Ces dames au salon : Féminisme et fêtes galantes au XVIIIe siècle
93 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Ces dames au salon : Féminisme et fêtes galantes au XVIIIe siècle , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
93 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

En France, aux XVIIe et XVIIIe siècles, les salons tenus par des femmes telles que Mme du Deffand, Mme du Châtelet ou Mme d’Épinay furent les lieux privilégiés de leurs revendications à exister. Mais que s’est-il donc passé, dans le cours de ce XVIIIe siècle dont on a dit qu’il était le siècle des femmes ? Leur règne s’est affirmé à travers l’existence de ces salons où elles ont accueilli et protégé durant des décennies les philosophes et les écrivains, porteurs des idées nouvelles. Pourtant, la Révolution les oublie dans la Déclaration des droits de l’homme. L’égalité ne sera pas pour cette moitié-là de la société. Comment le statut des femmes a-t-il été de nouveau occulté par la figure de la mère qui prime encore aujourd’hui ? Anne-Marie Lugan Dardigna est chercheuse et une figure du féminisme. Elle a notamment publié Femmes femmes sur papier glacé et, sur la littérature du xxe siècle, Les Châteaux d’Éros ou l’Infortune du sexe des femmes. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738169143
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE MIDI DE LA PSYCHANALYSE Collection dirigée par Aldo Naouri et Charles Melman de l’École pratique des hautes études en psychopathologies (EPhEP)

© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2014 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6914-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
On en est toujours à se demander ce qu’est l’animal humain. On ne dispose pas en effet pour ce qui le concerne de la typicité (facteur biologique inné) ou de la norme (facteur culturel acquis) qui spécifieraient son comportement.
Comment dès lors reconnaître chez lui ce qui serait le champ du hors-norme, autrement dit du pathologique ?
D’autant qu’à l’évidence la pathologie ne lui manque pas. On pourrait même avancer que finalement cet animal-là est celui qui a toujours mal quelque part, dans les localisations et les relations les plus diverses : à son histoire et à ses ancêtres, à son conjoint et au sexe, à ses enfants, aux frères et amis, aux maîtres sinon aux serviteurs, au patron, au système et au politique, sans oublier à lui-même, à son corps qui bringuebale… Au fond, qu’est-ce qui va chez lui ?
Mais le pire sans doute est d’observer que c’est ce mal qui aussi le fait vivre, lui donne envie de se battre, d’en trouver cause et remède et qu’ainsi, malgré les démentis infligés par la réalité et sauf à sombrer dans la dépression, se poursuit la répétition des mêmes erreurs. Les Grecs le savaient qui nommaient pharmakon ce qui était à la fois remède et poison.
Alors faut-il accepter comme autant de lois le masochisme, les réactions thérapeutiques négatives, voire ce que Freud appelait l’instinct de mort, dirigé contre soi-même comme vis-à-vis des autres ?
L’EPhEP (l’École pratique des hautes études en psychopathologies) entend se servir des enseignements de la pratique psychanalytique pour aborder ces questions qui, comme on le voit, relèvent de plusieurs disciplines. Mettre la pathologie à leur intersection est à son programme.
Certes une cure psychanalytique n’a à connaître que de la singularité de chaque cas. Notre travail consiste, à partir d’elle, à dégager les conditions générales dont elle est une déclinaison. Au fond, chacun, à sa manière propre et selon son sexe, parle sans le savoir de la même chose.
C’est cette chose qui nous intéresse.
Charles M ELMAN , doyen de l’EPhEP
Introduction

En France, la revendication des femmes est très ancienne. Et même si le mot « féminisme » n’est attesté qu’à partir de 1837, la définition qu’en donne aujourd’hui le dictionnaire Le Robert – « Attitude de ceux qui souhaitent que les droits des femmes soient les mêmes que ceux des hommes » – nous permet de remonter bien plus loin. Au Moyen Âge déjà, des femmes du peuple luttaient pour obtenir une réglementation protégeant leurs petits métiers contre les hommes qui essayaient de les leur prendre. Celles qui n’étaient pas en puissance de mari, par exemple parce qu’elles étaient veuves, revendiquaient en effet de pouvoir gagner leur vie dans ces travaux afin d’échapper à la prostitution.

Le désir de savoir
Cependant, la plus grande revendication au cours du temps, c’est celle du savoir. Au XVII e  siècle, dans l’élite, diverses voix se sont élevées pour évoquer la nécessité d’accorder aux filles le même accès que les garçons à l’instruction. Marie de Gournay, la fille adoptive de Montaigne et l’éditrice de la dernière version des Essais , avait adressé en 1624 à la reine Anne d’Autriche un texte sur L’Égalité des hommes et des femmes 1 . Plus tard, Poulain de la Barre avait publié, en 1673, un ouvrage très consistant et argumenté intitulé De l’égalité des deux sexes. De l’éducation des dames. De l’excellence des hommes 2 .
Et ces exigences d’égalité qui soutenaient la demande d’accès égal au savoir ont toujours paru choquantes, voire scandaleuses, à la plupart des hommes, mais aussi, souvent, à la plupart des femmes, engagées dans la dénégation de leur condition.
Plus encore que sur la revendication pour les droits juridiques, le désir des femmes s’est d’abord concentré sur cet objet qui leur était systématiquement refusé et qui, s’il devient par la suite un droit dans nos démocraties occidentales, est encore dénié aujourd’hui à une grande majorité de femmes dans le monde – jusqu’à devenir un enjeu de vie et de mort dans certains pays musulmans, notamment le Pakistan et l’Afghanistan. Ce désir, c’est celui du libre accès au savoir.

