Le modèle culturel civique de la cité grecque
306 pages
Français

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Le modèle culturel civique de la cité grecque , livre ebook

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Description

Pour donner du sens au projet européen qui oriente aujourd'hui notre vie économique, politique et sociale, il faut analyser l'histoire de l'Europe occidentale. Et pour cela, il faut remonter à l'Antiquité grecque. Il est indispensable d'établir les faits historiques, mais il faut encore les comprendre, c'est-à-dire expliciter les raisons qu'ont eues les acteurs d'agir comme ils l'ont fait et de produire des sens culturels pour justifier ce qu'ils faisaient. La sociologie de l'histoire peut relever ce défi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 février 2015
Nombre de lectures 3
EAN13 9782806107657
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright

Mise en page : Vincent Abitane – Studio Prépresse

D/2015/4910/4 ISBN 978-2-806-12015-1

© Academia – L’Harmattan s.a.
Grand’Place, 29
B-1348 Louvain-la-neuve

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit.

www.editions-academia.be
Titre
Guy Bajoit





LE MODELE CULTUREL CIVIQUE
DE LA CITE GRECQUE
Dédicace

Je dédie ce livre aux jeunes gens de seize à
vingt-deux ans qui s’intéressent à comprendre
le monde (économique, social, politique et culturel)
dans lequel ils vivent, et à leurs professeurs d’histoire
et de sciences sociales, qui remplissent la tâche
méritoire de les accompagner dans
cet apprentissage.
Remerciements

Je remercie chaleureusement mes collègues
qui ont bien voulu relire ce manuscrit et le critiquer :
Sophia MAPA, historienne et psychanalyste ;
Jean-Michel CHAUMONT, sociologue et philosophe ;
Jean-Claude MULLENS, anthropologue ;
et Marc-Henry SOULET, sociologue et président de
l’Association Internationale des Sociologues
de Langue Française.
Introduction générale : Vers une théorie sociologique de l’histoire
Avant d’entrer en matière, je dois insister sur deux remarques très importantes. La première : ceci n’est pas un livre d’histoire, mais de sociologie de l’histoire. Je suis sociologue et non historien, et je prends donc les travaux de mes collègues historiens comme « matière première » de mes analyses 1 . La seconde : mon projet de recherche ne concerne que l’Europe occidentale 2 et son propos n’est peut-être pas généralisable ; sans doute beaucoup d’autres sociétés ont-elles ressemblé ou ressemblent-elles encore aux nôtres, mais je n’ai ni l’intention, ni d’ailleurs la compétence pour faire des comparaisons.
A. La proposition théorique
L’objectif de ma recherche est d’identifier et de comprendre les modèles culturels constitutifs de la culture de l’Europe occidentale . Je fais l’hypothèse générale que ces modèles ont été produits par des acteurs sociaux qui ont agi sur leurs conditions d’existence , en cherchant à résoudre les problèmes vitaux que leur posait leur existence collective. Ce serait pour donner du sens à leurs relations sociales et à leurs logiques d’action qu’ils auraient déployé leur créativité culturelle et inventé les modèles culturels, qui tout au long de notre histoire, se sont accumulés et entremêlés pour former peu à peu la culture de l’Europe occidentale.

La démarche analytique mise en œuvre dans cette recherche se fonde sur une théorie sociologique du changement socioculturel 3 , élaborée par l’observation de certaines sociétés d’Europe occidentale (la Belgique et la France notamment) aux époques moderne et contemporaine. Pour tenter de clarifier cette démarche théorique, il m’a semblé utile de la synthétiser dans le schéma 4 présenté à la page suivante.

