Louis Pasteur
285 pages
Français

Louis Pasteur , livre ebook

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285 pages
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Description


Collection : Acteurs de la Science

Faisant suite à "Les deux Pasteur, le père et le fils. Jean-Joseph et Louis Pasteur", nous découvrons avec ce volume les années passées à Besançon et l'envol du jeune Arboisien vers Paris et l'Ecole Normale Supérieure où il se prépare ainsi à accomplir une oeuvre scientifique considérable.

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Date de parution 01 avril 2003
Nombre de lectures 336
EAN13 9782296320215
Langue Français
Poids de l'ouvrage 20 Mo

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Extrait

Introduction
Des gens comme nous, simples gens, Dont les désirs nétaient ni très haut, ni très grands. Marguerite HenryRosier
Après avoir vu vivre les ancêtres de Pasteur dans la région de Mouthe et les avoir suivis jusquauxbons paysdu Vignoble et à 1 Besançon , nous avons repris lhistoire en 1816 lorsque leur des cendant JeanJoseph Pasteur et sa femme JeanneEtiennette Roqui quittaient Salins après un mariage de régularisation. Laccouche ment eut lieu à Dole quinze jours après. Une petite fille naquit encore, puis Louis Pasteur vit le jour le 27 décembre 1822. Il mou rut le 28 septembre 1895 après avoir parcouru, comme Ernest Renan, son cadet de deux mois, la partie la plus représentative du 2 dixneuvième siècle, lépoque desMerveilles de la Science, qui sacheva le 2 août 1914 avec la Grande Guerre : en termes de civi lisation, les siècles nont pas de durée fixe et sont bornés par de grands événements. La transition du vingtième siècle fut marquée par quatre faits majeurs avec, dabord, la destruction de la nature 3 et des civilisations ancestrales vue ainsi par Michel Serres :Deux hommes jadis vivaient plongés dans le temps extérieur des intem péries : le paysan et le marin, dont lemploi du temps dépendait heure par heure, de létat du ciel et des saisons. (...)Or ces deux populations disparaissent progressivement de la surface de la terre occidentale ; excédents agricoles, vaisseaux de fort tonnage transforment la mer et le sol en déserts.Le plus grand événement du XXe siècle reste sans conteste la disparition de lagriculture comme activité pilote de la vie humaine en général et des cultures singulières. Le second fait correspond à ce que Théodore Monod ____________ 1. R. Moreau (2000)Préhistoire de Pasteur. LHarmattan, Paris. 2. R. Dubos (1955)Louis Pasteur, franctireur de la science. Chap. I. PUF, Paris. 3. M. Serres (1992)Le contrat naturel. Champs, Flammarion, Paris, pp. 5253.
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appelait la fin de lère chrétienne, marquée selon lui par lexplo sion atomique sur Hiroshima en 1945. Les deux autres ont été lextrême croissance technique et capitalistique et le développe ment désordonné de la biologie moléculaire qui, au vu de la dégra dation actuelle de la morale, fait craindre que lhomme cherche à réguler sa descendance et son milieu de vie à sa mesure et à son goût. Cette évolution trouve son origine au dixneuvième siècle avec le développement exponentiel des sciences et de léconomie, dont Pasteur fut un des acteurs les plus éminents. Il faut donc en rappeler les bases. Pasteur vint au monde après lâge dor(Directoire et Empire) des profiteurs de guerrequi senrichirent extraordinairement (tan neurs compris) en trafiquant sur les denrées, et desmaîtres de forges, qui commencèrent à bâtir la plupart des grandes fortunes 4 actuelles sur des achats à vil prix de biens nationaux . Ce fut la victoire de Voltaire sur Rousseau. Puis lecharbon de terre(la houille) remplaça le charbon de bois comme source dénergie industrielle, ce qui décupla les moyens des maîtres de forges. Tout parut se maintenir dans nos campagnes jusquaprès 1950, lorsque les technocrates donnèrent le coup de grâce à une civilisation qui remontait aux origines de lhomme. Mais cétait une stabilité apparente due à lhoméostasie du système. En effet, à cause de 5 lévolution de lagriculture qui débuta avec les Physiocrates , le tissu des campagnes resté identique depuis le MoyenAge, seffi locha dans la première moitié du dixneuvième siècle à mesure que se produisaient des ruptures qui devaient tout à lindustrie. 