L'Afrique postcoloniale en quete d'integration

Patrick Dramé

Description

Expression du sentiment de solidarité parmi les Noirs d’ascendance africaine victimes de l’esclavage et de la discrimination, la pensée panafricaniste attire l’attention dès les années 1920. Cette idéologie qui vise à libérer l’Afrique de la domination coloniale est surveil­lée de près par des autorités qui y voient la source d’une pensée séditieuse. Après la décolonisation, dans un contexte international marqué par la Guerre froide, l’unification continentale devient alors pour ses promoteurs la voie idéale pour assurer la survie et le renouveau de l’Afrique. Bien que l’écrasante majorité des chefs d’État soit convaincue de la nécessité de l’union, les désaccords sur la périodisation et la forme de l’intégration à bâtir conduisent dès 1963 à la primauté de l’Afrique des États-nations au détriment de l’union continentale.
Après des décennies de désaffection, la pensée panafricaniste renaît dans les années 2000, notamment avec le Nouveau parte­nariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et le lancement de l’Agenda 2063 comme réponses aux défis de la mondialisation. L’auteur expose ici la complexité des enjeux de cette quête de réin­vention et de renaissance dans l’Afrique postcoloniale, tout en soulignant ses divergences ainsi que son inéluctable constance.

Sujets

• Histoire
• History
• Africa
• XXe siècle
• Afrique

Informations

• Publié par: Presses de l'Université de Montréal
• Date de parution: 21 août 2017
• Nombre de lectures: 23
• EAN13: 9782760638105
• Langue: Français

Extrait

Patrick P. Dramé
L’Afrique postcoloniale en quête d’intégration
S’unir pour survivre et renaître
Les Presses de l’Université de Montréal
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Dramé, Patrick, 1969- L’Afrique postcoloniale en quête d’intégration: s’unir pour survivre et renaître (Politique mondiale) Comprend des références bibliographiques. Publié en formats imprimé(s) et électronique(s). ISBN 978-2-7606-3808-2 ISBN 978-2-7606-3809-9 (PDF) ISBN 978-2-7606-3810-5 (EPUB) 1. Postcolonialisme - Afrique. 2. Panafricanisme. I. Titre. II. Collection: Politique mondiale (Presses de l’Université de Montréal). DT30.5.D72 2017 960.3’2 C2017-941163-2 C2017-941164-0 Mise en pages: Folio infographie Dépôt légal: 3 e trimestre 2017 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2017 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Table des matières
Avant-propos
Remerciements
Introduction
Chapitre 1
L’Europe et la fabrique de l’Afrique
Le poids des traites de part et d’autre de l’Atlantique
L’édification des frontières et la création de l’indigène
Chapitre 2
L’idéal panafricain pendant la deuxième moitié du XXe siècle
Émanciper et affirmer l’Afrique pour l’unifier (1937-1959)
Réinventer et concrétiser l’unité (1960-1970)
L’OUA, le panafricanisme et le problème des frontières
Les défis du panafricanisme dans un nouveau millénaire
Chapitre 3
Les débats au sein du mouvement panafricain américain
La conscience unitaire d’un «peuple dispersé»
Les figures tutélaires de Garvey et de Du Bois
La marche vers la Conférence de Manchester
Chapitre 4
Le transfert de l’idéal panafricain de l’Amérique à l’Afrique
Diffuser la cause des Noirs: militance et thuriféraires
L’articulation d’une idéologie aux réalités africaines
Acteurs et activités panafricanistes sous surveillance
Chapitre 5
Un projet d’intégration source de division (1960-1965)
Les imaginaires idéologiques et les antagonismes de l’intégration
Solidarités et divergences de vue sur l’intégration
Addis-Abeba: symbole d’unité et lieu de rupture
Des antagonismes persistants pour une solidarité minimale
Chapitre 6
Perspectives, enjeux et renouveaux au xxe siècle
La déflation du panafricanisme politique et radical
Entre catharsis et nouvelles initiatives
Origines et objectifs du NEPAD
Plaidoyers pour l’édification d’un nouvel ordre panafricain
L’Agenda 2063 ou la nouvelle aventure africaine
Conclusion
Sources et bibliographie
I) Conceptions et écrits des pères du panafricanisme
II) Archives coloniales et diplomatiques
III) Organisation de l’unité africaine (OUA) et Union africaine (UA)
IV) Bibliographie
V) Émissions radiophoniques
VI) Musiques et chansons
VII) Publications de Jeune Afrique
Table des matières
À ma chère épouse Samia et mes enfants Samar, Sabri et Shayan.


