La Vie à fil tendu
128 pages
Français

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Description

Ce livre à deux voix retrace le parcours de l'un de nos plus grands scientifiques, depuis l'Ukraine où il est né jusqu'à Stockholm où lui a été remis le prix Nobel de physique pour ses travaux sur les détecteurs. Dans une première partie, Dominique Saudinos restitue les épisodes clés des jeunes années de Georges Charpak, l'immigration dans la France des années trente, la résistance, la déportation, l'engagement politique, la naissance d'une vocation et d'une passion : celle de la physique. Le scientifique explique ensuite les grandes lignes de ses travaux, au fil des rencontres, des découvertes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 1993
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738173607
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ouvrages de Dominique Saudinos déjà parus :
Leurs leçons de vie...,
Mercure de France, 1990
 
Manuel Rosenthal, une vie,
Mercure de France, 1992
© O DILE J ACOB, SEPTEMBRE  1993 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7360-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
– A mes parents.
– A ceux dont l’amour et l’amitié m’ont accompagné.
– Aux enfants qui rêvent d’un métier captivant, afin qu’ils sachent que la plupart des obstacles peuvent être surmontés.
Georges Charpak

– A Anne Frank et André Schwarz-Bart qui, avec Le Journal et Le Dernier des Justes, m’ont, à treize ans, ouvert un monde.
– A Georges qui me l’a rendu réel.
Dominique Saudinos
S OMMAIRE
Couverture
Titre
Ouvrages de Dominique Saudinos déjà parus
Copyright
Avant-propos
Première partie - Grisha, alias Georges
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Deuxième partie - Charpak, physicien français
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Remerciements
Avant-propos

Les anciens Chinois divisaient la personnalité d’un individu en deux entités nettement distinctes : le « moi privé » et le « moi public », à charge pour eux de s’entendre le plus harmonieusement possible. Lorsque j’ai appris en octobre 1992 l’attribution du prix Nobel de physique à Georges Charpak, j’ai aussitôt pensé que son « moi public » allait l’emporter et que son « moi privé », que je connaissais depuis tant d’années, en souffrirait terriblement.
Modeste, pudique, secret à l’extrême, Georges détesterait être questionné et pressé de révéler sa personnalité. Je l’imaginais déjà répondant par une pirouette ou l’une de ces mille histoires juives qu’il adore raconter interminablement comme pour esquiver les questions. Il aurait peut-être envie de parler de physique, de biologie, de détecteurs. Mais certainement pas de lui-même. Et il n’aurait surtout pas envie de livrer ces souvenirs si intimes, si douloureux que seuls l’humour, la dérision et une apparente légèreté lui permettent parfois d’y faire allusion.
Une profonde amitié et beaucoup d’affection me rapprochaient de lui depuis plus de vingt ans. Longtemps mariée avec un physicien, j’avais vécu « en direct » l’évolution des détecteurs de particules entre 1965 et le début des années quatre-vingt. Ce n’était certes absolument pas mon domaine d’activité – qui est la psychologie et l’univers de l’enfance, en particulier dans son éventuelle composante tragique – mais la vie s’était chargée de me familiariser avec ce monde étrange, que le public pense être celui des « savants » !
A l’occasion de mes livres précédents portant sur certains grands témoins du siècle et les enseignements qu’ils tiraient de leur parcours, j’avais souvent questionné Georges. En particulier sur les origines de sa famille, sur la Yiddishkeit, sur l’immigration en France dans les années trente, sur la Résistance, sur la Déportation, en un mot sur ses souvenirs les plus profondément enfouis. Je savais détenir là un trésor qu’il ne livrerait que très parcimonieusement aux journalistes.
Georges ne s’était jamais dérobé à mes questions. Mais il m’avait répondu par touches légères, par courtes anecdotes formant ainsi un véritable puzzle empli de pudeur mais aussi d’émotion, qui permettait de reconstituer son parcours, y compris dans sa dimension la plus douloureuse.
En octobre 1992, je lui proposai donc de répondre « à deux voix » aux questions des Français. La voix intérieure, celle du « moi privé », celle qui chuchote et qu’il faut lire entre les lignes en cherchant au-delà de l’apparente insouciance, raconterait le long et tourmenté trajet de l’enfance, de l’adolescence et de la jeunesse. Une autre voix, celle du « moi public », livrerait ensuite le parcours scientifique, les voyages et les rencontres de l’âge mûr.
Je lui offris de retrouver et de transcrire la voix tendre de ce petit Grisha, qui n’était pas né à l’âge de huit ans dans le quatorzième arrondissement de Paris, comme Georges se plaisait à le raconter et même à le croire, mais qui au contraire était né fort loin et avait beaucoup cheminé à travers l’Europe, jusqu’en 1945, avant de devenir un homme. Georges raconterait ensuite lui-même l’homme engagé, le scientifique et l’homme mûr.
Il hésita devant cette mise à nu, puis, après réflexion, accepta. Sans doute, malgré sa répugnance à faire partager ainsi sa vie et ses épreuves, avait-il le sentiment d’un devoir : celui de raconter aux jeunes son itinéraire et les origines profondes de sa vocation scientifique. Un devoir également vis-à-vis de ses proches et de tous ceux qui voulaient connaître ce Français auquel le jury de Stockholm venait d’attribuer le prix Nobel de physique. Il s’y livra à condition que puisse être trouvé un ton agréable, et même humoristique, qui, estimait-il, permettrait de faire comprendre les choses les plus graves. Ce que nous nous efforçâmes de faire.
Ce livre à deux voix est donc le fruit de cet échange. Ni biographie fouillée, ni mémoires exhaustifs, il n’a d’autre prétention que de tenter de cerner un parcours, une personnalité et d’en chercher les différents « fils tendus » :
– « Fil tendu » entre le shtetl d’Ukraine et la France.
– « Fil tendu » entre un univers modeste, celui des immigrés juifs polonais et l’univers de la science la plus sophistiquée.
– « Fil tendu » tout au long d’une vie pour ne jamais en perdre de vue le but.
– « Fil tendu » – parfois à se rompre – entre mille idées, mille activités et mille besoins.
– Fils tendus enfin à l’intérieur d’un « détecteur proportionnel multifils ».
Et cela jusqu’à Stockholm.
Je voudrais remercier Georges de la confiance qu’il m’a témoignée en acceptant ce projet. J’espère avoir contribué ainsi – au moins en partie – à lui rendre la « mémoire de Grisha »...
Dominique Saudinos
PREMIÈRE PARTIE
GRISHA, ALIAS GEORGES
I

