Demain la Suisse
162 pages
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Description

Pendant un quart de siècle, Tim Guldimann est intervenu dans des conflits à l’étranger en qualité de médiateur et d’ambassadeur. Au moment de quitter la carrière diplomatique, il dresse un bilan sans complaisance de ses expériences et il analyse sans fard les défis auxquels notre pays est confronté. Diplomate atypique, Tim Guldimann joua un rôle de négociateur pendant la guerre de Tchétchénie entre indépendantistes et pro-russes. En Croatie, puis au Kosovo, il assuma des mandats délicats pour le compte de l’OSCE et de l’ONU. En 2014, au plus fort de la crise ukrainienne, il assista le conseiller fédéral Didier Burkhalter, président en exercice de l’OSCE, pour nouer le dialogue entre le Kremlin et les autorités de Kiev. En poste pendant cinq ans à Téhéran, il fut chargé de la défense des intérêts américains en Iran. Il est un observateur privilégié de la scène proche-orientale. Finalement, de 2010 à 2015, il a représenté la Suisse en Allemagne. Dans ce livre-entretien, Tim Guldimann aborde les thèmes les plus controversés de la politique intérieure et extérieure suisse : le refus d’admettre que nous sommes un pays d’immigration, le dilemme européen entre un bilatéralisme discriminant et une adhésion pour l’instant irréaliste, une politique étrangère entravée par le dogme de la neutralité, la démocratie directe et l’idéologie de la souveraineté illimitée du peuple, le déclin du plurilinguisme par le mépris alémanique des langues nationales, etc. Citoyen engagé et homme de gauche, il revendique une totale liberté d’opinion et son appartenance à la mouvance sociale-libérale.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9782889300556
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

T IM G ULDIMANN C HRISTOPH R EICHMUTH J OSÉ R IBEAUD

D EMAIN LA S UISSE


Dialogue avec Tim Guldimann diplomate et citoyen












É DITIONS A LPHIL

© Éditions Alphil, 2015
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
www.alphil.ch
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
Responsables d’édition : Alain Cortat, Sandra Lena
 
ISBN 978-2-88930-056-3
 
Photo de couverture : Ullstein Bild – CARO/Dirk Bleicker
Couverture : maquette et graphisme :
Nusbaumer Graphistes, www.nusbaumer.ch


