L École des Annales
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L'École des Annales , livre ebook

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Description

De Marc Bloch à Emmanuel Leroy-Ladurie et Jacques Le Goff, de Lucien Febvre à Philippe Ariès et Michel Foucault, de Fernand Braudel à Ernest Labrousse, l’école des Annales a profondément renouvelé l’historiographie française et internationale. Au lieu de décrire une période historique, un événement, les faits d’armes d’un roi ou d’un empereur, les heurs et les malheurs d’une nation, l’école des Annales a entrepris d’étudier des problèmes. Peut-on être incroyant à l’époque de Rabelais ? Pourquoi la France n’a-t-elle jamais été la première puissance économique ?Dans ce livre, André Burguière montre comment cette école s’est constituée autour de l’étude des mentalités. Structures émotionnelles et cognitives, représentations et images inconscientes, les mentalités restituent les sociétés disparues dans les catégories à l’aide desquelles elles se pensaient elles-mêmes. L’Histoire ou la pensée des autres. André Burguière, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, est membre de la rédaction des Annales.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2006
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738190338
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

André Burguière
L’École des Annales
 
Une histoire intellectuelle
© Odile Jacob, septembre 2006 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-9033-8
www.odilejacob.fr
Table

INTRODUCTION
Courant nouveau ou renouveau d’une tradition ?
Une particularité française ?
Le double discours de l’historien
PREMIÈRE PARTIE. Fondations
Chapitre premier. LES PREMIÈRES ANNALES. PORTRAIT D’UNE REVUE
Une revue non conformiste
Ouvrir la pensée universitaire
Pensée critique et pédagogie
L’esprit des années 1930
Le présentisme des Annales
Le goût du présent
L’expérience de la guerre, laboratoire d’étude des mentalités
Crise dans la culture européenne
Chapitre 2. ACCORDS ET DÉSACCORDS. LES ANNALES ENTRE DEUX DIRECTEURS
Une amitié orageuse
L’épreuve de l’Occupation
Mésentente personnelle et entente politique
Discordance psychologique ou désaccord intellectuel ?
Chapitre 3. LA NOTION DE MENTALITÉS : UNE INVENTION OU UNE FILIATION ?
Constat de divorce ou partage d’héritage ?
Deux conceptions des mentalités ?
L’histoire historisante a-t-elle existé ?
Retrouver Guizot
Fustel de Coulanges et le principe d’étrangeté
Des réalités mentales durables
DEUXIÈME PARTIE. Parcours
Chapitre 4. PENSER ENSEMBLE. L’ESPRIT DES ENQUÊTES
Henri Berr et la défense de la science
Intemporalité de la raison ou histoire des mentalités
S’entendre sur les mots
L’esprit d’équipe
Les enquêtes collectives : un laboratoire à ciel ouvert
Le fabuleux destin de l’enquête sur les prix
Consentement et conventions
Chapitre 5. LE MOMENT LABROUSSE
Continuer Simiand ?
La crise entre hasard et nécessité
Marxiste modéré ou modérateur d’une génération marxiste ?
Entre Marx et Rostow
Le mariage tardif et l’autorégulation de l’Ancien Régime
L’événement structurant ; Paul Bois et la notion de survivance idéologique
Une modernité rurale : la politisation de la culture paysanne
S’évader du modèle labroussien ?
Chapitre 6. DE L’HISTOIRE TOTALE À L’HISTOIRE GLOBALE
Une théorie de l’Ancien Régime
L’anthropologie contre l’histoire ?
L’État de guerre
Les deux France
Oublier Braudel ?
De l’histoire globale à la micro-histoire
Frontières de l’historicité
TROISIÈME PARTIE. Interrogations
Chapitre 7. L’HISTOIRE DE LA MORT. ANTHROPOLOGIE DU CORPS ET CONSCIENCE DE SOI
Une vision humaniste de la mort
De la mort à la mortalité
De l’histoire démographique à l’histoire totale de la mort
Culture de la mort et domination sociale
Un chassé-croisé historiographique
Michel Vovelle : donner un sens à l’Histoire
Un voyage à l’intérieur de l’univers mental
Une histoire structuraliste ?
Les illusions de la longue durée
Le changement comme paraphrase : la temporalité anthropologique
Le non-sens de l’Histoire
Chapitre 8. PASSAGE DE LA COMÈTE
Une conversion
Critique de la modernité
Michel Foucault historien
Michel Foucault face aux historiens
Ces choses obscures
Une théorie du complot permanent
La biopolitique en question
Chapitre 9. FAUT-IL EN FINIR AVEC LES MENTALITÉS ?
La Révolution comme représentation
La notion de mentalités en question
Regarder le monde avec les yeux des Grecs
Affects et concepts
L’imaginaire
Chapitre 10. RETOUR AU POLITIQUE
Le visiteur du soir
Le retour au politique
Sens et pouvoir
CONCLUSION
NOTES
BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE
INDEX
Pour Évelyne
 
