La communication des collectivités locales
176 pages
Français

La communication des collectivités locales , livre ebook

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176 pages
Français

Description

Cet ouvrage interroge la communication des collectivités territoriales en prenant le soin de croiser sociologie des professions et sociologie des institutions sous l'angle de la politisation. L'analyse révèle ce que signifie concrètement reformuler son rapport au politique pour des professionnels soumis à l'idéologie managériale. Croiser les approches permet aussi de désenclaver le sujet en l'articulant aux logiques du métier politique.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2015
Nombre de lectures 139
EAN13 9782336368474
Langue Français
Poids de l'ouvrage 11 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA COMMUNICATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES
L’ambivalence politique
Collection Communication, politique et société Dirigée par Jacques Gerstlé
Pascal Dauvin LA COMMUNICATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES
L’ambivalence politique
© L’Harmattan, 20155-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN :978-2-343-05331-8 EAN : 9782343053318
AVANT PROPOS GENÈSE ET PROJET Cet ouvrage s’inscrit dans un ensemble de réflexions qui portent sur le travail politique local et la mise en œuvre de l’action humanitaire 1 internationale . On pourrait, à bon droit, s’interroger sur le lien qui unit des objetsa priori aussi éloignés. Ces travaux ont été menés à des moments différents parfois parallèlement et répondaient à des intérêts ou des opportunités étrangers à tout principe supérieur de cohérence scientifique. Pour autant, sans vouloir à tout prix retrouverex postcette cohérence, il y a bien entre le travail politique local et le travail humanitaire international des problématiques communes. La première est celle de la transformation de secteurs d’activité fortement marqués par les logiques de l’engagement et les tensions entre défense de la cause et injonctions professionnelles. La deuxième est celle de la managérialisation de ces activités et plus spécifiquement de leur communication, cette communication obligeant notamment, dans les deux cas, à faire du citoyen la justification de l’action et à intégrer les procédures marketing devenues audibles dans le secteur non marchand. La troisième problématique commune est celle de la dépolitisation, c’est-à-dire, pour l’exposer trop simplement, la mise à distance de ce qui est considéré – négativement - comme « idéologique », pour des raisons économiques, électoralistes ou professionnelles. C’est dans ce cadre général que des jalons ont été posés – disséminés pourrait-on dire - autour de la communication des collectivités territoriales. Ces jalons portent tous l’empreinte des problématiques que l’on vient d’évoquer même si les terrains investigués abordent des thématiques
1 Pour citer trois exemples de ces travaux : « Être élu dans une commune rurale. Paroles croisées sur le métier politique », Poirmeur Y. et Mazet P. dir.,Le métier politique en représentations, Paris, L’Harmattan, 1999 ;Le travail humanitaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2002 (co-écrit avec Johanna Siméant) ;La communication des ONG humanitaires, Paris, Pepper, 2010.

           
2 différentes. Le premier de ces terrains était celui des bulletins municipaux et de leur évolution vers une formulecity news, sous l’impulsion de professionnels de la communication entrés en politique (Dominique Baudis à Toulouse, Alain Carignon à Grenoble). Le bulletin municipal de Rennes suit ce chemin au moment où Edmond Hervé – socialiste – « prend » la ville à la majorité démocrate-chrétienne. Grâce à la création d’une cellule communication et au recrutement d’un journaliste professionnel, on glisse d’un modèle explicitement politique vers un modèle marketing. Alors que l’ambition était de faire initialement de l’information la condition d’une gestion participative aux affaires locales, l’objectif de la formule magazine est de répondre aux attentes des lecteurs, conformément aux préconisations d’une enquête commandée auprès d’une agence en communication. La priorité n’étant plus de révéler une nouvelle citoyenneté, la rédaction privilégie la diffusion d’informations qui prennent racine dans le quotidien, elle cherche un ton neutre et objectif, un contenu qui s’impose par sa seule formulation même si, enfouis sous la trame de l’énoncé, des traces d’énonciation trahissent l’impératif de promotion de l’équipe municipale et du maire. 3 Le deuxième terrain investigué était celui du logo de la Région Bretagne . L’idée était d’analyser comment la collectivité, là encore sous la pression de professionnels de la communication, s’est lancée une aventure graphique au terme de laquelle l’agence prestataire proposait aux citoyens un guide de lecture faisant du pictogramme le symbole d’une région dynamique, ouverte sur l’Europe et l’avenir. Mais l’intérêt de l’enquête était d’inviter à une sociologie « de la poubelle » pour révéler à partir des projets écartés les rapports de force entre les acteurs participant à la création du logo. Ces rapports de force témoignent en effet de représentations différentes de la région selon que l’on est un haut fonctionnaire territorial, référent-conseil en agence, communicant dans l’institution, jeune élu passé par un cabinet ministériel ou président départementaliste en fin de carrière. Si les participants s’accordent pour éviter de folkloriser la Bretagne, ils s’affrontent sur la manière de signifier la région. Dès lors, retracer les méandres du processus et retrouver les propositions abandonnées permettaient de montrer comment l’on passe d’une définition unitaire à une définition départementaliste de la région signifiée dans le logo, au final, par
2 Pascal Dauvin, « Le bulletin municipal de Rennes, souci du lecteur ou souci de l’électeur », Mots, n° 25, 1990. 3 Pascal Dauvin,Constructions et représentations de l’institution régionale, thèse pour le doctorat de science politique sous la direction de Érik Neveu, université de Rennes, 1993, p. 398.

