Missions et colonialisme: le Lesotho à l heure du bicentenaire d Eugène Casalis
250 pages
Français

Missions et colonialisme: le Lesotho à l'heure du bicentenaire d'Eugène Casalis , livre ebook

250 pages
Français

Description

2012 fut l'année du bicentenaire de la naissance d'Eugène Casalis, missionnaire protestant béarnais envoyé en Afrique australe, dont le nom est lié à l'édification du Lesotho. Ce livre évalue le rôle des missions européennes en Afrique avant, pendant et après la colonisation et, plus largement, réfléchit aux liens entre religion et colonisation, et religion et "race".

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2013
Nombre de lectures 3
EAN13 9782336323527
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

MISSIONS ET COLONIALISME : LE LESOTHO À L’HEURE DU BICENTENAIRE D’EUGÈNE CASALIS
Avec la fin du siècle, l’Occident est entré dans un temps de repentance postcoloniale. Parmi les méfaits de la colonisation est dénoncée l’action missionnaire souvent perçue comme ouvrant la voie à la colonisation puis s’en faisant complice. Le missionnaire passait pour l’agent du colonisateur et en partageait l’opprobre. Cette perception négative mérite d’être nuancée surtout lorsque le missionnaire était originaire de pays n’ayant pas d’enjeu économique ou politique dans la région de mission. C’est le cas d’Eugène Casalis, missionnaire protestant béarnais envoyé en Afrique australe, dont le nom est indissolublement lié à l’édification du Lesotho et dont l’œuvre s’inscrit dans une démarche purement apostolique. 2012, année du bicentenaire de sa naissance, fut marquée par un grand colloque international qui se tint en octobre au Lesotho sur le thème de «Missions et colonialisme». Son propos était d’évaluer le rôle des missions européennes en Afrique avant, pendant et après la colonisation et, plus largement, de réfléchir aux liens entre religion et colonisation, et religion et « race ».
et Michel Prum Sous la direction de
Sous la direction de Marie-Claude Mosimann-Barbier et Michel Prum
MISSIONS ET COLONIALISME : LE LESOTHO À L’HEURE Marie-Claude Mosimann-Barbier DUBICENTENAIRE D’EUGÈNE CASALIS
MISSIONS ET COLONIALISME :
LE LESOTHO À L’HEURE DU BICENTENAIRE D’EUGÈNE CASALIS
Racisme et eugénisme
Missions et colonialisme : le Lesotho à l’heure du bicentenaire d’Eugène Casalis
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-01289-6 EAN : 9782343012896
Sous la direction de Marie-Claude Mosimann-Barbier et Michel Prum
Missions et colonialisme : le Lesotho à l’heure du bicentenaire d’Eugène Casalis
Avec le soutien de l’équipe d’accueil « Identités, Cultures, Territoires » de l’université Paris Diderot
L’Harmattan
CollectionRacisme et eugénisme Dirigée par Michel Prum
La collection "Racisme et eugénisme" se propose d'éditer des textes étudiant les discours et les pratiques d'exclusion, de ségrégation et de domination dont le corps humain est le point d'ancrage. Cette problématique du corps fédère les travaux sur le racisme et l'eugénisme mais aussi sur les enjeux bioéthiques de la génétique. Elle s'intéresse à toutes les tentatives qui visent à biologiser les rapports humains à des fins de hiérarchisation et d'oppression. La collection entend aussi comparer ces phéno-mènes et ces rhétoriques biologisantes dans diverses aires cultu-relles, en particulier l'aire anglophone et l'aire francophone. Tout en mettant l'accent sur le contemporain, elle n'exclut pas de remonter aux sources de la pensée raciste ou de l'eugénisme.
Déjà parus :
Bernard Cros, Marie-Annick Mattioli, Michel Prum et Thierry Vircoulon (dir:.), Penser et gérer la diversité en société regards sur l’Afrique, 2013. Michel Prum (dir.),Racialisations dans l’aire anglophone, 2012. Sophie Geoffroy et Michel Prum (dir.),Darwin dans la bataille des idées, 2012. Marie-Claude Mosimann-Barbier,Un Béarnais en Afrique australe ou l’extraordinaire destin d’Eugène Casalis, 2012. Sous la direction de Claude Carpentier,La rencontre des cultures : un défi pour l’école,2012. Michel PRUM,Sexe, race et mixité dans l’aire anglophone, 2011. Marius TURDA,Modernisme et eugénisme, 2011. Michel PRUM,Métissages,2011. Amélie ROBITAILLE-FROIDURE,La liberté d’expression face au racisme. Etude de droit comparé franco-américain, 2011. John WARD,Le mouvement américain pour l’hygiène mentale (1900-1930) ou Comment améliorer la race humaine, 2010. Catherine UKELO,Les prémices du génocide rwandais. Crise sociétale et baisse de la cohésion sociale, 2010.
Introduction : race et religion
Michel Prum
Cet ouvrage est une sélection des communications qui furent données au colloque international « Eugène Casalis : missions et colonialisme », qui se tint à l’initiative du Groupe de 1 Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme (GRER) de l’université Paris Diderot et de laNational University of Lesotho en octobre 2012 à Morija (Lesotho). Il s’agissait de célébrer le bicentenaire d’Eugène Casalis, ce missionnaire er béarnais qui devint le conseiller du roi Moshoeshoe I et participa à lanation buildingce petit royaume d’Afrique de australe, comme l’explique Marie-Claude Barbier dans le premier chapitre de ce volume. Que tous les collègues lesothans qui participèrent à cette manifestation et nous reçurent avec chaleur et hospitalité soient ici remerciés. Ce fut pour nous un privilège de pouvoir prendre part