P RÉFACE
P ETITE HISTOIRE À PROPOS DE CE LIVRE

A u cours des premières années de ce siècle, nous sommes allés deux fois en Iran, à l’invitation de l’ambassadeur suisse, pour participer à un dialogue culturel. La première fois avant Nine-Eleven , la seconde immédiatement après [ les attentats du 11.9.2001 aux USA , note du traducteur]. Au début, nous avons simplement eu un face-à-face aimable avec un influent mollah au centre religieux de Ghom et, après un match de football Iran contre Irak –  jusqu’à peu auparavant des États en guerre –, nous nous sommes trouvés en pleine rue dans une situation très périlleuse. L’Iran avait effectivement gagné 2 à 1 mais la victoire sembla dégager des énergies incontrôlées, les femmes commencèrent à jeter leurs foulards et les gardiens de la révolution ne menaçaient plus de se limiter, comme on le fait chez nous, à leur montrer simplement du doigt leur front éhontément dégarni. D’ailleurs, à l’intérieur de l’ambassade de Suisse, les dames se débarrassèrent de leur tchador et se comportèrent comme des citoyennes d’un monde ouvert auquel elles se sentaient liées.
Évidemment, il y avait aussi des espions parmi nous et ils dénonceraient tout relâchement des mœurs à une autorité qui, même sous Khatami considéré comme libéral, ne comprenait aucune plaisanterie. L’ambassadeur – il s’appelait Tim Guldimann – n’avait pas une mission facile car son pays était chargé de représenter aussi les intérêts des USA, le grand Satan. Les mollahs n’envoyèrent pas, dans le cadre de ces échanges, des dadais, mais des gens connaissant bien « l’autre camp » et qui étaient en mesure d’utiliser ses propres armes.
L’Iran nous apparut comme un pays de contradictions dans lequel la différence entre l’esprit perse et l’orthodoxie islamique était, dans certaines occasions, manifeste. Cela nous rappela que l’original des Saintes Écritures de l’islam fut aussi peu rédigé dans la langue nationale de l’Iran que l’Ancien et le Nouveau Testaments le furent dans la langue des chrétiens de notre époque. Un poète comme Hafez, au nom duquel des écrivains de l’Europe germanophone rencontrèrent leurs collègues iraniens, vivait précisément de la tension entre ses compétences à propos du Coran et sa langue poétique qui  indo-germanique – nous était plus proche que l’arabe de la prière du vendredi. Le fait que, même dans son interprétation chiite, la religion s’immisçait profondément dans la vie quotidienne n’empêchait pas de simples Iraniens d’aimer leurs poètes dans leur propre langue et de les réciter. Ici, le talentueux Hafez est plus proche de la vie quotidienne qu’un auteur occidental tel Goethe ou Shakespeare ne le fut jamais.
Représenter la Suisse dans cette exigeante et politiquement sensible complexité était un art qui n’était pas praticable avec la seule diplomatie. L’ambassadeur, comme citoyen de plusieurs mondes, devait lui-même être crédible, mais sans renier son caractère ou dissimuler son origine. Tim Guldimann a tenu ce rôle apparemment avec aisance.
Pour moi, il s’agissait d’un programme alternatif à deux événements qui venaient de perturber sérieusement la perception que les Suisses avaient d’eux-mêmes : le rapport Bergier et le Grounding de Swissair. Suite à la défection de Swissair, nous avions donc voyagé avec Lufthansa et, au même moment, à la faveur de l’obscurité, les premiers bombardiers de l’OTAN volaient vers l’Afghanistan.
Dire que les révélations de la Commission Bergier et les tribulations de notre compagnie d’aviation nationale furent tenaces serait exagéré et aussi réducteur. La première décennie de ce siècle a, pourtant, profondément changé la Suisse. Avec deux caractéristiques frappantes.
Premièrement, une partie grandissante de la population suisse attribue la crise – soit l’incapacité de leur propre gouvernement de contrecarrer l’influence des étrangers ou de restreindre leur nombre – aux « juges étrangers » et même aux étrangers dans leur ensemble. C’est pourquoi, selon cette partie grandissante de la population, les bonnes mœurs suisses doivent être inculquées aux étrangers par l’usage pénalisant des droits populaires : en l’occurrence par une interdiction des minarets ou un arrêt de l’« immigration de masse ». Même si ces deux initiatives sont en contradiction avec les normes de l’État de droit et du droit international, tant pis : nous sommes bel et bien une démocratie.
Deuxièmement, la publicité nationale officielle s’est efforcée d’aplanir les plis faits à l’image de la Suisse en intensifiant les soins apportés à cette image. Pour le marché, a-t-on prétendu, la Suisse est un produit comme un autre, il s’agit simplement de bien vendre cette marque.
Les deux stratégies annoncent des succès. L’une, celle des patriotes UDC, réunit aujourd’hui la plus grande partie des électeurs et, lors de votations populaires, de cas en cas, la majorité. L’autre, celle qui est chargée de promouvoir l’image de la Suisse, dénature complètement la réalité du pays, en promouvant une image lisse et traditionnelle et en ignorant ses produits de pointe.
Je vois Tim Guldimann devant moi, sa manière de s’adresser aux hôtes iraniens de l’ambassade dans leur langue : il était aussi loin de l’une que de l’autre de ces stratégies. Il ne s’est pas comporté comme un missionnaire (selon le conseil de Paul disant qu’avec les Juifs on doit être juif, avec les Grecs, grec). Il s’est présenté comme un Suisse qui ne craint pas l’étranger parce que l’étranger est incarné dans son propre pays. Il n’a pas fait de zèle ; il s’est attiré le respect en témoignant lui-même de son respect envers ses interlocuteurs. Sa propre perception de la Suisse n’a pas été escamotée, car il a plus d’ une perception. Si l’on ne supporte aucune contestation de son point de vue, on démontre que l’on n’est pas seulement étranger au monde mais qu’on est étranger à soi-même. Sans la faculté de vivre avec différentes cultures, la Suisse n’existerait pas. Au contraire, ses qualités ne seraient pas pensables sans les travailleurs étrangers : c’est valable pour les hautes écoles comme pour la construction de tunnels, pour Pestalozzi comme pour Nestlé et Brown Boveri (Blocher et son Ems ne font pas exception).
J’ai revu cette même personne à Berlin, où la Suisse – et pas seulement la Suisse alémanique – rencontre un pays étranger très particulier. L’Allemagne est un grand voisin dans notre proximité ; aucun autre pays ne vit en aussi bonne entente avec les Suisses, et c’est précisément pour cela qu’il suscite leur méfiance. L’ambassade de Suisse n’est pas seulement le bâtiment le plus proche de la Chancellerie fédérale, il était déjà là avant elle, seul dans un couloir désert devant le Mur. L’ambassadeur habite un édifice qui donne aussi à réfléchir, car son prédécesseur Frölicher – complice autant que bouc émissaire – apparaît clairement dans le rapport Bergier à propos des faits et omissions de la « politique de neutralité » à l’époque du Troisième Reich. Tim Guldimann occupe ces locaux historiques avec la parfaite conscience de leur signification – ce que l’on ne peut pas dire à propos du passé suisse et de l’inévitable travail de mémoire sur ce passé, même s’il a sonné la fin du secret bancaire.
À Berlin, pour défendre les intérêts de la Suisse, il i

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