La police de proximité
287 pages
Français

La police de proximité , livre ebook

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287 pages
Français

Description

L'année 1997 a été marquée en France par l'apparition d'une police de proximité. Présentée initialement comme une solution aux problèmes d'insécurité et de délinquance, cette stratégie a connu, par la suite, le discrédit puis un regain d'intérêt. Au-delà des péripéties et des polémiques, une comparaison entre l'expérience française et les expériences américaines de "police communautaire" permet de montrer comment réalités et mythes s'entrecroisent, dans une approche dont l'ambiguïté reflète celle des problèmes qu'elle tente de résoudre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 134
EAN13 9782296241244
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

INTRODUCTION

La proximité semble être devenue le nouveau sésame de
l’action publique. Parée de toutes les vertus, elle est présentée
comme la solution aux maux de notre époque, qu’ils soient
sociaux ou politiques, son inscription dans l’immédiateté, le
1
local et la réalité en faisant un parangon de modernité. La
sécurité n’a pas échappé à cet élan. L’année 1995 a ainsi vu
2
l’apparition d’une police relevant de cette appellation . Réponse
aux problèmes d’insécurité et de délinquance, cette police de
proximité devait remédier à l’inadéquation étatique et résorber
les récriminations citoyennes en la matière. L’euphorie à ce
propos aura, toutefois, été de courte durée. Quelques années et
un changement de majorité gouvernementale plus tard, la
proximité est tombée en désuétude.Doctrine considérée comme
peuprobante,toutdumoins dans les discours officiels, son
application a été alors corrigée etrestreinte. Assez
étonnamment, lesviolencesurbaines de2005, l’image d’une
France «ravagée par la guerre civile »,vontredonner quelque
crédità cette stratégie. Phénixrenaissantde ces cendres, la
proximité policière semble faire de nouveaudes émules. Ce
retour en grâce estassezsurprenantetincite à s’interroger sur la
nature de cette police réclamée à grands cris.
Le succès dudiscours sur la proximité est, en effet, à la
mesure de l’indétermination de cette notion. La proximité peut,

1
R. LEFEBVRE. Rapprocher l’éluetle citoyen. La « proximité » dans le débatsur la
limitation ducumul des mandats (1998-2000).Mots, Les langages du politique, mars
2005, n° 77, p. 41.
2
Engagée dansun premiertemps à Paris, cette réforme a été expérimentée dans cinq
circonscriptions pilotes à partir de mai 1999 : Nîmes, Châteauroux, les Ulis, Garges et
Beauvais. Toulouse a égalementfaitpartie des sites d’expérimentation. Elle a été, par la
suite officiellementgénéralisée, à l’ensemble du territoire français.
5

en effet, être géographique, physique, humaine, sociale. D’une
certaine manière, elle ne se définitréellementque dans l’analyse
de son antonyme, c’estla cons-à-dire «truction sociale de la
1
distS’aance ».ttarder sur l’application de cette idée ausein de
l’institution policière peutsembler de prime abord, étonnant, la
police étant, en règle générale, considérée commeun simple
instrumentde l’action publique, commeun objetd’étude peu
intéressant. Pourtant, contrairementà ce que cette première
assertion pourraitlaisser croire, son analyse offre de nombreuses
grilles de lecture de la structure publique, des stratégies
d’acteurs en la matière. Pour comprendre ce paradoxe, il semble
nécessaire de s’attarder sur lesa priorià son origine etde
déconstruire certaines images communémentassociées à cette
organisation. Le rapportentre policier etpopulation dans la
société française estassezatypique, oscillantentre demande et
hostilité latente. La compréhension de cette étrange relation doit
faire appel à l’histoire. Descendantes de la police duprince, les
actuelles organisations policières semblentmarquées par le
2
sceaudupassé , par l’histoire de la répression des mouvements
contestataires. Indirectement, elles représententaussi le système
politique qu’elles sontcensées servir. Perçues comme des
émanations de l’Etat, ellestendentà focaliser l’animosité etles
3
récriminations citoyennes en la matCes élémenière .ts sont
amplifiés par l’oxymoron, résultantde la présence d’une
institution àvocation coercitive dans des démocraties.
Autrementdit, la police estintrinsèquement une anomalie dans
une société libre, dufaitde l’autorité qui lui estconcédée etde
laviolence dontelle peut user. Toutefois, ce paradoxe estloin
d’êtreuniquement un illogisme ou un mal nécessaire. Il est
également une conditionsine qua nondans l’apparition etla
pérennisation detoute structure de cetype. La monopolisation

