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Festins amoureux , livre ebook

128

pages

Français

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2014

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« Le mythe du cœur mangé perd alors sa barbarie, le rite atroce de vengeance dû à l'ilotisme des maris s'affadit, devient flou manque son but et se retourne contre ses auteurs en se muant en une affirmation d'amour. Amour plus fort que tout, amour plus fort que la mort. Le mari brindezingue se venge d'un rival pour s'exiler du qu'en-dira-t-on mais les faits vont à l'encontre de son but idéal et fatal : la femme trouve le mets exquis, puis sachant ce que c'est, n'en veut plus aucun autre et ne survit pas à l'étrange repas ! »
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Publié par

Date de parution

20 janvier 2014

EAN13

9782342018790

Langue

Français

Festins amoureux
Marie-France Gibert-Baillet
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Festins amoureux
 
 
Illustrations  : © Dvarg, © Danicek - Fotolia.com
 
 
 
En souvenir de monsieur René Nelli.
 
 
 
 
Remerciements affectueux à Hélène Paulin et Jean-Paul Mailhebiau pour leur active et aimable participation.
 
 
 
 
Le mythe du « cœur mangé »
 
 
 
D’après la biographie reconnue
Et les cabalettes chantées partout
Par le gentil troubadour
Guilhem de Cabestany.
C’est lui qui offre à la venvole
Certainement la plus jolie
Et la moins nubileuse
Des légendes du "cœur mangé"
Le moyen âge fut on le sait misogyne
Et même très porté sur l’inceste
Au regard du nombre élevé d’implexes
Des seigneurs de l’époque
La femme n’était alors
Qu’un oison tombé du nid
Un simple toutou gris
Un épagneul aux éphélides jolies
Phalène clouée aux pieds du maitre
A laquelle on jette des restes de darioles
Des os des petits pâtés en bouillie
Mais, enfin, le Concile de trente
Décida à une faible majorité
Après bien d’algarades
Entre les cardinaux et le Pape
Que la femme avait aussi, une âme!
 
Mais quoi de plus brutal à cette époque
Qu’un chevalier appelé "fervestu"
Clampineur flandrin grossier et têtu ?
Dans La Chanson de Roland
Pour sa religion son suzerain ou son roi
On se bat sans arrêt tout le temps
Dans tout le royaume on trimarde
Il est davantage question de combats
De coups d’épées d’étripages
De nez coupés à la camarde
Dans les douves des châteaux
De chasse à courre et d’hourvari
A travers les bois ou les près
Que d’amours folles et passionnées
De sémillants et aimables jouvenceaux.
La belle Aude reconnue pour sa beauté
N’est jamais muguetée ni courtisée
Et bien moins encore mignotée et aimée
Elle ne risquait pas d’être la Colombine
D’un fringant Colombin, jeune godelureau
Modulant sous son balcon de langoureux lamentos
Les chevaliers étaient de fieffes rustauds!
Les seigneurs de rustres hobereaux
Ne sachant que crier de loin en loin
Onc !, onc !, onc !
 
Mais à la fin du XI e  siècle, sous l’influence des Croisés revenus d’un Orient plus raffiné, l’obscur Occident allait se civiliser. Tout d’abord l’amour chevaleresque devint loyauté et fidélité, allégeance et respect à la « Dame de cœur » qui inspirait courage, valeur et pouvait exiger de l’aimé des épreuves de dure endurance et d’angariade.
Ce fut vraiment avec les troubadours, poètes à l’entregent aimable et aisé, que l’Amour courtois allait se développer. La société occitane était moins hiérarchisée ; le « trobar » pouvait bien compenser la médiocrité de sa médiocre naissance face à celle reconnue noble des grands seigneurs car l’amour courtois obligatoirement impliquait que l’amante fût à un seigneur déjà mariée et soit par ce fait d’un rang supérieur. De nombreuses biographies de troubadours célèbres en témoignent.
Celle de Guilhem de Cabestany, sur laquelle a été plaquée la légende du cœur mangé, est l’une des plus remarquables par son aspect tragique et par l’illustration amoureuse de cet étrange mythe de l’échange original des cœurs, devenue la fameuse légende du cœur mangé en place d’être donné !
 
Guilhem était un gentil châtelain
Du conté de Roussillon
Dépendant du Roi d’Aragon
Vaillant, courtois, cultivé, bon chevalier
Il était beau et très apprécié des Dames
Il s’énamoura de la femme
D’un baron de Castel-Roussillon
Il fit des chansons pour elle, la courtisa
Et elle lui voulut tant de bien
Qu’elle en fit son preux Chevalier.
Ils eurent elle et lui grande "joï"
Lorsque Raimond l’apprit
Il fut fou de rage et de jalousie
Il enferma sa femme dans une haute tour
Ou gitaient noctules, palatouches et rats
Il la fit étroitement surveiller nuit et jour
Guilhem était son vassal, il le convoqua
Hors du château et lui trancha la tête
Il lui arracha le cœur de ses mains
Le brasillia soigneusement à la broche
Et le porta lui-même à sa Dame
Quand elle eut mangé ce met de choix
Le mari sortit d’un panier
La tête du pauvre chevalier
Et vilain malengroin qu’il était
Lui apprit sans ménagement
Qu’elle venait de manger son amant
Il lui demanda si elle l’avait apprécié
Elle entendit ce qu’il disait
Comprit ce qu’il lui demandait
Vit avec effroi et reconnut
La tête de son aimé supplicié.
Bien que son âme d’amante
Comme lumignon vacillât,
Avec fierté elle répondit
« Que c’était si bon et savoureux
Que jamais autre manger
Ni boire plus doux et exquis
N’enlèveraient de sa bouche
Le goût que le cœur de Guilhem
Y avait pour l’éternité laissé »
 
Quand Raimon son mari entendit
Ce que cette amante éperdue disait
Il se précipita sur son épée pour l’occire
La dame se leva et courut à l’huis
De la tour de sa prison
Sans peur elle l’ouvrit
Se précipitant dans le vide
Et pour rejoindre Guilhem se tua!
 