6 Joseph de Pesquidoux a décrit la dureté des machines dévoreuses lorsque, comparant le bruit des faucilles ou des faux à celui des moissonneuses, il montra comment cellesci émiettèrent la com ____________ 4. Après 1789, tout fut fait pour que les biens nationaux aillent aux riches bourgeois des villes. Mais ils avaient eu des précurseurs avec les nobles et les bourgeois huguenots du Languedoc qui, entre 1563 et 1586,se répartirent le « gâteau » encore intact, le fabuleux trésor des biens dEglise (Etienne Le Roy Ladurie, Huguenots contre papistes, pp. 323325,inPh. Wolff, 1965, rééd. 2000,Histoire du Languedoc. Privat, Toulouse), au dam des artisans qui avaient pris tous les risques en plantant la Réforme à Nîmes et ailleurs :On est maintenant au temps des profiteurs ; les notables protestants, jouant des coudes et des capitaux, se font adjuger les biens dEglise vendus à la criée,avec lapprobation royale, car ces spoliations affaiblissaient le contrepouvoir religieux. 5. J. Boulaine et R. Moreau (2002)Olivier de Serres et lévolution de lagriculture. LHarmattan, Paris, chap. 6, Renaissance dOlivier de Serres, pp. 8295. 6. J. de Pesquidoux (rééd. 1982)Le livre de raison. Plon, Paris, pp. 917.
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munauté paysanne. Certes, ces machines avaient la justification dépargner de la peine dans un travail qui restait à la taille des gens, mais elles préfiguraient leskombinatssoviétiques où lêtre humain était bétail et lagriculture industrielle moderne qui, afin de produire toujours plus, modifie la nature, épuise ses ressources et se règle sur les données reçues de satellites pour confisquer leau et menacer parfois la vie de ceux qui sy opposeraient. Chassant de leurs champs les paysans qui ne trouvaient plus de quoi y vivre, lindustrialisation débutante, contemporaine des pre mières années de Pasteur, en fit desprolétairesdéracinés que lon empila au plus près des usines, dans destiroirs de commode, disait Victor Hugo, desgardemanger, écrivait Anatole France, et que lon enchaîna aux machines plus fortement que les mainmortables le furent à la glèbe (ceuxci étaient des locataires perpétuels diffi ciles à chasser, tandis que leurs descendants furent dépossédés de tout), et maintenant à plus rien dans la mesure où beaucoup sont réduits à vivre de diverses formes dassistance. On assassina beau coup aussi pour résorber le trop de monde par des révolutions ou 7 des guerres . Il en résulta ungénocide paysan, culturel en Europe, réel au TiersMonde, la destruction des repères religieux allant de pair avec le développement dun capitalisme effréné dans les pays ditssocialistes, les plus oppresseurs, comme les autres. On nen voit pas les limites, mais on en perçoit de mieux en mieux les dégâts. Ces années cruciales, à la limite dun monde qui meurt et dun autre qui naît ou, pour certains, la fin de la nuit obscurantiste et laube lumineuse de la modernité, ce qui est bien loin dêtre sûr, virent les prémices de la brisure de la transmission héréditaire des normes ritualisées, que Konrad Lorenz, le Prix Nobel et éthologue autrichien, qualifiaitde squelettedes sociétés humaines sans quoi 8 nulle culture ne peut exister . La cassure voulue des lignées qui, jusque là, se succédaientliées entre elles comme le fruit à larbre 9 qui la porté, eut pour résultat recherché le décervelage et luni ____________ 7. Cf. lextraordinaireSilence aux pauvres! dHenri Guillemin, Arléa, Paris, 1989. 8. K. Lorenz (1969)Lagression. Une histoire naturelle du mal. Flammarion, Paris. Cf. lensemble du chapitre XIII,Ecce homo, pp. 251289 : (Les)systèmes solidifiés, cest àdire institutionalisés, des normes et des rites sociaux(...)jouent dans les cultures humaines, le rôle de squelette de soutien(p. 281). 9. Lexpression est de Pasteurin: Pourquoi la Science na pas trouvé dhommes supérieurs au moment du péril.Le Salut Public, Lyon, mars 1871. Revue scientifique, 22 juillet 1871, 2ème sér.,I, pp. 7376.Oeuvres,VII, p. 215.