... C’est vrai, parfois – rarement je dois dire – je m’en souviens : j’ai d’abord été Grisha. Pendant huit ou neuf ans, tout le monde m’a prénommé ainsi ou par mon diminutif Herchelé, et j’entends encore distinctement la voix de ma mère m’appelant. Mon nom était alors suivi d’une phrase en yiddish ou plus rarement en russe... Or, arrivé à Paris, je n’ai plus répondu qu’au français ! Alors peu à peu, on m’a donné le nom de Georges, comme le recommandait l’officier d’état civil, comme le faisaient le maître d’école et mes camarades...
Grisha est devenu un autre, resté loin, là-bas, en Pologne, dans cette région marécageuse du Pripet, proche de Tchernobyl, où je suis né en 1924.
La Pologne occupait depuis peu cette région d’Ukraine qu’elle avait conquise dans la récente guerre de 1920. Ballottés par l’histoire et les guerres comme tous les peuples frontaliers, nous étions devenus polonais. Mais nous étions surtout juifs et nous parlions le yiddish comme tous les gens de Sarny, le shtetl 1 où je suis réellement né... même si ma naissance a été déclarée à Dobrovica.
C’était une petite ville où les conditions faites aux juifs, qui représentaient les trois quarts de la population, étaient difficiles. Nœud ferroviaire important sur la voie reliant Varsovie à Kiev, il était situé à soixante kilomètres de la frontière et une garnison de huit mille soldats polonais y stationnait. Naître juif y était un handicap... Aussi mes parents attendirent-ils une occasion d’aller au bourg le plus proche, beaucoup plus petit et plus mélangé, pour y déclarer ma naissance. Ils espéraient sans doute qu’ainsi, je serais moins « marqué » par la judéité...
Hannah Szapiro, ma mère, avait à peine dix-huit ans, mais elle était intelligente et déterminée. D’un tempérament plus discret, mon père, Motele Charpak, était un sioniste convaincu, contrairement à sa femme. Issus l’un et l’autre de familles juives installées dans cette région depuis des siècles, tous deux étaient de condition modeste. Les parents de mon père tenaient un magasin de tissus dans la rue principale de Sarny. Ils s’étaient spécialisés dans les tissus destinés aux goys, c’est-à-dire aux non-juifs. Par exemple, des tissus à fleurs qu’une femme juive n’aurait jamais choisis. Et encore moins portés ! C’étaient des boutiquiers respectés de tous et ma mère connaissait depuis son enfance ce magasin devant lequel elle passait chaque jour. Sans doute est-ce l’ancêtre du petit atelier de bonneterie d’enfants que mes parents ont finalement pu créer rue du Caire, à Paris, bien après la guerre, à la fin des années quarante. La rue de Sarny où était située cette boutique avait été surnommée par les habitants du shtetl la « rue Joyeuse » tant mon oncle Charpak les faisait rire en racontant inlassablement des histoires juives ! Un goût dont, semble-t-il, j’ai hérité...
Au temps de la Pologne mon père était comptable dans une exploitation forestière et avait la réputation d’être séduisant, dans sa blouse marron, ceinturée à la taille comme les blouses des paysans russes. Une de ses cousines qui vit encore à Paris me le décrit comme particulièrement beau avec ses grands yeux, bleus comme ceux de son propre père. Des yeux dont mon frère et moi-même avons hérité... Tout le reste de la famille avait les yeux noirs. Faut-il imaginer que l’histoire tourmentée et violente de ces régions avait mêlé les sangs des populations ? C’est possible. Ces mystérieuses lois de l’hérédité m

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