La vie culturelle dans la France occupée (1914-1918)
205 pages
Français

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La vie culturelle dans la France occupée (1914-1918) , livre ebook

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Description

L'occupation allemande de la France en 1914-1918 a revu le jour tout récemment dans les travaux d'historiens. Ce livre explore les divers aspects d'une vie culturelle qui subsista malgré et à cause de l'occupation allemande : littérature, théâtre, cinéma, musique, sport, enseignement, et religion. Pour ce faire, il analyse des mémoires d'occupés, les oeuvres littéraires publiées pendant et après le conflit, la presse de propagande allemande et la presse clandestine, ainsi que les travaux de recherche récents.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2014
Nombre de lectures 32
EAN13 9782336692418
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Chemins de la Mémoire
Fondée par Alain Forest, cette collection est consacrée à la publication de travaux de recherche, essentiellement universitaires, dans le domaine de l’histoire en général.

Relancée en 2011, elle se décline désormais par séries (chronologiques, thématiques en fonction d’approches disciplinaires spécifiques). Depuis 2013, cette collection centrée sur l’espace européen s’ouvre à d’autres aires géographiques.

Derniers titres parus :

WARLIN (Jean-Fred), Tercier, l’éminence grise de Louis XV. Un conseiller de l’ombre au siècle des lumières , 2014
MARC (Sandra), Les juifs de Lacaune-les-Bains (Tarn) dans l’après-guerre , 2014.
LOUIS (Abel A.), Janvier Littée, Martiniquais premier député de couleur membre d’une assemblée parlementaire française (1752-1820) , 2013.
MARY (Sylvain), Le gaullisme aux Antilles et en Guyane au temps de la IV e République , 2013.
GOASGUEN (Jean), Un médecin de marine au Sénégal (de 1882-1884), Souvenirs de Louis Carrade , 2013.
MARTINI (Louis François), Le crépuscule des levantins de Smyrne , 2013.
FEUERSTOSS (Isabelle), La Syrie et la France. Enjeux géopolitiques et diplomatiques , 2013.
MONTBEL (Eric), Les cornemuses à miroirs du Limousin, Essai d’anthropologie musicale historique , 2013.
DIDIERJEAN (Marie), Les engagés des plantations de Mayotte et des Comores 1845-1945 , 2013.
RIZZO (Jean-Louis), Alexandre Millerand. Socialiste discuté, ministre contesté et président déchu 1859-1943 , 2013.

Ces dix derniers titres de la collection sont classés par ordre
chronologique en commençant par le plus récent.
La liste complète des parutions,
avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être
consultée sur le site www.harmattan.fr
Titre
Copyright
© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-69241-8
Introduction
Lorsqu’on évoque l’« Occupation » de la France au vingtième siècle, on pense le plus souvent aux « années noires » de 1940-1944 : la débâcle, l’exode, la collaboration, les rafles et les déportations, la Résistance puis la Libération et toutes ces controverses autour de l’occupation qui illustreraient le « syndrome de Vichy ». Lorsqu’on aborde le sujet de la France pendant la Grande Guerre, on pense surtout à l’épreuve et aux exploits du « poilu » : les tranchées, le no man’s land , les batailles de Verdun et de la Somme, les mutineries sur le Chemin des Dames, la victoire finale sous la direction du « Tigre » Clemenceau, et finalement le règlement de comptes à Versailles. L’occupation allemande de la France en 1914-1918, qui toucha plus de deux millions de civils, a donc été enfouie sous des mémoires concurrentielles. C’est tout récemment qu’elle a revu le jour.
Dans son livre pionnier, Les Cicatrices rouges (2010), Annette Becker évoque cette « outre-guerre » que connurent le Nord de la France et d’autres pays envahis :

On serait bien en peine de trouver des cartes de guerre légendées pour indiquer des zones occupées. Durant la durée des hostilités, les combattants seuls polarisent l’attention du monde. Considérés comme volés, usurpés, les territoires occupés ne suscitent aucune représentation graphique particulière. Perçus comme zones de front, rien ne les désigne comme occupés. Cet « impensable » s’est prolongé dans le souvenir : les violences subies par des populations civiles en un front domestique investi par les occupants ont été effacées des cartes physiques autant que des cartes mentales. 1

