La Monarchie républicaine
516 pages
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La Monarchie républicaine , livre ebook

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Description

La fameuse déclaration « L’État, c’est moi » de Louis XIV ? Un mythe ou, au mieux, une « sottise d’adolescent ». C’est avec une fantaisie et un humour déconcertants, quelques incursions dans notre vie politique contemporaine et le souci constant de « donner place aux faits plutôt qu’aux mythes » que James B. Collins s’intéresse à l’histoire de la société et de l’État français à l’époque moderne. Proposant de rejeter la notion « nébuleuse » d’absolutisme, il considère une évolution qui va d’une monarchie républicaine vers un État monarchique. Dans ce livre, l’auteur s’appuie sur des documents originaux, en privilégiant la province plutôt que Paris. Et, vue de là, la société française d’Ancien Régime n’est pas davantage immobile que le pouvoir royal n’est « absolu ». James B. Collins est professeur à l’Université de Georgetown (États-Unis). Il a publié l’une des synthèses les plus importantes sur l’État monarchique français à l’époque moderne (The State in Early Modern France). Il est également l’auteur du monumental From Tribes to Nation : The Making of France, 500-1799 et, en français, de La Bretagne dans l’État royal : classes sociales, états provinciaux et ordre public de l’édit d’Union à la révolte des Bonnets rouges. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 février 2016
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738163493
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cet ouvrage s’inscrit dans le cadre de la collection du Collège de France chez Odile Jacob. Il est issu de conférences données par James B. Collins au Collège de France en mars 2013.
La préparation de ce livre a été assurée par Julie Béret, Christine de Geyer et Céline Vautrin.
© O DILE J ACOB , FÉVRIER  2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6349-3
ISSN : 1265-9835
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Préface

« Le grand orateur Demosthenes enquis quelle partie de l’éloquence il prisoit le plus, respondit, l’action. »
Jacques A MYOT , Projet de l’éloquence royale 1 .

Je tiens à remercier mes collègues Marc Fumaroli et Daniel Roche pour cette invitation, ainsi que pour leur accueil si chaleureux, et M me  Henriette Rahusen de la National Gallery of Art à Washington, grâce à qui j’ai eu le plaisir, en octobre 2011, de faire la connaissance de Marc Fumaroli. Je remercie également M lle  Anne-Élisabeth Giuliani et le professeur Mériam Belli pour leur assistance éditoriale, mes collègues rencontrés lors des séminaires de Denis Crouzet (Paris-Sorbonne), Hugues Daussy (Le Mans) et Philippe Hamon (Rennes) pour leurs questions et critiques, et le personnel administratif du Collège de France pour son aide logistique.
 