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formisation dune vie faussement communautaire qui a rejeté le sacré et qui sert le veau dor mieux quaucune autre. Le temps pèse sur nous, écrivait Joseph de Pesquidoux. Quand Pasteur gamin courait dans les rues dArbois avec ses copains, Jean de Heugarolles, un parent de lécrivain, écrivait la dernière page duLivre de raisondu domaine de famille en Armagnac noir. Il était officier de voltigeurs comme JeanJoseph Pasteur avait été sousofficier, et en demisolde. Le grandpère de Pesquidoux par 10 lait avec ses morts le soir dans la grande allée. Charles Fourier rêvait de phalanstères pour assurer le bonheur de tous. La techno cratie en retint la socialisation commode du grand nombre et ce quelle entend par le bonheur, cestàdire le luxe pour des diri geants trop souvent autoproclamés, la grisaille pour les autres. Charles Fourier, fidèle à luimême, senfonça dans sa nuit, aban donné de tous, et son disciple Victor Considérant (18081891) aussi. Tous vivaient la fin dun monde. JeanJoseph Pasteur, atta ché à la vie dhier, laissa avec réticence ou par lassitude, mais lais sa tout de même son seul garçon, garant de la survie du groupe, sengager dans le monde naissant. Mais ce fut JeanBaptiste 11 Biot , homme des Lumières, qui, lucide du fait de sa position scientifique, mit lenfant du tanneur dArbois sur le chemin du progrès. Ainsi putil devenir une des figures les plus en vue du monde nouveau et réaliser une oeuvre aux conséquences incalcu lables, en bien ou en mal dailleurs car cest le propre de toute oeuvre humaine. En même temps, il quitta un monde pour lautre, ____________ 10. Ch. Fourier (17721837) Philosophe et économiste français. Pour restaurer légalité entre les hommes et lattrait pour le travail, il préconisa le système des phalanstères, à la fois sociétés coopératives de production et de consommation. Chaque sociétaire cumulait les intérêts du capital, du travail et de la direction. 11. J. B. Biot (17741862), engagé volontaire en 1792, fut de la première promotion de lEcole Polytechnique (1794). Professeur de Physique mathématique au Collège de France, dAstronomie physique à la Faculté des Sciences de Paris, membre du Bureau des Longitudes, de lAcadémie des Sciences (1800), de lAcadémie des Inscriptions et BellesLettres pour ses livres sur lastronomie égyptienne et chinoise (1841) et de lAcadémie française (1856), Biot reconnut lorigine céleste des météorites (1803), termina la mesure du méridien terrestre commencée par JeanBaptiste Delambre (1749 1822) et Pierre Méchain (17441804), fit les premières mesures précises de densité des gaz avec François Arago (17561853), détermina avec Félix Savart (17911841) la valeur du champ magnétique engendré par un courant rectiligne (loi de Biot et Savart) et définit les lois de la polarisation rotatoire, ce qui lamena à diriger les premiers travaux de Pasteur dont il orienta le début de carrière. Cf. R. Moreau (1989) Jean Baptiste Biot, volontaire de la République.114e Congr. nat. Soc. sav., Paris, 1989, Scientifiques et Sociétés pendant la Révolution et lEmpire, pp. 117144.
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comme le montrent ses positions politiques qui, en réalité, nen sont pas. Simplement, fier de sa réussite personnelle, il était animé dun scientisme utopique et conservateur qui se fondait sur la bonté de lhomme. Selon lui, la Société devait être unie par le goût du travail, doù sa défiance pour les changements sociologiques et politiques et son opposition à la Commune (appelée par luiles 12 13 saturnales de Paris.), comme à la grande Révolution Néanmoins, Pasteur navait pas échappé à linfluence des hommes de puissant caractère qui avaient été ses ancêtres. Ce thème de mon livre précédent le reste ici.Nous portons notre passé en nous, a écrit Jung. Jean Giono aurait renchéri :Cest de ce pays au fond, que jai été fait pendant vingt ans. Konrad Lorenz a rappelé une phraseclé du discours dadieu à lUniversité de Vienne, de son maître le professeur Ferdinand Hochstetter qui pre 14 nait sa retraite . Au doyen qui le remerciait du long et bénéfique exercice de ses fonctions, Hochstetter concentra dans sa réponse le paradoxe de la valeur ou de la nonvaleur des inclinations natu relles :Vous me remerciez dune chose pour laquelle je ne mérite aucune reconnaissance. Remerciez plutôt mes parents et mes ancêtres qui mont transmis mes inclinations, et pas dautres. Car si vous me demandez ce que jai fait toute ma vie dans le domaine de la recherche et de lenseignement, je dois vous avouer franche ment que jai, en vérité, toujours fait ce qui mamusait le plus à 15 un moment donné. Ouvrons une parenthèse : Hochstetter donna ainsi la définition de la vocation du savant qui consacre sa vie à ce quil aime. Cest lhonneur de la Société de le rémunérer sans souci de rentabilité sinon, il devient un tâcheron soumis à la dictature des modes, des puissants du moment et des médias. En retour, le savant doit simposer une discipline personnelle claire. ____________ 12. LP à CB, 14.4.1871.Corr.,II, p. 530. 