            quatre quadrilatères juxtaposés (Côtes d’Armor, Finistère, Morbihan, Ille et Vilaine) imposés par le président. Le troisième terrain concernait la quête de légitimité des communicants 4 dans les collectivités territoriales . Toujours à partir du terrain breton, il s’agissait de comprendre cette quête à un moment de faible professionnalisation du secteur. Ce travail rappelle combien l’énergie des communicants dès la fin des années quatre-vingt est absorbée par des questions organisationnelles. Ces questions visent à réduire le morcellement opérationnel en revendiquant des directions autonomes et le monopole des actions de communication dans un contexte où l’activité est perçue comme étant essentiellement récréative. Le matériau empirique dévoile également les stratégies mises en œuvre par les acteurs pour arriver à leur fin. L’enquête explique comment à défaut de pouvoir et de crédibilité, de jeunes communicantes - réduites par le président et le directeur des services à « une brigade de charme » - pèsent sur les processus. En effet, malgré leur faible légitimité, elles sont capables de mobiliser leurs ressources sectorielles pour convaincre, à la machine à café ou à la cantine, des élus - plus jeunes, moins hostiles aux problématiques de communication - d’engager la Bretagne dans une voie promotionnelle comme les autres régions. Et convaincre, c’est dans ce cas faire accepter par le président l’idée d’un audit extérieur et éviter des choix de campagne en décalage avec les formes du marketing territorial naissant. Le dernier jalon posé intéressait l’organisation de la première journée 5 sans voiture à La Rochelle en 1998 . À partir de cet exemple, la recherche discute comment la démocratie locale peut être enrôlée dans une dynamique événementielle. Pour cela, elle souligne un état singulier de la division du travail qui engage des journalistes et les élus, chacun cherchant à donner à la pollution urbaine la visibilité nationale et locale qu’elle n’a pas. En fait, les relations entre les acteurs dessinent un espace de gouvernance où les communicants cadrés par une demande journalistique cherchent à fabriquer du consensus en imputant la responsabilité du projet aux associations et aux citoyens devant les caméras de télévision. Dans le même temps, la presse et les associations dénoncent les visées électoralistes de l’événement. Ces publics contraignent le politique à signifier en permanence le déni de son
4 Pascal Dauvin, « L’émergence d’une communication institutionnelle régionale. L’exemple breton. »,L’Aquarium, n°10, 1992. 5 Pascal Dauvin, « Quand l’environnement et la participation deviennent les instruments de la communication événementielle », Philippe Aldrin, Nicolas Hubé, Caroline Olivier-Yaniv et Jean-Michel Utard dir.,Les mondes de la communication publique ; légitimation et fabrique symbolique du politique, Rennes, PUR, 2014.

           
intérêt et à rappeler que l’adhésion citoyenne est une question de responsabilité individuelle. L’analyse ne découvre pas que la démocratie participative peut être instrumentalisée dans le cadre d’opérations événementielles. Elle ne s’étonne pas non plus que les dispositifs de concertation laissent peu de marge aux oppositions. Elle pointe en quoi la configuration rochelaise rend possible ces constats : la rencontre d’un intérêt journalistique et d’un intérêt politique, la capacité de verrouiller le dispositif de consultation, de trouver dans la presse et dans la société civile des alliances durables, et de maintenir le consensus en s’appuyant sur des répertoires éprouvés dans le secteur de la communication ou celui de la politique. Il reste à ressouder les jalons posés et à les inscrire dans le cadre général 6 de nos travaux . Le propos vise donc maintenant à penser plus rigoureusement la communication des collectivités locales. Il n’entend pas considérer cette communication comme un objet en soi mais comme un terrain exemplaire pour accéder au métier politique, aux nouvelles formes de domination symboliques et aux redéfinitions des identités collectives. Pour cela, il convient de chercher à articuler les approches (sociologie des institutions, sociologie des professions, sociologie du métier politique) en les croisant avec la question de la politisation des pratiques. Alors même que tout semble avoir été dit, il y a des vides à combler malgré les connaissances qui intéressent notre projet de près ou de loin. Autrement dit, resserrer la focale n’est pas un péché de modestie ou la déclinaison localisée d’acquis préalables mais une entreprise qui, en cherchant à percer le mystère des organisations, raconte les paradoxes de la communication des collectivités territoriales. D’abord, si cette communication est une catégorie d’acteurs qui veille en permanence à s’autonomiser du politique, elle devient au quotidien une activité le plus souvent réduite à un outil technique intervenant pour servir les intérêts promotionnels des élus : le constat n’est pas inédit mais ce qui le rend possible n’a été vraiment interrogé, en particulier au regard des contraintes de l’ordre institutionnel et des relations entre les communicants et leur hiérarchie. Ensuite, observer les profondeurs de la division du travail révèle, au-delà du travail commun de masquage des intentions légitimatrices, des formes de politisation qui répondent à des motivations plus complexes que la seule adhésion idéologique ou la seule discipline institutionnelle.
6 Cette intention a été exposée dans un travail programmatique qui sert de base au présent ouvrage. Pascal Dauvin,La professionnalisation de la communication publique locale ; un rapport ambivalent au politique, habilitation à diriger les recherches en science politique, université de Versailles-Saint-Quentin, 2011.

            Cet ouvrage n’est pas qu’une aventure solitaire. Elle n’aurait pas été 7 possible sans les discussions fécondes avec les professionnels qui interviennent depuis des années dans le Master Politiques de communication du département de science politique de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle n’aurait pas été possible non plus sans les observations et les entretiens réalisés par les étudiants dans le cadre du séminaire de communication du secteur non marchand. Qu’ils soient tous remerciés.
7 Merci en particulier à Freddy Roy, consultant en communication politique.

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