La Seconde Naissance de l’Homme
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La Seconde Naissance de l’Homme , livre ebook

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Description

Il y a environ 10 000 ans, l’homme prend un nouveau départ et modifie radicalement sa façon de vivre. Il fonde alors les premiers villages, impose sa domination sur son environnement, « invente » l’agriculture et l’élevage. Une transformation sans retour, qui fait de lui le maître unique de la nature. Jean Guilaine s’attache aussi dans ce livre aux comportements individuels et collectifs, insistant notamment sur la précocité de la violence, les origines de la guerre, le meurtre d’Ötzi, figure emblématique de nos ancêtres. Il souligne le poids de l’imaginaire, des symboles et des rites dans le fonctionnement de ces communautés anciennes. Les temps néolithiques ont posé les bases des sociétés qui sont aujourd’hui les nôtres. L’Histoire, dès lors, est en marche. Jean Guilaine est professeur au Collège de France, directeur d’études à l’EHESS et membre de l’Institut. Il est l’un des plus grands spécialistes du Néolithique. Ses travaux de terrain et de synthèse portent sur les premières sociétés paysannes et métallurgiques. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 mars 2015
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738167194
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, MARS  2015 15 , RUE S OUFFLOT, 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6719-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Avant-propos

Nul ne conteste aujourd’hui que le Néolithique a constitué, dans la trajectoire de l’humanité, un tournant capital : les portes de notre monde historique. Il est l’instant d’une prise de distance plus ou moins rapide avec les temps paléolithiques, dont la très longue durée (quelque deux millions et demi d’années !) n’avait connu, en dépit de remarquables exemples d’adaptation aux contextes environnementaux, aucun affranchissement fondamental à l’égard de ceux-ci. L’homme ne pouvait jusque-là que négocier avec la nature et gérer au mieux les ressources que celle-ci lui proposait. Elle était dominante, lui dominé.
Or, il y a environ 12 000 ans, c’est-à-dire avant-hier à l’échelle de l’évolution, une mutation s’amorce. En plusieurs points de la planète, l’homme cherche à se libérer de ce joug, expérimentant par divers tâtonnements appliqués aux mondes végétal et animal des stratagèmes pour ne plus être dépendant des contraintes du milieu. Il y parviendra en « inventant » l’agriculture et l’élevage, en « fabriquant » en quelque sorte de nouvelles plantes, de nouvelles bêtes. Une transformation sans retour qui fit de lui le maître, l’unique aménageur de son environnement, mais aussi souvent le destructeur de celui-ci.
Pour franchir le cap qui le désolidarisa de la nature, l’homme dut d’abord beaucoup cogiter avant de se lancer dans cette aventure. Il lui fallut d’abord tenter ou accentuer des essais de sédentarisation et prendre du champ avec la fréquente, bien que non exclusive, politique de mobilité saisonnière ; s’essayer à une vie plus collective en regroupant dans des hameaux plusieurs familles désireuses de partager les bons et les mauvais jours ; donner corps à cette existence communautaire en élaborant des règles de comportement social, des codes, des interdits, et en conférant une identité à chacun de ces regroupements par le truchement d’un système symbolique unanimement adopté ; trouver une harmonie entre l’affichage d’une entité cohérente, le respect de chacune de ses composantes, la personnalité des individus.
Tout cela prit du temps : il ne s’agissait de rien d’autre que de socialiser toujours plus les humains. Voilà pourquoi, dans toutes ces démarches guidées par le cognitif, le symbolique fut appelé à la rescousse pour encadrer les décisions, ajouter le poids de l’imaginaire aux actes collectifs ou individuels. Un nouveau monde naissait, émergeait peu à peu. Dans ces étapes conduisant au Néolithique, la mise en condition des esprits pour intégrer ceux-ci à un ordre en gestation allait son train. On est frappé par la place tenue par les rituels tout au long de la « construction » de ce premier monde agraire.
Curieusement, l’asservissement du « sauvage », la conversion des plantes et des bêtes à une nouvelle façon de les faire se reproduire ne s’opérèrent que plus lentement. Corollaire des changements dans l’organisation sociale, la métamorphose du milieu suivait, lourde de conséquences. Cette percée – la capacité de l’homme à produire (enfin !) son alimentation, à nourrir désormais les siens sans problème aucun, à bâtir une humanité solidaire et équitable – eût pu être le point de départ d’une belle aventure. On sait que ce ne fut pas le cas. La nature désormais assujettie, vaincue, l’homme allait retourner contre ses semblables cette soif de conquête, bâtissant très vite des sociétés inégalitaires, le plus grand nombre désormais inféodé au pouvoir et aux stratégies de quelques-uns.
Les temps néolithiques sont donc le socle de nos sociétés actuelles. C’est alors que l’histoire débute par une sorte d’émergence silencieuse, obscure, avant que l’ascension, plus ou moins rapide, vers la ville, l’écriture, l’État, les empires ne vienne prendre le relais de cette première humanité paysanne.