Avant-propos
Ce livre est le fruit du projet de recherche L’Afrique postcoloniale en quête d’unité et de stabilité (1957-2007) initié par la chaire de recherche Lucienne-Cnockaert en histoire de l’Europe contemporaine et de l’Afrique, dont l’ambition était d’étudier les enjeux historiques, mémoriels, politiques, institutionnels et économiques qui structurent la construction du panafricanisme et ceux de la question de l’unification africaine. Le choix de cette thématique n’est pas anodin, compte tenu de sa prégnance dans l’historiographie, de sa popularité et de sa brûlante actualité dans un continent en constante quête de développement et de stabilité.
Mes recherches ont d’abord donné lieu à la publication d’un article scientifique: «Une construction identitaire dans l’Afrique postcoloniale: le projet d’États-Unis d’Afrique chez Diop et Nkrumah» ( Outremers , 2013). En lieu et place de la publication d’un deuxième article, j’avais opté, dès 2012, pour l’idée d’écrire un ouvrage qui apporterait un éclairage nouveau à l’historiographie du panafricanisme en mettant un accent particulier sur des paradigmes majeurs, mais plutôt négligés. En effet, une lecture approfondie, novatrice et pertinente de l’idéal panafricain ne va pas, de mon point de vue, sans une analyse approfondie et critique des dimensions fondamentales et incontournables que sont le sens et la signification de la ré-historisation du passé africain, le poids et la fonction des mémoires des colonialismes et des dynamiques de transfert de l’idéologie des Amériques vers l’Afrique et, enfin, des nouvelles orientations du projet panafricain depuis les années 1990.
Cet ouvrage, structuré autour de six chapitres, s’appuie notamment sur un riche corpus de sources (autobiographies et ouvrages-programmes des hérauts américains et africains de l’idéologie panafricaniste, archives des ministères français des colonies sur la surveillance des idéaux jugés subversifs, documents officiels de l’Union africaine, chansons populaires africaines, etc.). Il s’inscrit aussi dans une approche combinant histoire intellectuelle, gouvernementalité coloniale et étude des fonctions et des paradigmes identitaires et mémoriels dans la construction du projet panafricaniste. En ce sens, cette étude se veut une contribution pertinente à l’étude du projet de construction panafricaniste dans l’Afrique contemporaine.
Remerciements
Mes remerciements les plus vifs vont avant tout aux organismes subventionnaires que sont le Fonds de recherche du Québec pour la science et la culture (FQRSC) et le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) dont les appuis ont rendu concret la réalisation de ce livre. Je tiens aussi à rendre hommage à l’ensemble des institutions qui ont appuyé financièrement les diverses étapes de ce projet. Je souligne tout particulièrement le soutien du vice-décanat à la recherche de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Sherbrooke qui a appuyé ce projet depuis ses débuts. La subvention du rectorat de l’Université de Sherbrooke et de la Faculté des Lettres et sciences humaines a été nécessaire pour la publication de ce livre.
Les subventions de recherche du FRQSC et le CRSH m’ont également permis d’octroyer des contrats d’auxiliaire de recherche à certains de mes étudiantes et étudiants qui ont su en profiter pour mener leurs propres recherches en préparation de leurs mémoires de maîtrise. Je tiens donc à remercier Kim Lacroix, Maxime Gaumond, Dominique Gosselin, Marie-Claude Beauregard et Bocar Niang pour leur soutien et leur appui multiforme. Je voudrais aussi souligner l’appui fort appréciable de Françoise Nozati pour sa précieuse relecture du manuscrit.
En dernier lieu, je veux remercier Sylvie Brousseau, Nadine Tremblay et toute l’équipe des Presses de l’Université de Montréal pour le formidable travail qu’ils ont accompli.
Patrick P. Dramé
Introduction
Le panafricanisme est à la fois un projet et un engagement politique, une idéologie et un idéal qui a profondément marqué l’imaginaire et l’histoire politique et intellectuelle du XX e siècle africain. Idéologie d’origine caribéenne et américaine, le panafricanisme prend racine parmi des intellectuels noirs qui ont l’ambition de combattre le racisme, les préjugés et la discrimination dont étaient victimes leurs communautés 1 . Cette lutte en faveur de l’émancipation supposait inévitablement la promotion et la réhabilitation de l’histoire et des valeurs de civilisation africaines qui forment le substrat identitaire de l’ensemble des diasporas noires.
Elle amène également ses hérauts et ses thuriféraires à adopter et à réaffirmer des positionnements et des revendications à caractère politique – parfois radicaux – dans le but de susciter une prise de conscience et un sursaut matériel et moral parmi leurs communautés noires déshéritées des Amériques. La matrice et l’implantation africaines de la pensée et du combat panafricanistes relèvent, d’une part, de transferts venus d’outre-Atlantique, opérés par des intellectuels africains en quête de la «toison d’or» dans les métropoles occidentales et, d’autre part, d’une logique de diffusion par la voie de presse ou par la pensée militante de personnalités marquantes telles que Marcus Garvey ou William Edward Burghardt Du Bois.
Au-delà de leur captation, ou du moins de leur «acclimatation» par les élites africaines, l’idéologie et le projet panafricains puisent résolument leurs racines dans la situation politique d’un continent qui a évolué entre le XV e et le XIX e siècles. Il ne s’agit plus d’une Afrique mise en esclavage, mais plutôt d’un continent colonisé, c’est-à-dire dépossédé, exploité économiquement, divisé et partagé entre les puissances coloniales, et d’un «homme noir» réduit au rang «d’indigène» à qui on dénie toute humanité tout en se promettant de le «civiliser». Dans la même perspective, le combat en vue de la libération de l’Afrique du colonialisme et de son unification en une seule communauté socio-politico-culturelle s’impose dès le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale et s’inscrit directement dans le cadre du nationalisme qui accompagne le processus de décolonisation et la marche vers les indépendances 2 .
Or, il est apparu très rapidement aux intellectuels ou aux hommes politiques promoteurs du panafricanisme que l’impératif de solidarité et les questions de l’unification et de l’intégration se posaient avec acuité et devaient aller de pair avec la phase d’édification de la nation, ou «deuxième révolution», selon l’expression de Frantz Fanon 3 . Cela devait, en effet, à la fois permettre de parachever la libération de l’Afrique du colonialisme, de l’exorciser de ses méfaits (que sont les frontières) et de ses avatars modernes – en l’occurrence le néocolonialisme et le sous-développement – et de lever l’hypothèque que faisa