Niger, une décentralisation importée
158 pages
Français

Niger, une décentralisation importée , livre ebook

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Description

Cet ouvrage met en évidence la pratique des acteurs des réformes en Afrique, qui communiquent plus intensément avec l'étranger et moins avec les populations de leur pays. Ainsi, l'auteur pointe le fondement des échecs des réformes décentralisatrices en Afrique. Sa démarche procède de la mise en situation d'analyse des textes fondamentaux sur les collectivités territoriales nigériennes et françaises. Il relève les ressemblances dans les deux contextes, afin de cerner les apports du système français dans la production des réformes décentralisatrices au Niger.

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Publié par
Date de parution 01 décembre 2013
Nombre de lectures 22
EAN13 9782336332796
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mahamadou Danda
Niger, une décentralisation importée
Une comparaison avec la France
Niger, une décentralisation importée
Études africaines Collection dirigée par Denis Pryen Dernières parutions Miki KASONGO,Repenser l’école en Afrique entre tradition et modernité, 2013. Lucie Zouya MIMBANG,L’Est-Cameroun de 1905 à 1960. De la « mise en valeur » à la marginalisation,2013. Gaspard-Hubert LONSI KOKO,Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs, 2013. Stéphanie NKOGHE (dir.),Anthropologie de la socialisation, 2013. Jean-Claude KANMOGNE TAMUEDJON,Histoire de l’art pharmaceutique latin et de la pharmacie au Cameroun, 2013. P. NGOMA-BINDA,La pensée politique africaine contemporaine, 2013. Stéphane ESSAGA,Droit des hydrocarbures en Afrique,2013. Kouamé René ALLOU,La bourgeoisie municipale d’Afrique romaine, 2013. Lambert MOSSOA,L’appareil éducatif en Centrafrique, 2013. Joseph EROUMÉ,Kadhafi, la gloire du vaincu, 2013. Roger MONDOUÉ et Yves-Abel NGAGNGUEM FEZE (eds), Identités nationales, postcoloniales ou contemporaines en Afrique. Réflexion en hommage aux 50 ans de l’Union africaine, 2013. Patrice LIBONG BADJAN,Réformes institutionnelles de la CEMAC. Jeu des acteurs, intérêt des États, 2013. Albert SANON,Yele pe être homme, Initiations traditionnelles et éducation corporelle au Burkina Faso, 2013. Claudine-Augee ANGOUE,La dialectique du politique et du religieux, Pour une anthropologie du pouvoir au Gabon, 2013. Godwin TETE,Autopsie du développement pernicieux. Le cas du Togo,2013. Etanislas NGODI,Le mouvement Nsilulu dans le pool ou les combattants de Saint Michel, Congo-Brazzaville,2013. Etanislas NGODI,Oppositions démocratiques du Congo-Brazzaville,2013. Paul MALUMBA (dir.),Gestion durable des agro-systèmes en milieu tropical humide, 2013.
Mahamadou Danda
Niger, une décentralisation importée Une comparaison avec la France
Du même auteur, chez L’Harmattan Niger : le cas du Damagaram,2012 © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-01722-8 EAN : 9782343017228
INTRODUCTION
L’adoption d’un modèle d’administration par un pays anciennement colonisé est toujours un enjeu politique lourd. Par le jeu de relations privilégiées, ce dernier court le risqued’une 1 aventure ambiguë de nature à le confiner dans l’importation continue des techniques exogènes. Une telle situation caractéristiquedes administrations des pays de succession 2 françaiseà accentuer leur dépendance et l’altérité de contribue leur système politico-administratif en général et local en particulier. En effet, dans le contexte de l’Afrique francophone, des liens à la fois historiques et étroits scellent les relations entre la France et 3 les pays de succession française. Un héritageinstitutionnel, relayé par une intense politique de coopération, marque depuis des décennies les administrations publiques de ces pays. La période coloniale a été la première occasion d’une introduction du modèle napoléonien d’administration en Afrique. Cette phase a consisté à la mise en place des modèles bureaucratiques qui ont initié la dépendance institutionnelle vis-à-vis de la métropole. Cette pratique sera paradoxalement accentuée avec l’indépendance des années 1960. C’est ainsi que la période postcoloniale a vu se perpétuer le tropisme administratif, qui consiste à sauter le plus rapidement possible aux solutions, avant même que la nature du problème ait été diagnostiquée. Les structures, les règles et les procédures des pays de longues traditions administratives comme 1 Dominique Darbon , « L’aventure Ambiguë » des administrations africaines de succession française dites francophones, Revue internationale de politique comparée, la Francophonie, volume 1 N°2 (septembre 94).PK.203. L’expression « Aventure Ambiguë » est empruntée à l’écrivain Cheikh Amadou Kane, celle de « pays de succession française » à J. de Gaudissons. 2 Op. cit. 203. 3 La notion d’institution est envisagée ici dans une perspective abordant les objets de l’analyse politique par une analyse de leur fondement structurel, de leur modèle organisationnel et de leur rapport avec la société (G. Hermet B. B Badie P. Birbaum, P. Draud, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin, 1996, P. 130).