à ce premier colloque universitaire franco-lesothan. L’idée de ce colloque du bicentenaire et d’une réflexion, à cette occasion, sur le lien entre missions et colonialisme remonte à un autre colloque international, organisé en 2010 au Cap (Afrique du Sud) par le GRER et l’Alliance française du 2 Cap autour du thème du « Métissage ». Pour rendre à César ce qui est à César, c’est Marie-Claude Barbier qui, lors de ce colloque, conçut l’idée de commémorer les deux cents ans de la naissance d’Eugène Casalis en appelant à un symposium qui se e tiendrait à Morija, là où Casalis avait établi sa mission au XIX siècle. C’est aussi grâce à elle, grâce à son énergie, sa volonté pour ne pas dire son obstination, que le colloque a bien pu se tenir en temps voulu, c’est-à-dire en 2012. Il n’est pas simple d’organiser un événement scientifique à des milliers de kilomètres de distance. Elle a su convaincre tous ses interlocuteurs, au Lesotho et en France, de l’intérêt de cette manifestation scientifique. Donc un très grand merci à elle.
1 Le GRER fait partie du laboratoire ICT (EA 337). 2 Et en particulier par sa directrice de l’époque, Ludmila Ommundsen. 7
Cette introduction s’intitule « race et religion ». Il n’est donc pas inutile de revenir sur ce terme de « race », qui ne s’emploie plus aujourd’hui en France, du moins dans les discours 3 universitaires ou officiels. Comme je l’ai rappelé ailleurs , le terme a été abandonné à la fin de la Seconde Guerre mondiale car il était associé à l’Occupation, au nazisme, aux sinistres lois « raciales » et autres « fichiers juifs » qui avaient été la honte de la France de Vichy. Du point de vue de la biologie, le terme n’a également aucune pertinence. Les découvertes scientifiques du e XX siècle ont confirmé qu’il n’y avait aucune séparation tranchée entre Noirs et Blancs. En termes d’ADN, un Blanc peut être plus proche d’un Noir que d’un autre Blanc. La couleur de la peau, le taux de mélanine de l’épiderme constituent un critère de catégorisation des populations humaines tout aussi arbitraire que la taille des oreilles, la couleur des cheveux ou la forme de la mâchoire. Les locuteurs anglophones le savent tout aussi bien que nous, mais ils continuent d’employer le terme de « race » par commodité. N’ayant jamais été occupés par les nazis, les États-Unis et le Royaume-Uni n’ont pas le réflexe de rejet que nous avons en France face à ce mot qui fait remonter tant de souvenirs insupportables. Il faut donc ajouter mentalement de gros guillemets à chaque fois qu’on rencontrera dans ce volume le mot « race ». La religion a toujours été convoquée dans le débat sur la « race », qu’il s’agisse d’essayer de la légitimer ou au contraire de la refuser. Les chrétiens puisque c’est des missions chrétiennes en Afrique qu’il s’agit ici se sont tournés naturellement vers la Bible pour défendre des vues opposées. Je ne donnerai que quelques exemples de ce recours au texte biblique à propos de la célèbre polémique concernant la « race » et l’humanité. Au cours des siècles, une longue controverse a opposé les partisans du polygénisme, qui pensaient que les différentes « races » humaines étaient issues d’ancêtres distincts, et les monogénistes qui affirmaient l’unicité du genre humain et .défendaient l’idée d’une origine commune de tous les peuples vivant aujourd’hui à la surface de la terre. La position 3 Voir Michel Prum (dir.),Exclure au nom de la race, Paris, Syllepse, 2000, pp. 7seq. 8
traditionnelle de l’Église se rangeait bien sûr dans ce second groupe, puisqu’elle se référait au couple originel, Adam et Eve, ancêtres communs de tous les êtres humains. Ainsi pour les monogénistes, quelles que fussent les différences et les inégalités (et nombre d’entre eux clamaient haut et fort la supériorité des Blancs sur les « sauvages » africains), une chose malgré tout était certaine : nous appartenons tous à la même famille. e Avec le XVIII siècle et l’arrivée des Lumières, certains philosophes épousèrent les thèses polygénistes car ils y voyaient l’occasion d’attaquer la doctrine de l’Église. Ce fut typiquement le cas de Voltaire, trop heureux de pourfendre le cléricalisme où qu’il se trouvât. Voltaire se fit donc le critique acerbe du monogénisme. Dans l’introduction à sonEssai sur les mœurs et l’esprit des nations(1756), dans une deuxième partie intitulée « Des différentes races de l’homme », il écrit ainsi :
Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les Blancs, les Nègres, les Albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les 4 Américains, soient des races entièrement différentes .
Plus loin, à propos des « Nègres », il précise :
Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils ne doivent point cette différence à leur climat, c’est que des Nègres et des Négresses, transportés dans les pays les plus froids, y produisent toujours des animaux de 5 leur espèce.
Mais l’opposition entre polygénistes et monogénistes ne recoupait pas pour autant l’antagonisme entre défenseurs et adversaires de l’Église. Tous les polygénistes ne partageaient pas l’anticléricalisme de Voltaire. Une majorité d’entre eux défendaient l’Église et c’est au nom du christianisme qu’ils
4 Voltaire,Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756), t.1, Paris, Garnier, 1963, p. 6. 5 Ibid. 9
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