Ce forfait fut su par toute la Catalogne
Sur les terres du roi d’Aragon
Du roi Alphonse et de tous les barons
Il y eut grande tristesse et douleur
Pour Guilhem et la dame que Raimon
Avait si vilainement tués
Les parents de Dame et de Guilhem
Tous les chevaliers courtois de la contrée
Tous les amoureux se coalisèrent
Pour guerroyer Raimon à feu et à sang
Le roi d’Aragon, ulcéré outré,
Le fit mettre en prison et l’y laissa mourir
Il le défit de ses châteaux et ses terres
Et donna toutes ses possessions
Aux parents de Guilhem et de la Dame
Qui pour lui avait voulu mourir
Puis il fit mettre les deux amants
Dans un tombeau sis en l’église Saint-Jean.
 
Il fut un temps où tous les chevaliers courtois
De Connflant, Peirelades Cerdagne
Ripoll, Roussillon et Narbonne
Venaient fêter l’anniversaire de leur mort
Et tous les fins amants et fines amoureuses
Se réunissaient pour prier le Dieu d’Amor
De leur accorder grand Merci.
 
 
La fine amor
 
 
 
L’amour courtois est ainsi appelé quand il est l’art réglementé de se comporter face à une Dame de qualité. Le sentiment de l’amant est censé s’amplifier, son désir grandir mais rester pourtant en partie inassouvi. Il s’adresse souvent à une femme, inaccessible, éloignée, d’un rang social plus élevé que celui de l’amant chevalier.
On nommait ce tourment, à la fois plaisant et douloureux le « joï » : jouissance de l’esprit et non du corps !
Les chansons de Guilhem
 
 
 
Voici le patchwork de courtoisie amoureuse chanté par le troubadour Guilhem de Cabestany, traduit et adapté de la langue occitane du XII e  siècle.
Chanson A
Je suis celui qui sur la branche fleurie
A cueilli de toutes les fleurs la plus jolie
J’ai choisi celle que Dieu lui-même
Fit la plus belle de toutes les femmes
Rehaussée par la valeur de son âme
Moi troubadour je proclame
Que cette nouvelle Ève d’aujourd’hui
Est sans faute et en tout point, parfaite !
Le doux regard de ses yeux courtois
Ont fait de moi le plus fidèle amant
L’amour raffiné que pour elle j’éprouve
De l’eau du cœur me mouille le visage
J’en demeure impavide et dolent
Par courtoisie je souffre mais ne le divulgue
Dans mes chants, jamais je ne cite son nom
Me contentant volontiers de dire
Que cette belle fut souvent convoitée
Par plus d’un qui lui fit des grâces
Sans que jamais aucun d’eux ne l’ait
Dans ses bras, au matin rubescent
Tenue nue ou déshabillée
Mes propos ne sont ni feints
Ni viles flatterie ni masques,
Mais pure et congrue vérité
J’ai mille témoins qui m’envient
Chacun d’eux voudrait ce que j’ai
Elle a frappé au point vernal de mon cœur
Non protégé de ce coup inopiné
 
Mais je savoure et estime ce trait
Au plus profond de mon sommeil
D’un sentiment brûlant il me réveille
Elle me fera clémence et pitié
En sa grande bienveillance
Lorsqu’elle verra le mal dont je souffre
Elle allégera brièvement la douleur
Par elle répandue à l’adret de mon cœur
Elle m’a donné grand amour et dolente tristesse
Car elle m’a rendu amoureux
De la meilleure qui soit
Au plus profond de la cortesia  !
 
Depuis Le Puy jusqu’à Lérida
Le mérite de cette Dame est si haut
Qu’on la tient pour la meilleure au monde
Dieu l’a faite belle avec honneur
Et c’est ainsi qu’elle est considérée
Par tous les hommes de mérite
Qui lui reconnaissent grande beauté
Et des qualités si précieuses et parfaites
Qu’elle est, entre toutes, la meilleure
Elle est si aimable et de bon accueil
Que son amour m’ôte l’envie d’une autre
Sage, valeureuse, sans afféterie ni frivolité
La courtoisie de ses moindres propos
L’a fait garder de toute inimitié
Et de toute mauvaise renommée !
Chanson B
Jamais je n’aurais cru que je laisserais
Le divertissement pour l’amour
Le pandémonium de ma vie agitée
Pour le chant indolent et la joie
Ni que je pleurerais par douceur :
Amour me tient bien en son pouvoir,
Il me laisse commencer maints doux plaisirs,
Je crois que Dieu me fit pour servir,
Celle dont je loue le mérite fidèle
Je la remercie en belle loquèle
Alors que je devrais me plaindre, d’elle
Et des douleurs qu’elle me fait subir
Je ne le fais point par tromperie,
Mais celui qu’amour ennoblit
Doit de ce qui en découle souffrir
Car en différentes occasions il arrive
Que le bien qu’on fait vainque le mal qu’on subit
Un amoureux qui change sa conduite
Ne doit pas se lamenter sur ses peines,
Ni dire sa douleur,
Ni faire connaître son mal,
Ni se louer du bien,
Ceux qui en parlent tout de suite,
Ne savent d’où vient joie ou déplaisir.
Personne ne sait de l’amour assez
Pour pouvoir en parler sans crainte,
Mais

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