Il importe de préciser d’abord – car on les oublie toujours ! – la signification des flèches qui figurent dans cette représentation graphique : elles ne signifient pas « causent… » , mais plutôt « constituent les raisons qui permettent de comprendre pourquoi… ». Les raisons, en effet, ne sont pas des causes , ni efficientes, ni finales : ce sont les motivations qui conditionnent les acteurs, mais sans les déterminer totalement , et qui les incitent à se conduire de telle ou telle manière, tout en leur laissant cependant une marge plus ou moins grande de liberté. 5 L’énoncé de ces raisons est le produit du raisonnement du chercheur qui, en s’appuyant sur les faits qu’il voudrait comprendre, s’efforce d’interpréter les motivations qui ont incité les acteurs à poser tel ou tel acte, à se conduire de telle ou telle manière. Elles sont donc susceptibles d’être critiquées par un autre chercheur qui interpréterait ces mêmes faits autrement. S’il fallait faire le lien entre raison et cause , on pourrait dire qu’une raison est une cause probabiliste et réciproque. Elle est probabiliste parce que, prises séparément, les motivations qui incitent l’acteur à poser un acte ne sont pas toujours toutes nécessaires (il peut parfois poser cet acte, même si elles n’étaient pas toutes actives) et que, prises ensemble, elles ne sont pas toujours suffisantes (il se peut qu’il ait d’autres motivations que le chercheur ignore) : il est donc probable, mais pas certain, qu’il posera cet acte. Et la causalité est réciproque parce que les actes qu’il posera auront des effets sur d’autres champs relationnels et sur d’autres acteurs qui, à leur tour, réagiront sur lui, ce qui créera un réseau complexe d’interactions.

Il importe de bien saisir la portée du choix épistémologique qui vient d’être explicité. Si le sociologue cherche des raisons et non des causes, c’est parce qu’il a affaire à des êtres humains, donc dotés de conscience : ils sont dotés d’une capacité réflexive, ils peuvent dire « non » , refuser de se laisser déterminer par les contraintes sociales et culturelles qui pèsent sur leurs conduites. Avec leur conscience, les acteurs traitent, gèrent ( « digèrent » ) ces contraintes, qui les conditionnent sans les déterminer . Dès lors, une théorie sociologique n’est jamais entièrement prédictive : elle ne fait que découvrir, selon l’heureuse expression que j’emprunte à Marc Henri Soulet, « les chemins du probable dans l’éventail des possibles ». Pour mieux faire comprendre cette question difficile, prenons un exemple. Si les gouvernants d’une cité se rendent compte que ceux de la cité voisine accumulent des armes, ils sont en droit de penser – sans en être certains et bien que ces voisins déclarent évidemment le contraire – qu’ils préparent la guerre. Ils auraient donc tout intérêt à en faire autant : mieux vaut prévenir que de se laisser surprendre. Certains de ces gouvernants proposeront donc de consacrer une part importante des ressources de la cité à fabriquer ou acheter des armes. Mais d’autres, minimisant le risque, estimeront qu’il n’est nullement nécessaire de faire un tel sacrifice, alors que la cité pourrait consacrer ses ressources à résoudre d’autres problèmes qu’ils jugent plus importants. La décision fera donc l’objet d’un débat. Les contraintes qu’ils valorisent inciteront certains acteurs à accumuler des armes, d’autres, à n’en rien faire. Ces contraintes seront interprétées et évaluées par la conscience de chacun et la décision finale sera le résultat d’un rapport de force entre les partisans d’une position, ceux de l’autre, et ceux d’une multitude d’autres possibilités qui surgiront dans le débat. Il est donc tout à fait impossible que le sociologue, même en connaissant toutes les contraintes, puisse prévoir la décision qui sera prise. D’ailleurs, tel n’est pas son rôle : celui-ci n’est ni de prévoir l’avenir, ni de juger les conduites des acteurs, mais seulement d’expliquer le passé et le présent. Il se limite à donner du sens à la décision qui a été prise en explicitant les raisons pour lesquelles cette décision-là a été retenue, et non une autre, parce qu’elle était la plus probable parmi toutes les alternatives possibles.

Bien sûr, il ne suffit pas de clarifier le sens des flèches dans le schéma ci-dessus. Il reste indispensable d’expliciter brièvement les présupposés théoriques sur lesquels il repose et de définir , au moins provisoirement, les principaux les concepts qui en découlent, afin de permettre au lecteur d’évaluer globalement les hypothèses de départ, et de se familiariser avec le langage sociologique que j’utiliserai tout au long des analyses.
1. Dans des conditions d’existence données (CEx-t 1 ), les membres d’une collectivité humaine quelconque cherchent à résoudre les cinq problèmes vitaux que leur pose leur existence collective.
On entend ici par « conditions d’existence » l’ensemble des facteurs objectifs et subjectifs – qu’il s’agisse des données du contexte physique ou des produits matériels et immatériels des actions humaines passées –, qui conditionnent la vie commune des membres

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