et les voix sont fortes et imbibées.
J’ai aimé prendre le RER A . Ce n’est pas le cas de tout le monde, c’est vrai. Pour ma part, je subis régulièrement une mutation lorsque je prends le métro. Nous sommes probablement nombreux dans ce cas. Que vous soyez d’humeur apathique en week-end ou que vous partiez tôt le matin au

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