Becker essaie donc de lever le voile sur l’expérience très dure de la France occupée : brutalisation et destruction, déportation, faim, réquisitions, travaux forcés, les conditions particulièrement difficiles auxquelles sont confrontées les femmes, et les choix que doivent faire les occupés, entre s’accommoder ou refuser, résister ou dénoncer. Dans La France occupée 1914-1918 (2011), Philippe Nivet creuse ce sujet, s’appuyant cette fois sur des documents d’archives et une gamme très large de sources imprimées : aux prédations de l’occupant s’ajoutent les désillusions après la libération, aussi bien que les grands efforts de reconstruction morale et matérielle 2 .
Becker et Nivet s’intéressent surtout à l’épreuve matérielle que subit la population de la zone occupée, où le problème du ravitaillement finit par dominer la vie quotidienne. A part des passages sur la « germanisation culturelle » et la presse clandestine (modeste et éphémère), la vie culturelle de la France occupée y a une place marginale. Notre étude se propose donc d’explorer les divers aspects d’une vie culturelle qui subsista malgré – et à cause de – l’occupation allemande : littérature, théâtre, cinéma, musique et sport ; enseignement et religion. Pour ce faire, nous analyserons les mémoires d’occupés, les œuvres littéraires publiées pendant et (surtout) après le conflit, la presse de propagande allemande et la presse clandestine, aussi bien que les travaux de recherche récents qui commencent à mieux éclairer l’expérience de ceux qui se trouvèrent « retranchés » derrière la ligne de front. Puisque cette Première Guerre mondiale se présente souvent comme une guerre dans le domaine de la culture, entre « barbarie » et « civilisation », la culture est instrumentalisée en zone occupée comme ailleurs. La culture peut servir à résister, à survivre, mais aussi à coexister avec l’ennemi, voire à collaborer. Finalement, nous verrons comment la mémoire de cette occupation méconnue s’inscrit avec difficulté dans la vie culturelle française. 3
1 Annette Becker, Les Cicatrices rouges 14-18. France et Belgiques occupées , Paris, Fayard, 2010, p. 10.
2 Philippe Nivet, La France occupée 1914-1918 , Paris, Armand Colin, 2011.
3 Ce travail de recherche s’est fait avec l’aide bienveillante du Carnegie Trust for the Universities of Scotland.
Invasion 14
Malgré les tensions géopolitiques qui précèdent l’éclatement de la Grande Guerre, les populations civiles ne paraissent pas attendre un conflit avec beaucoup d’enthousiasme. Pour A. Doquin, femme d’un journaliste à Charleville, l’idée d’une guerre avec l’Allemagne n’arrive qu’au dernier moment. Dans ses mémoires, publiés pendant la dernière année du conflit, elle se souvient de cette « drôle de guerre » :

C’est au cours d’une promenade qu’un Carolopolitain [habitant de Charleville], nous accostant, prononce pour la première fois le mot de « guerre ». Nous sommes le 23 juillet, un jeudi. (…) J’écoute toutes les choses dont mon mari discute avec son ami, en proie à une stupeur indéfinissable. Le public est nombreux au concert de la musique militaire. Les couplets du Rhin Allemand sont applaudis et bissés. Ces applaudissements me font mal. La conversation de tout à l’heure bourdonne à mes oreilles tandis qu’à pleine voix le chanteur jette aux échos du square les vers d’Alfred de Musset :

Nous l’avons eu votre Rhin allemand :
Il a tenu dans notre verre.
Un couplet qu’on s’en va chantant
Efface-t-il la trace altière
Du pied de nos chevaux marqués de votre sang ?

J’entraîne mon mari surpris de ma nervosité et, tandis que la foule s’écoule, nous rentrons vite à la maison. 4

René Delame, conseiller municipal, fait écho aux remarques de Doquin : « Le 14 juillet 1914 fut joyeusement fêté à Valenciennes. Car si nous avions déjà quelques appréhensions, nous ne nous doutions pas que quinze jours plus tard, la guerre serait déclarée » 5 .
A. Vauchelet, instituteur à Landres et St Georges, dans la campagne ardennaise, évoque une vie festive très riche qui sera détruite par l’occupation :

Malgré les travaux des champs qui absorbaient la plus grande partie de leur temps, nos villageois étaient vivants, gais, animés ; ils aimaient la société, les fêtes. Tous les dimanches, pendant la belle saison, on les voyait sur la place publique prendre part à des jeux de quilles très fréquents. Dans les cafés, ils jouaient à de longues parties de cartes et de billard. Ils aimaient aussi fréquenter la bibliothèque, les conférences,

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