L Imprevisible sud-est asiatique
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L'Imprevisible sud-est asiatique , livre ebook

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Description

Lieu de convergence au sein du monde tropical et océanique, l'Asie du Sud-Est est constituée de onze pays fort différents, dont l'avenir était envisagé en termes alarmistes par des observateurs chevronnés de la scène mondiale dès après la Deuxième Guerre mondiale et jusqu'aux années 1960-1970. Malgré des pronostics très pessimistes et des perspectives économiques et politiques jugées désastreuses, le Sud-Est asiatique est toutefois parvenu à appliquer des politiques contredisant les experts occidentaux, montrant ainsi combien imprévisible reste cette région.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 septembre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760640603
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Rodolphe De Koninck
L’imprévisible Sud-­Est asiatique
Les Presses de l’Université de Montréal



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: L’imprévisible Sud-Est asiatique / Rodolphe De Koninck. Nom: Koninck, Rodolphe De, auteur. Description: Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190016132 | Canadiana (livre numérique) 20190016140 | ISBN 9782760640580 | ISBN 9782760640597 (PDF) | ISBN 9782760640603 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Asie du Sud-Est—Politique et gouvernement. | RVM: Asie du Sud-Est—Conditions économiques. Classification: LCC DS526.7 K66 2019 | CDD 959.05/4—dc23 Mise en pages: Chantal Poisson Dépôt légal: 3 e trimestre 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2019. www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).





Introduction
Le Sud-­Est asiatique représente l’aboutissement de l’Asie. Situé entre les mondes chinois et indien, il s’y rattache tout en s’en dégageant 1 . C’est un lieu de convergences, un carrefour, une synthèse de l’Asie – qui est à la fois l’occasion d’une transition, ou plus exactement d’une poursuite de l’Asie au-­delà du domaine continental, au sein du monde tropical et océanique 2 . Cette région est constituée de onze pays fort distincts sur le plan géographique, démographique et culturel, tout comme par leur appartenance au monde continental d’une part, péninsulaire et archipélagique d’autre part (figure 1 et tableau 1) 3 .


Pendant longtemps, les atouts de ce carrefour restèrent largement sous-­estimés, à tel point qu’au terme de la Deuxième Guerre mondiale et tout au long des années 1950 et 1960, le Sud-­Est asiatique a fait l’objet de pronostics très pessimistes de la part d’observateurs chevronnés de la scène mondiale. Dans un volumineux rapport soumis à l’ONU par l’économiste Gunnar Myrdal en 1968, l’ensemble de la région, et tout particulièrement l’Indonésie, était examiné en termes alarmistes, les perspectives économiques et politiques y étant jugées désastreuses. D’autres avant lui avaient publié des analyses tout aussi pessimistes, faisant état d’une très faible productivité agricole et d’une pauvreté largement répandue, en particulier dans les campagnes et dans la plupart des grandes villes. Ainsi, Pierre Gourou, déjà célèbre pour la finesse de ses travaux sur le Vietnam, soulignait combien insoluble semblait la répartition très déséquilibrée de la population, notamment entre basses terres surpeuplées et hautes terres dites vides. D’autres, tels les géographes Robequain et Fisher, renchérissaient en affirmant combien la résolution de ce déséquilibre apparaissait comme quasi impossible, y compris dans des pays moins bien étudiés par Gourou, tels les Philippines et l’Indonésie, à laquelle l’anthropologue Clifford Geertz prédisait un triste avenir.
À l’époque, la plausibilité de ces sombres présages apparaissait d’autant plus grande que la région était aux prises avec de violentes guerres de libération postcoloniales, se confondant parfois avec une guerre civile, comme au Vietnam. Les perspectives économiques semblaient d’autant plus compromises qu’une bonne partie de la région, déjà peu propice à l’émancipation politique et aux initiatives de redressement et d’innovation, était devenue le théâtre d’affrontements majeurs, par procuration bien sûr, entre grandes puissances dites de l’Ouest et de l’Est, en particulier les États-­Unis, d’une part, la Chine et l’URSS, de l’autre.
L’objectif des pages qui suivent est de démontrer, autour du thème de l’imprévisibilité, combien les Sud-­Est asiatiques sont parvenus à appliquer des politiques contredisant le pessimisme des experts occidentaux et que, ce faisant, la région est demeurée imprévisible sur plusieurs plans, notamment culturel, géographique et politique.