13. Cf. E. Kahane (1970)Pasteur. Pages choisies.Editions sociales, Paris. 14. K. Lorenz (1969)Lagression... , p. 251.  Heureux pays et heureux temps où le départ dun professeur était solennisé ; il est vrai que laccès à une chaire professorale était le couronnement dune vie de travaux et que le rang professoral nétait pas banalisé, réduit à un élément de plan de carrière qui doit être assuré à tous et, disonsle, mis le plus souvent au niveau de général dopérette. 15. En 1884, à Edimbourg, Pasteur définit ainsi le plaisir quapporte le travail : (Il) amuse vraiment et seul il profite à lhomme, au citoyen, à la patrie(L. Pasteur, 1884, Discours au banquet des fêtes du Tricentenaire de lUniversité dEdimbourg.Records of the Tercentenary Festival of the University of Edinburgh, celebrated in april 1884. Edinburgh and London, 1885, Blackwood and Sons.Oeuvres,VII, p. 372).
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Comme Hochstetter, Pasteur a dit son attachement à sa provin ce et surtout à ses parents à qui, selon lui, il devait sa carrière. Pour tenter de connaître leur rôle véritable, nous pénétrerons dans son milieu familial et scolaire et, au bout du chemin, il sera en marche pour Paris afin daccomplir son destin, cestàdire son oeuvre scientifique. Quelle soit devenue un socle des disciplines biologiques modernes est incontestable. Néanmoins et en dehors de toute logique, certains nont pas cessé, depuis la fin du dixneu 16 vième siècle, de traiter Pasteur selon les cas, dimposteur , de pla giaire, au mieux dopportuniste ou de politique qui aurait adapté 17 sa démarche scientifique à lair du temps . Cela vient de ce que lon a tout mélangé, science, politique et religion, ce qui navait pas lieu dêtre, car Pasteur distinguait deux domaines, la science et 18 les croyances, qui ne devaient pas sinterpénétrer . Naguère, il était dusage que les professeurs débutent leur cours par un histo rique où ils mettaient en balance les apports des savants qui avaient fait avancer la connaissance sur le sujet traité. Cela per mettait de mettre chacun à sa vraie place de manière objective, y compris Pasteur, puisque seuls des critères scientifiques entraient 19 en jeu. Récemment, desguêpiersou desjeanjeansde la Science ont trouvé là un moyen de disserter de ce quils ne connaissaient pas à loccasion danniversaires pasteuriens pour ny plus penser ensuite, confondant science et entourage sociologique. Cependant, ils ont eu raison sur un point qui relève de leur spécialité : lorchestration de la légende pasteurienne qui est à lorigine du ____________ 16. Exemple : P. Boullier (1887)La vérité sur M. Pasteur. Librairie Universelle, Paris ! 17. Cf. la tendance sociologique représentée par J. Farley, G. L. Geison, Le débat entre Pasteur et Pouchet : Science, politique et génération spontanée, au 19e siècle en France. In: La science telle quelle se fait. Anthologie de la Sociologie des Sciences de langue anglaise.Pandore, n° sp. 1982, pp. 150.  G. L. Geisonin:The private science of Louis Pasteur. Princeton University Press, USA, 1995, .pp. 121125). Cest ne rien connaître à la méthode expérimentale. Je reviendrai ailleurs sur ce sujet. 18.La science ne doit s'inquiéter en quoi que ce soit des conséquences philosophiques de ses travaux(...) Tant pis pour ceux dont les idées philosophiques ou politiques sont gênées par mes études(L. Pasteur, Discussion sur la fermentation.Bull. Acad. Méd., séance du 9 mars 1875, 2e sér.,IV, 1875, p.p. 265290.Oeuvres,VI, p. 57. 19. On appelait les conscrits desjeanjeanstandis que le motguêpierdésignait les pro fanes dans le langage des Bons Cousins Charbonniers. Ces appellations non péjoratives sont employées ici pour signifier simplement quavant de saventurer à faire des com mentaires sur la valeur comparée de faits scientifiques, il vaut mieuxavoir lesprit pré paré par de patientes études et de persévérants efforts(L. Pasteur,inSuppression du cumul dans lenseignement des sciences physiques et naturelles, 1868.Oeuvres,VII, p. 208), autrement dit avoir pratiqué avec persévérance la discipline dont on entend parler.
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