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Le premier chapitre de cet ouvrage est placé sous le signe de l’histoire. Il dit le progressif déplacement des problématiques dédiées au Néolithique : reconnaissance d’abord des « fossiles directeurs » de la période ; débats, ensuite, sur la place à accorder, dans un contexte fortement teinté de nationalismes, à la créativité autochtone en regard des influx en provenance d’Orient ; passage rapide avec l’usage du radiocarbone de chronologies courtes à une construction du temps plus dilatée ; élargissement peu à peu des recherches au paléoenvironnement, aux processus de domestication, à une meilleure caractérisation physique des matériaux utilisés par les néolithiques ; ouverture enfin sur les organisations sociales, le genre, la pensée des premiers agriculteurs.
*
Le second volet de cet ouvrage envisage trois aspects des relations entre l’homme et son environnement car le rapport des premiers paysans au milieu qui les nourrit est essentiel. Sapiens transforme désormais son biotope à sa guise. Par la hache de pierre et le feu, il défriche, brûle des forêts, ouvre des clairières, crée des pâturages, ensemence des champs. En Europe, débute le premier mitage de la dense chênaie qui s’était constituée lors du réchauffement postglaciaire. On n’imaginera pas pour autant des déforestations vigoureuses et incessantes entraînant une évolution linéaire vers un paysage sans cesse plus ouvert. D’abord en raison souvent d’une savante exploitation des forêts permettant à celles-ci de se régénérer, ensuite, au gré des aléas de l’histoire des populations, des recompositions dans l’occupation du sol, des contractions démographiques temporaires, des pulsions climatiques. Il n’empêche que ces déforestations humaines précoces, prenant souvent la suite d’incendies naturels, ont ouvert la voie aux premières pollutions atmosphériques.
Autre thème : la construction du temps. Des activités saisonnières rythment déjà le découpage du temps chez les chasseurs-cueilleurs. Avec l’avènement de l’agriculture, la notion de cycle annuel prend d’autant plus de poids que l’acquisition de nourriture, dépendante désormais de l’engrenage semailles/germination/moisson/consommation, accentue la notion de périodicité et contraint, avec la constitution de stocks, à des prévisions à moyen ou à long terme. À côté de ce temps « économique » s’élabore un temps « social », celui des âges de la vie, scandé par des sauts, des mutations, des rites de passage. L’histoire des communautés agraires anciennes peut aussi être jalonnée de ruptures, dès lors que s’accentue la compétition interne et externe : contestations de dominants et élaboration de nouvelles bases sociales, affrontements entre localités et réorganisation des alliances, des territoires. Temps aussi du travail de l’artisan pour parvenir au chef-d’œuvre technique devant servir à la valorisation des personnages influents. Temps de la mémoire enfin, celui de la pérennité du groupe et dont les tombes mégalithiques, caveaux d’envergure, constituent peut-être le témoignage le plus singulier.
Autre aspect du face-à-face homme/environnement : la relation avec l’animal. Ici encore, une vision matérialiste a souvent prévalu dans l’analyse de la domestication : l’élevage, plus rentable, aurait remplacé la chasse, trop aléatoire. Et pourtant, cette transformation fut bien lente, la chasse résistant longtemps aux « avantages » présumés de l’élevage. La domestication aurait donc d’autres raisons. Pourquoi ne pas chercher du côté du cognitif, de ce besoin de l’homme à dominer son proche environnement, à le comprendre, à le pénétrer, à le transformer, bref à en faire « sa chose » ?
Le chat, notamment, fut longtemps considéré comme tardivement domestiqué en Égypte. Cette théorie est à revoir. Son entrée dans le cercle des animaux familiers est ancienne et déjà attestée dans le Néolithique précéramique de Chypre, au VIII e  millénaire avant notre ère.
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Une troisième dimension de l’ouvrage a trait à l’aspect social des communautés néolithiques et, plus particulièrement, aux comportements de violence et de confrontation de celles-ci. Un thème récemment devenu pertinent alors que pendant longtemps la littérature s’était plu à évoquer des populations préhistoriques pacifiques et solidaires. Déjà les derniers chasseurs-cueilleurs paléolithiques et leurs successeurs mésolithiques connaissaient meurtres et conflits limités. Il va de soi qu’avec la production alimentaire, la possession de troupeaux et de territoires convoités, la constitution de richesses et de capitaux, l’affichage identitaire, la pression démographique, les motifs d’affrontements ont été plus grands. À cette forme d’insécurité latente s’ajouta bientôt un autre motif de tension dès lors que, les inégalités s’accentuant vers la fin du Néolithique, l’évolution exacerba les antagonismes. S’ajoutant à la compétition interne, la guerre ne va dès lors cesser d’être endémique, en même temps qu’elle devient un tremplin social.
Précisément, il est dès lors possible de suivre, dans la longue durée, l’ascension du guerrier, combattant d’occasion d’abord, avant de devenir vers la fin de l’âge du Bronze un acteur « à plein temps » de la société, un professionnel des armes. Les mobiliers des tombes masculines de la première moitié du Néolithique semblent plutôt louer les valeurs de la chasse. Par la suite tombes, stèles et statues-menhirs dévelo

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