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la France, ex-métropole conservant un quasi-monopole en Afrique francophone, paraissent fasciner de nombreux africanistes et modernistes africains. En outre, l’emprise des modèles d’inspiration occidentale s’est accentuée avec l’élargissement au cours des années 80, à la Banque Mondiale et à des firmes privées de consultants, de la production 4 de modèles institutionnelsclés en main. Cette situation favorise et accentue de nos jours le transfert des normes de gouvernabilité -institution et procédures bureaucratiques -des systèmes dominants 5 considérés comme l’expression d’un universalisme, vers des entités périphériques que sont les Etats dominés qui les adoptent comme des vérités absolues. Une telle pratique mimétique s’est développée avec un certain essor dans le cadre de l’organisation de l’administration régionale et locale. En effet, dès l’accession des pays africains à l’indépendance, la décentralisation était devenue un concept pratique fort à la mode dans les discours aussi bien des gouvernements que des acteurs du développement. Des colloques et des conférences se sont succédé et multipliés alimentant les réseaux de réflexion et précipitant des réformes décentralisatrices. La tentation pour la décentralisation serait-elle liée au fait que de nombreuses expériences de par le monde attestent que la centralisation du pouvoir engendre généralement la résistance du citoyen, sa révolte, son apathie et autres attitudes à refuser un comportement constructif ? En tous les cas, le postulat répandu est qu’une plus grande participation permet une plus forte mobilisation des ressources humaines, une meilleure motivation des individus et constitue de ce fait un facteur essentiel de progrès. Toutefois, la crise de développement dans les pays du sud met-elle en question, non seulement les méthodes propres à implanter 6 desnormes de développement de type occidental, mais incite à 4 Ibid. P. 204. 5 Ibid. p. 203 6  La notion de norme est employée ici au sens de « référentiel ». Cette dernière notion est de Bruno Jobert et Pierre Muller. Cette notion a été adoptée par ces auteurs par analogie au concept mathématique désignant un ensemble d’éléments constituant un système de référence, la structure de sens qui permettait de penser le changement dans ses différentes dimensions, c’est un « message qui entend orienter l’action des groupes sociaux en présence à travers la modification de leurs
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douter, du point de vue des civilisations non occidentales soucieuses de leur identité, de la pertinence d’un modèle qui ne peut s’implanter qu’en dissimulant les cultures traditionnelles et en désintégrant le système en place. Un tel constat qui ne manque pas de pertinence mérite que l’on analyse les éléments et les conditions de la greffe institutionnelle dans le contexte nigérien. Mais au préalable, précisons que tout au long de ce texte nous emploierons les termes de mimétisme, d’import/export et de transfert pour désigner la pratique de l’emprunt des réformes. L’emprunt ne signifie pas ici décalque ou imitation servile du modèle d’origine. Il suppose un essai d’adaptation et d’imagination, car, comme le dit M. Foucault,sans l’imagination, 7 il n’y aurait pas de ressemblance entre les choses. C’est dire que le mimétisme est perçu comme différent de la duplication en ce qu’il supposenon pas une réplication pure et simple d’une 8 technologie, mais son importation associée à une réinterprétationdes modèles et principes en vigueur dans les métropoles. Cette hybridation institutionnelle est catalysée par la culture politique des acteurs. Celle-ci détermine non seulement l’écriture du texte, mais aussi son usage. Cette intériorisation de l’extériorité par les acteurs du pays d’accueil se traduirait par une lecture différente de celle des experts du pays d’origine du modèle, généralement sollicités pour appuyer les réformes. En fait pourquoi des réformes décentralisatrices ? Pourquoi leur confère-t-on généralement un sens positif ? Quel est le sens politique de ce type de réforme ? En guise de début de réponse à cet ensemble de questionnements, notons que le Larousse définit une réforme commeun changement important, radical (apporté à quelque 9 chose, en particulier à une institution) en vue d’une amélioration. C’est ce sens du changement visant à faire en sorte que l’action de
perceptions de l’environnement » ou encore de représentation globale (référentiel global) autour de laquelle vont s’ordonner, se hiérarchiser les différentes représentations sectorielles (Bruno Jobert & Muller). 7  M. Foucault, Les mots et les choses une archéologie des sciences humaines, NFR, Paris, 1966, P.83 8  D. Darbon « A qui profite le mime ? mimétisme institutionnel confronté à ses représentations en Afrique », in Les politiques du mimétisme institutionnel. La greffe et le Rejet. K. Harmattan, Paris 1993, P. 121. 9 Op cit.
