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Saint-LouiS du SénégaL PaLimPSeSte d’une viLLe , livre ebook

146

pages

Français

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2012

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Date de parution

01 janvier 2012

EAN13

9782811106010

Langue

Français

SAINT-LOUIS DU SÉNÉGAL PALIMPSESTE D’UNE VILLE
Ksur internet: http://www.karthala.com ARTHALA (paiement sécurisé)
Couverture :De gauche à droite : Cheikh Ahmadou Bamba, la reine du Waalo et Faidherbe. Montage Simon Gléonec.
© Éditions Karthala, 2012 ISBN : 978-2-8111-0601-0
Jean-PierreDozon
Saint-Louis du Sénégal
Palimpseste d’une ville
Éditions Karthala 22-24, oulevard Arago 75013 Paris
INTRODUCTION
Portrait d’un hyperlieu
Il est question ici d’un lieu assez exceptionnel, que l’on pourrait assez banalement appeler « lieu de mémoire», s’il n’avait curieusement été oublié par le maître d’œuvre de la somme qui en a popularisé la formule, et dont le nom propre ne peut qu’intriguer, forcer la curiosité, mêlant tout àla fois les traits de l’oxymoreàceux de l’anachronique. Ce lieu est Saint-Louis du Sénégal, une ville de relative importance, la cinquième ou sixième aujourd’hui sur le plan démographique (avec ses quelque 200 000 habitants) dans ce qui fut la première colonie française d’Afrique subsaharienne et qui, quoique celle-ci ait acquis sa souve-raineté il y a cinquante ans et que sa population soit très majoritairement musulmane, continue à être ofïciellement dénommée par ce vocable. On peut d’ailleurs comprendre pourquoi Pierre Nora et ses collaborateurs n’ont pas jugé bon (et, du même coup, n’ont pas vraiment oublié) de lui consacrer un texte étant donné que cette ville a beau s’ap-peler Saint-Louis, c’est-à-dire d’un nom très français, très chrétien, très bourbonien, elle n’en appartient pas moins désormaisàl’histoire du Sénégal, et non (plus)àcelle de son ex-métropole. Cependant, en dépit du risque d’incident diplomatique, on est malgré tout tenté de dire que Saint-Louis du Sénégal est aussi un lieu emblématique, pour employer les grands mots, de l’histoire de France. Emblématique de sa moder-nité qui a couru le long de trois siècles et qui n’est pas seu-lementfaite de ses Lumières, de sa Révolution de 1789, de ses deuxEmpires, de ses diverses républiques ou de son
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SAINT-LOUIS DU SÉNÉGAL
État Providence, maiségalement de son commerce avec l’Afrique, de ses traites négrières notamment, et des conquêtes coloniales assez immodérées auxquelles elle s’y livra. On sait maintenant que l’historiographie de la France (comme celle d’autres nations européennes) a eu tort de séparer ces deux composantes, comme si la première formait l’essentiel de ce qu’on devait savoir sur son passé plus ou moins récent, tandis que la seconde, pourtant fort bien documentée aujourd’hui, représentait une sorte de partie tout à fait annexe et peu digne de ïgurer dans le grand récit national. J’ai montrédans un précédent ouvrage qu’on ne pouvait comprendre la France contemporaine 1 sans l’Afrique . Et, si j’y ai principalement insistésur la part centrale qu’ont jouée une quinzaine de pays africains francophones,àl’heure même de la décolonisation et de e l’avènement de la V République, dans la reconstitution d’une France comme grande puissance indépendante des deux blocs qui semblaient durablement partager le monde, je n’ai puévidemmentéviter de remonter un peu plus loin e dans le temps. En l’occurrenceàl’éRpoque d’une III épu-blique qui donnaàla France, face aux autres concurrents européens, le plus grand empire colonial d’Afrique et qui développa un nationalisme brutal en mobilisant, pour affronter l’ennemi d’outre-Rhin, une imposante force noire génériquement appelée«tirailleurs sénégalais». Que notre récit national dût s’écrire et se complexiïer à partir de ce que les publicistes de la colonisation avait appelédès la e moitiéduXIXsiècle«la plus grande France», voilàqui aurait pu tomber vite sous le sens, mais qui ne s’est pas véritablement produit ou très insufïsamment, et voilà qui s’impose désormais aujourd’hui un peu par la force des choses. Ne parle-t-on pas en effet, depuis quelques années, d’un retour de la question coloniale et, plus enfouie encore, d’un
1. Cf.Frères et Sujets. La France et l’Afrique en perspective, Paris, Flammarion, 2003.
INTRODUCTION
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retour de la question de la traite négrière et de l’escla-2 vage ? Serait-ce là, alors qu’elles ne devraient plus avoir cours, s’il faut en croire le récit linéaire et progressiste 3 propre au régime d’historicitémoderne , des questions qui ontétémal résolues ou qui, relevant d’un passéqui, comme on a ditàpropos du régime de Vichy, ne parvient pas véri-tablementàpasser, procèdent par répétitions et revenances ainsi que l’a si bien formuléWalter Benjamin pour pointer justement les tourments de la modernité? C’est très probla-blement le cas. Mais cela l’est d’autant plus sûrement que, d’un côté, la France demeure une métropole au regard de départements d’outre-mer (Antilles, Guyane, La Réunion) qui constituent des restes importants de son premier empire colonialàl’époque de l’Ancien Régime et oùl’assimila-tion politique y a refouléplus ou moins bien la traite négrière et les pratiques esclavagistes. Et que, de l’autre, elle est devenue plus récemment un pays d’émigration pour des populations originaires majoritairement d’anciennes colonies françaises d’Afrique. Des populations qui, tout en ressortissant, en large part désormais, au corps de la Nation, y occupent souvent, que se soient les premières générations d’arrivants ou leurs descendants, des positions de subal-ternes ou de relégation dans l’espace public qui ne sont pas sans rappeler les modes d’infériorisation de l’indigèneà l’époque coloniale. Ainsi,étroitement mêléeàdes problèmes d’accès diffé-rentielsàl’emploi et au logement ou d’inégalités crois-santes, notamment entre les pays du Nord et l’Afrique, qui accentuent les mouvements migratoires, la question coloniale au sens large paraît donc devoir s’actualiser et requérir une plus juste appréciation au sein du grand récit national. Spécialement enétoffant ce récit d’une plus large
2. Voir par exempleCulture coloniale en France. De la Révolution française à nos joursLemaire et N. Bancel, dir.), Cnrs(P. Blanchard, S. Éditions Paris, 2008. 3. Cf. F. Hartog,Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, Seuil, 2003.
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