1
R. LEFEBVRE. Quand légitimité rime avec proximité.Mouvements, mars – avril2004,
n°32,p. 136.
2
Pourune analyse de l’histoire policière,cf.M. FOUCAULT.Sécurité, territoire,
population.Cours auCollège de France. 1977 – 1978 (leçon du29 mars et du5 avril).
Seuil (Hautes Etudes Gallimard). p.319-367. G. CARROT.Histoire de la police
française. Tallandier.passim.
3
J.L. LOUBET DEL BAYLE.La police, approche socio-politique. Montchrestien
Politique. p. 65.

6

de laviolence, l’«humanisation progressive des manifestations
1
pulsionnelles » qu’elle suscite, sont, en effet, des éléments
essentiels dans la structuration étatique, ce qui explique que,
pour Raymond Aron, l’apparition de l’organisation policière soit
2
une conquête de la civilisation politiquPar ee .xtension, la
police doitêtre définie en fonction de sa capacité à recourir à la
force etnon par rapportà l’utilisation de cette dernière, l’activité
3
policière étant une réponse àune action non conforme .
4
L’activité policière estdoncune réaction à la déviance . Elle
participe auxmécanismes ducontrôle social, ces derniers se
construisantàtravers l’apprentissage de la normalité etles
5
endiguements de la non-conformit« Toé .ute organisation,
quelle que soitsa structure, qu’elles que soientses objectifs et
son importance [requiert] de ses membresun montant variable
6
maistoujours importantde conformité ». Plus précisément,
cette régulation correspond au« processus destiné à assurer la
conformité des conduites auxnormes établies dansune
collectivité donnée, pour sauvegarder entre les membres de cette
collectivité, le dénominateur commun nécessaire à sa cohésion
7
etson fonctionnement». Divers niveauxpeuventêtre dégagés
dans ce processus. Le contrôle positif correspond àune
allocation de récompenses, etle négatif estbasé surun système
de punitions. Il peutêtre interne etrelever d’umécanismen «
d’autocontrôle individuel ».En cas detransgression, etsous
réserve que cette dernière ne soitpas découverte, son
intervention n’aura pour conséquence qu’un jugementmoral de
l’individusur lui-même.A contrario, le contrôle social externe

1
N. ELIAS.La civilisation des mœurs. Agora Pocket.p.295.
2
R. ARON.Démocratie et totalitarisme. Folio (essais). p. 62.
3
C’est-à-dire : « quelque chose qui ne devraitpas être entrain de se produire età propos
de quoi ilvaudraitmieuxfaire quelque chose maintenant» (In E. BITTNER.Aspect of
police work. Northeastern UniversityPress. p.255-318). Cette action n’atoutefois de
sens que replacée dans son contexte, celui de la régulation sociale. In J.L. LOUBET DEL
BAYLE.Police et politique, une approche sociologique. L’Harmattan.p.23.
4
L.H.C. HULSMAN, J.M. RICO, S. RIZKALLA. Fonctions et taches policières. In D.
SZABO (dir.).Police, culture et société.PUM. p.38.
5
N. CARRIER. La dépression problématique duconceptde contrôle social.Déviance et
Société,2006,vol.30, n° 1, p.3.
6
M. CROZIER.Le phénomène bureaucratique.Points (Essais). p.224.
7
G. ROCHER cité par J.L. LOUBET DEL BAYLE. Versune monopolisation du
contrôle social.LesCahiers de la sécurité intérieure,2001, n° 44, p.209.

7

s’exerce àtraversune pression sociale. Il peutêtre immédiat,
cela estnotammentle cas de la surveillance exercée par le
groupe de pairs oupar le groupe d’appartenance.Àtitre
d’illustration, le faitd’avoirun enfanthors mariage a pendant
longtemps suscité l’opprobre public, légitimantainsiun
ensemble de mesures censées soitempêcher ce déshonneur, soit
atténuer la honte associée, comme l’exil de la « fille-mère » chez
une parentèle éloignée oule rejetde cette dernière. Ce contrôle
peutégalementêtre institutionnalisé, la police en &

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