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l’administration réponde mieux aux besoins des usagers que nous entendons par réformes décentralisatrices. Le sens politique de ce type de réforme est de réduire la complexité et restaurer la décision. C’est aussi d’approfondir la démocratie et le contrôle politique régional et/ou local. Il s’inscrit dans la logique de transfert des moyens humains, techniques et financiers au plus près du lieu de l’action. Pierre SADRAN définit de telles réformes commeun processus de réajustement des compétences et des 10 ressources entre les différents niveaux de l’action publique,chacun y trouvant son compte. C’est cette vocation à introduire une mutation voire une rupture institutionnelle à travers le changement au sens d’une amélioration, qui fait que les réformes ont toujours un présupposé positif. A la recherche d’un changement, l’administration nigérienne s’est particularisée dans la multiplication des réformes décentralisatrices. Certaines d’entre elles n’étaient que des choix mort-nés, c’est-à-dire voués d’avance à ne pas connaître un quelconque début de mise en œuvre. Par exemple, la réforme de 1995 prévoyant lalibre administration des arrondissements et des communesqui s’est vue substituer, en moins de douze mois, une autre portant, surla libre administration des régions, des départements et des communes. Bien entendu, l’histoire administrative du Niger révèle-t-elle que le processus d’importation de technologie institutionnelle a été amorcé avec la période coloniale. Il s’est poursuivi et intensifié non seulement en raison de la mauvaise préparation de l’indépendance, des craintes d’instabilité, de la prudence face aux incertitudes de l’avenir et à l’impératif étatique international, mais aussi pour des nécessités de construction de l’Etat-nation et les exigences de l’organisation du pouvoir à l’image de l’ex-métropole. Il s’agit d’une situation qui exprime le phénomène de dépendance, des types de rapports inégaux, de relations Nord-Sud, qui accentuent le mimétisme institutionnel. Mais nous démontrerons dans cet ouvrage que de fait, l’extension du phénomène mimétique dans le cas du Niger 10 P. Sadran, Le rôle politique de l’administration territoriale, in Administration et politique sous la cinquième République, F. de Boeque et J.L. Guermonne, Paris Presse de la FNSP, 1981.
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retrouverait en partie, des explications dans la puissante coopération culturelle et universitaire, le maintien d’un corps de conseillers techniques, la formation des cadres de conception dans les universités et les grandes écoles françaises. Autrement dit, la dépendance intellectuelle et technico-financière façonne les décisions politiques et orientent vers le modèle connu. Toutefois, l’intensification contemporaine du phénomène d’imitation reste à être élucidée davantage et exigerait des analyses plus approfondies. Par ailleurs, la pratique du mimétisme dans l’organisation des collectivités territoriales pose le problème du choix d’un tissu 11 institutionnel pourla zone dure de l’administration locale .D’où la nécessité de comprendre la genèse des réformes adoptées et les sources d’inspiration de celles-ci, afin de mieux saisir les fondements de l’ordre social qu’elles produisent, leur adéquation et les questions inhérentes à leur appropriation par les citoyens nigériens. En effet, la question de la réappropriation est, entre autres, l’un des problèmes que pose le phénomène du mimétisme. Yves Meny, souligne que les choses deviennent plus difficiles,dès lors qu’il s’agit d’acclimater dans un système donné des règles, des institutions complexes qui ont à s’insérer dans une histoire, une 12 culture, un contexte traditionnel différents du produit d’origine. En effet, le fait qu’on importe généralement la lettre des institutions sans avoir bien saisi l’esprit, doublé de la mauvaise évaluation des adaptations qui seront nécessaires pour permettre une bonne intégration de la réforme, accentuent le gap entre le référent et le réel. Une telle situation laisse croire que les réformes adoptées sont mimées sans que certains préalables inhérents aux conditions de possibilité de l’emprunt soient réalisés, d’où le problème de la réappropriation. En plaçant les questions du mimétisme et de la réappropriation au centre de notre problématique, nous postulons que les réformes administratives régionales et locales au Niger ont été pensées avec l’appui et les conseils de la coopération française compte tenu de 11  P. Gremion, Pouvoir périphérique, Bureaucrates et notables, un système politique français, Ed. du Seuil, Paris, 1976, P. 54 12  Yves Meny (sous la direction de) : La Greffe et le Rejet. Les politiques du mimétisme institutionnel, L’Harmattan, Paris, 1993 p. 31.
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