Le savoir comme oxymore du féminin
Le désir de la connaissance, désir d’être instruite, d’apprendre sur un pied d’égalité avec les hommes, les femmes le revendiquent dès qu’elles prennent la parole. Tout le XVIII e  siècle est agité par ce qu’on appellera « la querelle des femmes » dont Molière se moque pourtant, rendant les deux mots « femme » et « savante » oxymoriques et ridicules à travers sa comédie Les Femmes savantes . Souvenons-nous du comique – bien involontaire – de la jeune Armande reprochant à sa sœur Henriette de vouloir se marier et avoir des enfants. Elle l’exhorte à abandonner de si vulgaires projets :
« Loin d’être aux lois d’un homme asservie,
Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie… » (acte I, sc. 1).
Ce qui ressort de l’époque, c’est que même pour ceux qui se préoccupent de l’éducation des filles, de Fénelon à Mme de Maintenon avec l’École de Saint-Cyr, tous sont d’accord sur le fait que laisser les femmes donner libre cours à leur désir de savoir, c’est les amener à la perdition – ou, plus encore, amener la société à la perdition. Dans tous les cas, il s’agit de limiter leur accès au savoir et ne leur autoriser que ce qui est utile à leur fonction sociale d’épouse, de mère, de maîtresse de maison. De la culture, oui, mais pour élever leurs enfants et pour animer une conversation. Nul besoin de connaissances scientifiques ou mathématiques. Encore moins de la philosophie. Et même les romans pourraient être dangereux et leur mettre la tête en feu !
Au XVIII e  siècle, il faut attendre les années révolutionnaires et Condorcet avec De l’admission des femmes au droit de cité , en juillet 1791, puis Olympe de Gouges et sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne , en septembre 1791, calquée sur la précédente Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour que quelques hommes et quelques femmes donnent corps à une revendication de droits, notamment juridiques, pour les femmes, égaux à ceux des hommes, quelle que soit leur condition sociale. C’était là une manière de réagir à l’oubli de la moitié féminine de l’humanité constatée dans la première Déclaration de 1789.

Une révolution manquée
Or, pour ce qui est des droits juridiques, les révolutionnaires n’accorderont pas aux femmes le droit de vote ni l’accès aux professions. Quant à l’accès au savoir, Lakanal fera voter l’instruction séparée et différente, pour garçons et filles.
Que s’est-il donc passé, dans le cours de ce XVIII e  siècle dont on a dit qu’il était le siècle des femmes, où leur règne s’est affirmé à travers l’existence de ces salons où elles ont accueilli et protégé durant des décennies les philosophes et les écrivains des Lumières, porteurs des idées nouvelles ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre à travers les pages qui suivent.
CHAPITRE 1
Les salons ou la douceur de vivre au  XVIII e  siècle

Cinq femmes et deux hommes dans un salon. L’un est au centre du tableau : il tient entre ses mains fines un livre ouvert dont la lecture semble intéresser les quatre femmes qui l’entourent. Beau justaucorps de velours gris rebrodé d’argent, chemise blanche et manchettes de fines dentelles.
Dans ce tableau de Jean-François de Troy, intitulé Lecture dans un salon 1 , la lecture est un moment suspendu, et le regard du lecteur, dirigé vers l’une des dames. On peut imaginer qu’elle vient de commenter un passage du texte lu. Sa tête légèrement inclinée lui donne un air pensif et concentré, les doigts jouent avec un éventail fermé. Les trois femmes du premier plan sont assises dans de larges fauteuils bas, tapissés de riches tissus savamment étalonnés aux couleurs des vêtements élégants que portent les sept personnages.
La femme assise tout à droite, éventail déployé sur le décolleté, est vêtue d’une ample robe de velours bleu nuit. Un pied élégamment chaussé apparaît avec la naissance de la cheville, juste au-dessous d’un fragment de jupon blanc qui dépasse de la robe légèrement relevée par le bras du fauteuil. Le regard est tourné dans notre direction comme si notre arrivée dans le salon l’intéressait tout particulièrement. Elle a la peau très blanche, comme c’était la mode alors – les femmes dépensaient des fortunes en maquillage : pour le blanc qui servait à « pâlir » leur teint, pour le rouge à poser sur les joues et pour les « mouches » de velours noir à placer judicieusement selon des conventions bien établies. Il y a aussi la belle main fine posée sur le velours sombre.
Sa voisine, celle qui vient de faire une remarque, porte une robe de soie claire rebrodée d’or. Au cou, un colifichet rose saumon. Leurs cheveux sont poudrés, ceux des hommes également. Tout dans ce salon respire le luxe, le calme et quelque chose d’indiciblement voluptueux.
L’une d’entre ces femmes – entre deux âges – semble particulièrement attentive à la lecture et à ce qui se dit. Elle se tient penchée en avant, appuyée sur le bras du fa

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents