Le Quercy martyrisé
178 pages
Français

Le Quercy martyrisé , livre ebook

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178 pages
Français

Description

Peu après le départ de la féroce division allemande Das Reich de Figeac, la "division fantôme", tout aussi sanguinaire, fut chargée de continuer la lutte contre les Résistants. Enfin, les SS quittèrent le Quercy et ce fut le début une période incertaine : règlements de compte, femmes tondues, gangsters en liberté, luttes politiques, déchirements entre les ex-frères de combat. Puis ce fut le retour des absents, prisonniers, STO, raflés, déportés, qui eurent du mal à reconnaître leur pays...

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2012
Nombre de lectures 23
EAN13 9782296497115
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

LE QUERCY MARTYRISÉ
Du même auteur :
Trois jours comme les autres,Julliard, 1961. Comps-sur-Artuby, Chroniques d’un village provençal(ouvrage collectif), 1984. Histoire d’une aventure, Kodak-Pathé(avec Michel Rémond).
Cent ans de cinéma, Glénat(BD avec Catherine Zavatta, dessins de Gilbert Bouchard), 1995.
Pathé, premier empire du cinéma (ouvrage collectif), éd. Centre G. Pompidou, 1995.
Au pied de mon arbre ; Le Monument ; Illusions perdues, Diffusion Mairie de Faycelles 46100, 2004, 2006 (Histoire illustrée en 3 volumes d’un village du Lot, avec Arlette Sauteron).
Quelques vies oubliées, Une enfance vendéenne, L’Harmattan, 2007.
Une si jolie usine, Kodak-Pathé Vincennes,L’Harmattan, 2008.
La chute de l’empire Kodak, L’Harmattan, 2009.
Un gars de Ménilmontant(avec Guy Moisan), L’Harmattan, 2010.
Deux beaux salauds,L’Harmattan, 2011.
François SAUTERONLE QUERCY MARTYRISÉ Occupation,Libération, retour des absents
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99187-3 EAN : 9782296991873
« Le passé se nomme haine et l’avenir s’appelle amour », Victor Hugo(Les Châtiments).
À Pierre Denègre et Henri Gambade en hommage à leur courage.
Ne me parlez pas encore de chance, de hasard, j’avais tellement entendu répéter ce mot par ceux qui avaient échappé à la rafle des 11 et 12 mai 1944, non, je me plaisais à croire que ces quelques pages posées sur ma table n’étaient là que par mon obstination, mes recherches incessantes pour recueillir le maximum de témoignages sur cette période qui avait si profondément marqué le Quercy. Ces écrits, extraits d’un cahier d’écolier, je les avais trouvés repliés dans un livre traînant dans le débarras d’un ami figeacois, livre que je possédais déjà d’ailleurs, et dont la partialité étonnait comme beaucoup d’ouvrages parus à la fin de la guerre. N’avait-on pas été jusqu’à affirmer que deux cents soldats allemands avaient trouvé la mort dans la libération de Cahors alors qu’aucun coup de feu n’avait été tiré et que la garnison ennemie avait évacué la ville sans combattre… Certains fantasmes persistaient. Bref, ce livre avait appartenu à un Résistant de la première heure qui avait tenu à rétablir la vérité, et l’écriture de ces trois pages montrait qu’il avait fait partie des générations où l’instituteur, à coups de règles sur les doigts, inculquait à ses élèves la beauté du plein et du délié, à l’époque de l’encre violette et de la craie Robert. Une affirmation m’avait tout de suite interloqué : «Non, ce n’est pas moi, Crambouille, qui ai tué le colonel allemand et sa maîtresse à Linac, c’est Donald, de son nom de guerre, autrement dit André Malirat. » Malirat ! On m’avait assez reproché de ne pas l’avoir cité dans mon livreDeux beaux salauds. Tous ceux qui l’avaient côtoyé à l’usine Ratier s'étonnaient : « Enfin quoi, Malirat ! » C’est vrai, j’aurais dû en parler. Il était né le 14 mars 1920 à Charenton-le-Pont, 100 rue du petit château, mais préférait affirmer avoir vu le jour dans le 12ème. Vous me direz, ça se touche, Paris commence au bout de cette rue, et le vieux cimetière de Charenton se niche même dans le 12ème. Toujours est-il que Malirat cultivait l’accent parigot. C’était un homme à la démarche lourde, n’avançant un pied qu’après avoir bien posé le premier, accompagnant son
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déplacement d’un mouvement d’épaule en avant, alternant la droite et la gauche. Son âme, sans fioritures, ne comportait ni double fond ni chausse-trappe, lorsqu’il avait quelque chose à vous dire, vous en preniez plein la gueule, et pas de profil. Lors de la fusillade de Linac, le 3 juin 1944, il avait mis sa main entre les cuisses de la maîtresse du colonel de la Das Reich qu’il venait de tuer, pour savoir si, blessée, elle vivait encore. Devant son réflexe, il avait crié : « Salope, tu n’es pas crevée, tu vas voir », et, lui ayant enfoncé le canon de sa mitraillette dans le vagin, il l’avait découpée en deux en remontant jusqu’à la tête. Il faut dire qu’il en avait des copains à venger ! Tous ces Résistants qui avaient longuement agonisé à Cahors à la villa Artigues, torturés avec sadisme par une bande de Français de la Gestapo ou de miliciens, en particulier par leur chef Colin, le recruteur de la LVF, l’amant de Lucie, l’une des filles des propriétaires de la belle et chic mercerie du boulevard Gambetta, que l’on considérait comme milicienne. Ce même jour d’ailleurs, dans cette villa, Frank Tarayre, un Résistant des environs de Cahors, se retrouvait suspendu par les poignets dans une encoignure de porte, et plusieurs jours plus tard, son dos se révélait encore entièrement noir des coups reçus. Ce que l’on savait moins, c’est que les Allemands, plus tard, n’avaient apporté qu’un seul cercueil, et qu’après y avoir déposé le colonel, ils avaient tassé par-dessus les restes de la femme à coups de bottes pour pouvoir clouer le couvercle, piétinant ces débris sanglants. Lorsqu’on faisait, avec précaution, remarquer à Malirat que cette embuscade avait, par représailles, coûté la vie à dix-neuf personnes, à des vieillards, au curé Lacarrière, à des femmes, sans compter les blessés comme Marie Allidières, les jambes criblées d’éclats de grenades, il haussait les épaules sans daigner répondre. C’était la guerre, non ? Il obéissait aux ordres d’Henri Vayssettes et de Robert Noireau, dit Georges, et la serviette du colonel s’était révélée une mine de renseignements précieux. Certains maires avaient, contre ravitaillement, obtenu que les attaques de la Résistance se passent loin de leur village. Ce
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marchandage devait laisser Malirat bien insensible. Il avait fait partie du groupe de Georges Plastic, un Sarrois déserteur de l’armée allemande qui dirigeait un détachement du 4ème bataillon FTP, et avait trouvé une mort héroïque à Viazac. Là, à Linac, un certain Pons commandait Malirat. D’autres prétendent qu’en réalité c’était bien lui le chef, d’un courage sans limite, toujours volontaire pour les missions les plus dangereuses. Il ne parla jamais de Linac, à personne, pas plus de ses autres faits d’armes d’ailleurs, ce n’était pas un gars à se vanter. De Gaulle, en personne, se chargea de parler à sa place et de faire son éloge. Malirat avait été mobilisé dans un régiment de chars de combats en 1940, et, fait prisonnier, s’était évadé promptement de la baraque 59 du camp de Coëtquidan. Alors il était venu en zone libre, à Figeac, travailler à la S.N.C.F, la famille de son père Alphonse, étant issue de la région, du côté de St-Perdoux. Il avait eu l’idée, avec un maréchal-ferrant, de jeter au Célé quelques portraits du Maréchal Pétain pris au centre de propagande politique de Figeac, qu’ils avaient passablement dévasté. Ça n’avait pas plu aux gars de la Légion Française des Combattants, volontaires de la révolution nationale, qui, sous la présidence de l’assureur Pierre Légonie, devaient être : «lesyeux et les oreilles du Maréchal. »La police l’avait donc arrêté le 10 août 1942 et interné au camp de St-Sulpice-la-Pointe, dans cette ville où Paul Eluard, replié avec ses hommes, s’était fait démobiliser. Malirat y avait retrouvé André Lalanne, contrôleur régional de la S.N.C.F qui habitait 6 rue Wilson à Cahors, Bonnet, menuisier à St-Céré, Desroches, journaliste à Rouen… Il faut dire que la police soupçonnait également notre homme d’une tentative de sabotage de la voie ferrée : le 11 août, vers 14 heures, un cheminot avait découvert, par hasard, à huit mètres du pont sur le Célé, à l’entrée de Figeac, trois mines artisanales chargées de Nobélite, explosif volé à l’entreprise Borie qui construisait le barrage de St-Etienne-Cantalès. Un premier train avait sectionné le cordon Bickford, empêchant l’explosion. Ce camp de St-Sulpice, créé en octobre 1940, s’appelait officiellement « Camp d’Indésirables. » C’était tout dire. L’administration avait fait élever en hâte une vingtaine de
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grandes baraques entourées de barbelés de trois mètres de hauteur, avec quelques miradors… On y vit des communistes, des socialistes allergiques au régime de Pétain, des trafiquants, des juifs. De ce camp, gardé par des gendarmes, partirent des convois vers Ravensbrück pour les femmes et Buchenwald pour les hommes. Y croupissait Raymond Mouysset, auquel le pouvoir reprochait la survie de la section socialiste de Figeac. Là, nous pouvons parler de chance. Mouysset étant aveyronnais, son dossier fut enfin transmis pour complément d’enquête au chef de la police de Decazeville où il était né 44 ans plus tôt. Ce policier, un certain Camille Gréalou, se trouvait être son cousin ! Le dossier fut classé vite fait et Mouysset libéré. La chance s’arrêta pour lui le 9 avril 1944 lorsqu’il fut arrêté 54 rue Emile Zola par la Gestapo et interné à la prison St-Michel de Toulouse. Il en fut heureusement libéré peu de temps après par la Résistance. Malirat, lui, avait été transféré le 25 janvier 1943 de St-Sulpice à la prison de Cahors, au Château du roi, et relâché le 31 mars. Il travailla au garage Bladou et le 20 mai, conduit par Raymond Mouysset qui, exploitant forestier, possédait un camion à gazogène et pouvait se déplacer facilement, il se réfugia chez Camille Lacaze à la Vacantière à une cinquantaine de kilomètres de Figeac ; puis il rejoignit le maquis Veny dans la commune de Prendeignes, exactement aux Syries, caché par Vayssettes. Pour vous donner une idée de cette région, sur moins de trois kilomètres, par une route qui ne fait pas trois mètres de large, tracée à flanc de coteau, on passe de 350 à 431 mètres. En octobre 1942, les gendarmes Viguier et Pelou étaient partis en moto René-Gillet, une 7 cv avec side-car, pour arrêter aux Syries Théophile Gaubert soupçonné de propagande communiste. Voulant passer la première, Pelou ne put enclencher la vitesse, l’engin se mit à reculer et tomba huit mètres plus bas. Le side-car se détacha et l’adjudant Viguier fut projeté. Des habitants de St-Perdoux étaient venus les secourir, puis un médecin avait fait au blessé une piqûre de caféine et d’huile camphrée avant de l’évacuer sur l’hôpital de Cahors où il était mort le soir même à 20 heures. Depuis ce drame, les gendarmes n’aimaient pas trop se risquer par-là. Le maquis pouvait dormir tranquille.
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