INTRODUCTION
 
Juin 1994. Lors d’un colloque à l’université de Saint-Jacques-de-Compostelle, une historienne américaine s’étonne devant moi, avec un rien d’agressivité, de la manie des historiens de l’école des Annales de citer pour un oui et pour un non les pères fondateurs de la revue disparus depuis un demi-siècle. Effectivement, l’un de mes collègues, membre de la direction de la revue, intervenant à la tribune pendant qu’elle me parlait, vient de commencer son exposé par une citation de Marc Bloch. Cette manie référentielle semble d’autant plus ridicule à notre historienne que les responsables des Annales continuent à se réclamer d’une histoire nouvelle et à se vouloir les acteurs du renouvellement de la pensée historique. La critique visait juste car je ne me sentais pas exempt moi-même d’une telle manie. S’agit-il d’une tendance commune à tous les courants intellectuels suscités au départ par l’ambition de transformer les manières de penser ? Une tradition scripturaire s’installe qui sacralise les textes des fondateurs comme s’ils avaient répondu par avance à toutes les questions que pourraient se poser les disciples. Citer les fondateurs sert à conforter la cohésion du groupe mais aussi à légitimer les évolutions nécessaires.
Pourtant l’école des Annales n’a pas eu le destin de bien des courants de pensée qui se sont appuyés sur le charisme du fondateur et la fidélité proclamée des disciples. Elle a survécu à ses deux fondateurs Lucien Febvre et Marc Bloch alors que les groupes centrés sur l’œuvre fondatrice d’un maître ont rarement survécu sans conflit à la première génération de disciples. Et elle a survécu sans hérésies ni exclusions. On peut dire qu’elle est arrivée à s’imposer dans le milieu des historiens si l’on compare l’audience encore bien modeste dont dispose à la veille de la Seconde Guerre mondiale la jeune revue à couverture bleue fondée en 1929 à l’ampleur de son influence actuelle.

Courant nouveau ou renouveau d’une tradition ?
On pourrait voir dans cette particularité une preuve de plus de la solidité de la conception de l’histoire incarnée par l’école des Annales . Mais il faut se demander si l’absence de désaccords théoriques n’est pas simplement le signe d’une absence de doctrine ou plutôt d’une absence de réelle nouveauté. Deux phénomènes plaident pour cette hypothèse : l’absence d’une véritable mise en question des Annales dans les renouvellements historiographiques récents ; la stabilisation du rapport de force entre le camp de l’histoire traditionnelle et celui des Annales . L’histoire a connu bien des renouvellements méthodologiques, thématiques ou même conceptuels depuis l’apparition des Annales , comme la micro-histoire, l’histoire conceptuelle, l’étude des réseaux, etc. Mais seuls parmi ces nouveaux courants s’opposent réellement à l’esprit des Annales ceux qui plaident pour un retour à l’histoire narrative 1 , à l’événement ou, chez les adeptes du tournant linguistique, à la dimension poétique de l’écriture de l’histoire ; c’est-à-dire aux postures critiquées par Marc Bloch et Lucien Febvre.
La réception des idées des Annales par les historiens inspire des interrogations analogues. Si l’on compare l’audience actuelle de l’histoire-science telle que l’ont préconisée les fondateurs de la revue, avec l’écho que pouvaient rencontrer leurs idées à la fin des années 1930, la progression est impressionnante. Elle a été forte surtout dans les années 1960 et 1970 sous l’influence de la pénétration massive mais tardive de la pensée marxiste en France et après, sous l’effet de son entrée en crise. Depuis les deux dernières décennies, en revanche, son rayonnement s’est stabilisé. Il reste fort chez les antiquisants et les médiévistes, c’est-à-dire chez les historiens du passé lointain. Il doit faire face à un retour de l’histoire biographique, diplomatique et institutionnelle dans sa forme traditionnelle chez les spécialistes de l’époque moderne. Il est minoritaire chez les historiens du XX e  siècle, nombreux à privilégier une approche événementielle des faits politiques.
Au lieu d’incarner l’essor d’une nouvelle conception de l’histoire, le développement de l’école des Annales n’est-il pas le résultat d’un changement d’équilibre entre deux conceptions de la connaissance historique qui coexistaient depuis longtemps ? La première conception recherche une identification psychologique ou politique avec le passé par la reconstitution précise de ce qui s’est passé. Le passé est, pour elle, magister vitae , un précédent à imiter ou à éviter. Cette conception nourrit les usages politiques de l’histoire. Elle connaît aujourd’hui un nouveau souffle avec l’attention aux effets et aux exigences de mémoire. L’autre manière d’appréhender l’opération historique considère le passé comme un champ d’observation pour la connaissance des caractères généraux de l’homme et des sociétés au même titre que la diversité géographique des cultures et des sociétés mais en ajoutant une dimension : notre relation généalogique au passé.

  Le fil rouge de ce regard philosophique porté sur le passé permet de tracer un lien de continuité épistémique entre les défenseurs de l’histoire parfaite au XVI e  siècle, comme Henri La Popelinière, Étienne Pasquier, Loys Le Roy, etc. 2 , l’œuvre historique de Montesquieu, Voltaire ou Gibbon au XVIII e  siècle et celle de Guizot, Tocqueville ou von Humbolt dans la première moitié du XIX e  siècle. Ces historiens se sont tous attachés à dégager les constantes et la signification globale du mouvement de l’histoire. À partir du milieu du XIX e  siècle, ce traitement du passé se double, avec Renan ou Taine, d’une ambition scientifique influencée par l’ascendant des sciences expérimentales et par l’émergence de nouvelles disciplines tournées vers l’étude des conduites humaines, comme l’anthropologie, la psychologie ou la sociologie, qui empruntent le même modèle.
Les deux conceptions de la connaissance historique qui se nourrissent depuis le XVIII e  siècle de l’apport de l’érudition et recourent aux mêmes méthodes, celles de l’histoire savante, fondées sur la collecte et la critique des sources, coexistent souvent chez les mêmes historiens. Le courant issu de la génération libérale des années 1820 qui fixe avec Augustin Thierry, Guizot, Michelet, Quinet et les autres, le modèle de l’histoire nationale illustre parfaitement l’interpénétration des deux visions de l’histoire. Leur conception des origines de la nation et du parcours national comporte une réflexion à la fois sur la mission de la France et sur les contradicti

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