Le compromis territorial
Au-­delà des multiples initiatives prises pour lutter contre les adversités, au-­delà des interventions étrangères, guerrières ou non, un ensemble de politiques particulièrement originales fut progressivement adopté par la plupart des pays. Toutes relevant d’abord du domaine agraire, elles ont contribué de façon directe ou indirecte à la résolution au moins partielle du problème que représentait la très inégale répartition de la population, tout en en créant d’autres!
La méthode n’avait rien d’inédit. En effet, dans bien des régions du monde, à bien des époques, certaines fort anciennes, des États se sont appuyés sur la propension pionnière des communautés paysannes pour fonder et surtout consolider leur propre légitimité territoriale. En mal de terres, quitte à les défricher, les paysanneries ont de leur côté presque toujours eu besoin d’un pouvoir supérieur, en particulier celui d’un État pour, en quelque sorte, encadrer et protéger leur propre occupation du territoire. D’où ce compromis, que nous qualifierons ici de territorial, entre les États et «leurs» paysanneries, qui a joué un rôle fondamental dans l’ensemble du Sud-­Est asiatique.
La redistribution de la population
Redistribuer la population, un projet vieux comme le monde, en particulier celui des États nationaux, peut viser plusieurs objectifs. Il peut s’agir, premièrement, de réduire la pression démographique dans les plaines alluviales et littorales, tout en favorisant le peuplement des régions considérées comme sous-­peuplées, notamment en zone forestière et montagneuse. Deuxièmement, l’État peut aussi vouloir en profiter pour y implanter des communautés paysannes qui contribueront à étendre le domaine agricole national et à accroître sa production tant vivrière que commerciale. Troisièmement, ce faisant, il consolidera sa légitimité tant territoriale que politique, en s’achetant les bonnes grâces des communautés paysannes, à la fois dans les plaines, soulagées en quelque sorte de leur trop-­plein démographique, et sur les marges pionnières, en y favorisant l’implantation de nouveaux petits propriétaires terriens qui lui sont alors fidèles et reconnaissants. Enfin, quatrièmement, plutôt que de confier la besogne à son armée, opération toujours coûteuse voire risquée, l’État pourra s’en remettre à ces communautés pionnières pour diluer davantage la composition ethnique desdites marges, autrement dit, pour «domestiquer» les peuples minoritaires. Progres-sivement, au fil de l’arrivée des colons, les peuples de ces régions, presque toujours ethniquement distincts des populations des basses terres, et perçus comme manquant, eux, de fidélité aux administrations étatiques, deviennent alors minoritaires en leur propre «pays».
La géopolitique des fronts pionniers
Cette géopolitique des fronts pionniers permettant de redistribuer de la population a été pratiquée par bien des empires, qu’ils aient été romain, perse ou han (chinois), par bien des États aujourd’hui industriels, tant en Europe qu’au Japon – dans ce cas avec la colonisation agricole de l’île septentrionale de Hokkaido à la fin du XIX e siècle – ou dans le Brésil contemporain et, surtout, dans le Sud-­Est asiatique. La stratégie multifonctionnelle du compromis territorial dans la formation et la consolidation des États modernes, tout en étant pratiquée presque partout dans la région, s’est révélée particulièrement manifeste et efficace au Vietnam, aux Philippines, en Malaisie et en Indonésie.
Dans le cas du Vietnam, la colonisation des plaines littorales, du delta du fleuve Rouge au nord jusqu’à celui du Mékong au sud, par les paysans-­soldats kinh (ou viet), a débuté au X e siècle et s’est poursuivie au moins jusqu’au XIX e . Mais la colonisation agricole qui a contribué à la relance de l’agriculture contemporaine du pays, bien qu’amorcée pendant la période coloniale française (1859-1954), a connu une accélération considérable après la réunification du pays en 1975, à la fin de la guerre américaine. Cette nouvelle expansion agricole, ces nouveaux défrichements furent associés au Doi Moi de 2006, le renouveau économique. Cette fois, ce sont les plateaux centraux du pays qui ont été pris d’assaut. Il en est résulté une déforestation massive des hautes terres, désormais largement consacrées à la caféiculture paysanne, tout comme une dilution tout aussi spectaculaire du peuplement non kinh. Une nouvelle classe de petits propriétaires agricoles privilégiés, contribuant à une hausse considérable des exportations caféières du pays, est ainsi solidement implantée sur les marges, elles-­mêmes désormais domestiquées et mieux intégrées au tissu national.
Aux Philippines, l’intégration par la colonisation agricole des marges méridionales du pays, constituées d’abord et surtout de la grande île de Mindanao, a débuté sous l’administration espagnole et été relayée à compter du début du XX e siècle par l’administration américaine.

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