En guise d’introduction à mes quatre conférences, je dois souligner que mes premières expériences de la politique furent toutes pratiques : mes parents étaient des personnages politiques – des « professionnels de la politique », comme disent les Américains. Pendant mon adolescence, j’ai eu la chance d’assister régulièrement à des déjeuners, dans un restaurant allemand, qui étaient de véritables tables rondes de la politique réelle de l’État du Connecticut. Chaque jour, en semaine, une quinzaine d’hommes politiques (uniquement des hommes) – démocrates et républicains – discutaient des problèmes quotidiens de politique locale autour d’une grande table. Les personnes qui assistaient à ces repas changeaient tous les jours, et il n’était pas seulement question de produire une analyse absolument honnête, mais aussi souvent brutale, de notre vie politique. Dès l’âge de 16 ans, j’avais perdu toutes mes illusions politiques. Pourtant, j’étais conscient – surtout à cause de mon père – que même les actions les plus pragmatiques sont reliées à des principes beaucoup plus élevés et que les hommes politiques, pour être entendus, doivent parler le langage politique de leur société.
Depuis le XVIII e  siècle, nos philosophes politiques ont surtout été des théoriciens, mais, avant 1700, la plupart des grands philosophes politiques étaient aussi des hommes politiques. Ma formation m’incline, comme on peut le croire, à les voir d’abord comme tels. En France, des hommes comme Claude de Seyssel, Étienne Pasquier, Philippe Duplessis-Mornay et Jean Bodin étaient des citoyens actifs dans leur respublique françoyse . Je propose une perspective simple : nous devons comprendre leurs écrits politiques avant tout à la lumière de leur vie d’hommes politiques. Considérons donc tout d’abord le contexte de cette vie politique, non seulement la leur, mais aussi celle de leurs concitoyens en Bretagne ou en Normandie, à Provins ou à Blois. Étendons ensuite le contexte à leur milieu social : c’est l’équivalent de la méthode employée par Robert Descimon dans ses études sur la bourgeoisie parisienne 2 . Troisièmement, prenons comme contexte l’univers du langage politique local – c’est-à-dire celui utilisé dans la vie politique locale – et sa relation avec le langage des grands traités de Bodin ou de Mornay, ou celui de pamphlets d’auteurs moins connus.
Si l’on veut suivre l’évolution des idées politiques françaises de Charles V à Louis XIV, il faut choisir un contexte, mais lequel ? Celui qu’on considère traditionnellement en histoire intellectuelle ou celui de l’école de Cambridge ? Je ne nie la valeur ni de l’un ni de l’autre, et je retiens en particulier le bon conseil donné par Quentin Skinner : nous devons étudier l’univers des textes d’un moment donné, « le contexte intellectuel dans lequel les textes majeurs furent conçus 3  ».
Mais, pour ma part, je préfère commencer mes enquêtes ailleurs, dans l’histoire de l’État considéré comme « fait social » : j’interroge la réalité quotidienne d’une vie politique souvent sale et nauséabonde, et toujours désordonnée. Je veux situer les idées dans leur actualité politique et sociale, et je crois par exemple que la société de la France moderne était plus mobile que sédentaire (la crainte des élites vis-à-vis de cette mobilité n’était pas une ruse de leur part, contrairement à ce que pensait Foucault, mais bien le fruit de leur réflexion sur la société qui les entourait 4 ).
Ces idées portaient un sens, à un moment donné, ancré dans leur contexte politique, dans le rapport de forces entre systèmes politique, social et économique, et, il ne faut pas l’oublier, dans le contexte des personnes impliquées, car le jeu politique est le fait d’acteurs humains et de leurs relations interpersonnelles. Comme Reinhart Koselleck le dit, un événement « se compose toujours d’éléments d’action extra-langagiers et langagiers 5  ». Je veux commencer par étudier l’action extra-langagière, et, à la lumière de celle-ci, j’interrogerai ensuite l’action langagière. Je lis donc les sources sur fond de l’ensemble des relations de pouvoir. Dans la vie quotidienne, les idées politiques n’ont de sens que dans un contexte politique vécu, décliné dans plusieurs domaines, comme celui de la nature de la société (mobile/immobile par exemple).
En essayant de reconstruire du mieux possible la réalité vécue par les acteurs politiques, nous pouvons mieux comprendre leur langage politique. Ce langage était parfois une création inconsciente, mais il s’agissait le plus souvent d’une construction délibérée. Les discours, les remontrances, les doléances, les débats, les lettres patentes – tous visaient un but particulier, ou plusieurs buts, et le langage choisi était celui qui permettait le mieux d’obtenir le résultat escompté. Nous savons bien que le gouvernement royal cultivait son image publique avec soin, déjà sous le règne de Charles V, davantage encore bien sûr avec Louis XII puis Louis XIV et la « fabrication » de l’image royale 6 . Nous devons commencer notre enquête dans la perspective de la pratique : comme Philippe Joseph Salazar l’a si bien écrit, « la parole du roi doit être non seulement belle, mais efficace ».
Commencer notre investigation sur l’évolution des idées politiques par la considération de la vie politique quotidienne nous permettra aussi de penser les textes fondamentaux autrement. Je prendrai ici un exemple : dans la première conférence, je parle d’un texte bien connu, Les Six Livres de la République de Jean Bodin 7 . Je me permets ici d’ajouter quelques éclaircissements autour de cet exemple. Je commence mon enquête sur Bodin en m’intéressant à l’homme politique, lisant donc sa République à la lumière de son journal des états généraux de 1576-1577 8 .
Mon point de départ est le climat politique de l’année 1576 9 . Nous pouvons consulter d’autres journaux de ces états généraux : celui de Guillaume Taix, chanoine de Troyes, ou celui, très détaillé, du député noble du Nivernais Pierre Blanchefort, ou encore celui du duc de Nevers. Nous possédons également des procès-verbaux des assemblées régionales ou urbaines, ainsi que des cahiers de doléances de gouvernements, de provinces, de bailliages, de villes, des corps de métiers de Troyes, et même quelques-uns de paroisses du Chartrain et de la Champagne, et, enfin, des pamphlets. Dans cette constellation, nous pouvons discerner l’accord linguistique qui existe entre Bodin et ses contemporains, jusqu’au niveau des tisserands de toile de Troyes ; nous pouvons aussi comprendre plus clairement Bodin et mieux mesurer sa contribution à la révolution du langage politique qui intervient pendant le règne de Henri III.
L’habitus de Bodin reflète surtout le monde d’un citoyen français de 1576. Pour comprendre le Bodin député, nous lisons tout d’abord le procès-verbal du tiers état du gouvernement de l’Île-de-France du 28 novembre 1576, où se trouve un débat entre Bodin et les députés de Reims, Soissons et Châlons. Là, nous voyons Bodin apparaître comme un champion de la conception classique des pouvoirs d’un député – le député doit suivre ses instructions – et de la concorde religieuse.
Le journal du doyen Taix nous livre un autre portrait de Bodin député. Au mois de janvier, le roi et quelques députés prennent la décision d’organiser une commission de réforme : il s’agit d’un groupe composé de députés et de membres du Conseil privé du roi. Au début, les états généraux se montrent ravis de cette « concession » de la part du roi, mais, plus tard, le tiers état change d’avis. Taix nous raconte que Bodin, qui « est homme fort docte et grand jurisconsulte bien éloquent », craint une réforme qui ne serait qu’un voile pour dissimuler l’augmentation des impôts. Taix nous présente un Bodin qui comprend la politique d’une manière tout à fait pragmatique et qui se sert d’une métaphore assez commune – celle du corps politique et de ses maladies – pour justifier son analyse.
Quel rapport existe-t-il dans cet exemple entre éléments extra-langagiers et langagiers ? Le mép

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