Un sens à l Europe : Gagner la paix (1950-2003)
140 pages
Français

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Un sens à l'Europe : Gagner la paix (1950-2003) , livre ebook

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Description

Gros sous et réforme constitutionnelle : tels sont les points souvent évoqués pour convaincre les peuples européens d’accepter les programmes d’élargissement et l’Union économique et monétaire. Sur le sens même de l’intégration, dirigeants et citoyens partagent beaucoup d’incertitudes. Et pourtant. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, gagner la paix était un projet clair. Trois principes d’action ont guidé la démarche des fondateurs : un principe de réconciliation, un principe d’action concertée, un principe de reconnaissance de l’autre, qui se sont incarnés dans de nouveaux modes d’organisation politique, économique et sociale. N’est-ce pas ce « trésor perdu » qu’il faut aujourd’hui redécouvrir pour donner un nouveau souffle à la construction européenne ? Fondé sur des entretiens exclusifs avec de nombreux dirigeants politiques des quinze États membres et des représentants des nouveaux États membres, sur l’étude des textes, des pratiques, des traces léguées par les artisans de la CECA et de la CEE, inspiré par les travaux de Hannah Arendt, Jürgen Habermas et Charles Taylor, cet ouvrage constitue une relecture historique unique de ce qu’est en profondeur le « sens de l’Europe ».Élevée à Lausanne, Catherine Guisan se veut européenne et américaine. Sa mère, grecque, est née à Istanbul, son père fut un homme politique suisse. Elle enseigne la science politique à l’Université du Minnesota à Minneapolis et s’est spécialisée dans l’histoire des idées politiques et de l’intégration européenne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2003
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738182548
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Catherine Guisan
Un sens à l’Europe
Gagner la paix   (1950-2003)
 
© Éditions Odile Jacob, octobre 2003 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-8254-8
www.odilejacob.fr
Table

Chapitre premier. UN TRÉSOR PERDU
Le paradoxe de la fondation
Le « fablier » de l’intégration européenne
Réconciliation, action concertée et reconnaissance de l’autre
Idéaux et intérêts
Les principes de la « paix gagnée »
Chapitre 2. RÉCONCILIATION : LES ORIGINES
Les cinq pratiques réconciliatrices
Première pratique : rompre avec la culture du blâme
Deuxième pratique : l’action tutélaire d’une puissance extérieure
Au-delà de la contrition, l’action et ses palliatifs, le pardon et la promesse
Troisième pratique : l’expérience européenne du pardon
Adenauer et Schuman
Les « républiques élémentaires » de la réconciliation européenne
Quatrième pratique : la promesse
Cinquième pratique : un projet « rationnel » et son bilan
L’inattendu au rendez-vous
Chapitre 3.  RÉCONCILIATIONS : 1999-2003
Acteurs contemporains et le « trésor perdu » de la réconciliation européenne
2002 : les souffrances allemandes
La réconciliation : un mythe de Sisyphe ?
Chapitre 4. DÉCLINER LA PUISSANCE
Le principe du compromis
Discours de la puissance
L’action concertée-puissance, une alternative aux rapports hiérarchiques entre États ?
« Comment la communauté européenne vint à Monnet »
Le réseau des relations humaines
Après la catastrophe : le Benelux passe à l’action
Un « habit d’Arlequin »
La table européenne
Les « vaches sacrées françaises » et autres Protocoles
Suez dépanne l’Europe
Fonder la liberté : les institutions de l’action concertée-puissance
Action concertée : avec qui ?
Vingt-cinq ans plus tard : inventaire des lieux
Pas de deux : Spinelli et Delors
Le cercle s’élargit, jusqu’où ?
Chapitre 5. L’AUTRE, C’EST MOI
La reconnaissance au secours des identités
La politique de la reconnaissance : des individus aux États
Les institutions de la reconnaissance
Les programmes de la reconnaissance
Une altérité fondamentale
Présidence et multilinguisme à vingt-huit
Des sous, des sous et encore des sous
La course d’obstacles continue
Redistribution des aides, changements d’identité
1998-2002 : les dialogues de la reconnaissance dans la société civile
La reconnaissance n’est pas un acquis communautaire
Chapitre 6. LA DÉMOCRATIE EN VÉRITÉ
Poisson d’avril
La vérité en politique
Le principe du parler vrai et juste
La méthode Monnet et l’éthique de la discussion
Le parler vrai des élus politiques
Le parler juste des assemblées citoyennes
Les « communautés de communication » européennes
Les questions qui fâchent
Chapitre 7. ON CHERCHE « CŒURS INTELLIGENTS »
Le « paradoxe de l’appartenance et du retrait »
En temps d’urgence
La solitude en politique
La « précompréhension populaire »
Pensée élargie et fantasia
NOTES
LISTE DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES
LISTE DES INTERVIEWS CONSULTÉES À LA FONDATION JEAN MONNET POUR L’EUROPE, LAUSANNE
LISTE DES ENTRETIENS DE L’AUTEUR AVEC DES PERSONNALITÉS EUROPÉENNES
REMERCIEMENTS EN GUISE D’AVANT-PROPOS
 
Les gens heureux n’ont pas d’histoire et la paix entre nations est une forme de bonheur. Bonheur si rare dans l’histoire du monde qu’il est souvent passé sous silence. Mais dans la seconde moitié du XX e  siècle, penseurs et hommes et femmes d’action ont osé l’envisager. Ils ont nombre d’histoires à partager que l’envie m’a pris de raconter. Si gens d’action et gens de pensée se sont donné rendez-vous dans ce livre, ma réflexion doit aussi beaucoup à d’autres rencontres, d’où cet avant-propos en forme de remerciements.
C’est en famille que j’ai appris à aimer et à craindre l’Europe. Petite fille, j’avais peur des haines franco-allemandes dont s’était nourri mon père dans les années vingt en lisant Lundi , publication enfantine française, que je dévorais à mon tour dans la paisible villa lausannoise de ma grand-mère. Impossible de siroter, jour après jour, le café « turc » dans un autre salon familial sans m’imprégner d’un certain rythme de conversation lent et doux que j’ai redécouvert au gré des rencontres amicales avec les descendants, grecs, turcs, libanais ou bulgares, de l’Empire ottoman. D’autres guerres, celles qui avaient amené mes grands-parents grecs d’Istanbul (ils disaient Constantinople) à s’installer en Suisse, ont fait souffrir. Merci pour cet héritage difficile et riche qui a formé mon cœur et ma pensée.
Ce projet est né en 1994. Après la difficile ratification du traité de Maastricht, on faisait du « déficit de la démocratie » dans l’Union européenne un vice de naissance, ce qui m’avait donné envie d’aller voir du côté des pères fondateurs. Au juste, que pensaient Jean Monnet, Konrad Adenauer et Robert Schuman de la démocratie ? J’ai poursuivi mon enquête dans le cadre d’un programme de doctorat en sciences politiques à l’université du Minnesota à Minneapolis, États-Unis, en 1995. Je remercie le Department of Political Science pour son soutien moral, intellectuel et financier. Sans les encouragements et les conseils toujours éclairés de ma directrice de thèse, j’aurais peut-être abandonné la partie. Spécialiste de Hannah Arendt et de l’histoire des doctrines politiques, Mary G. Dietz ne fut pas rebutée par mon désir peu orthodoxe de marier philosophie politique, histoire de l’intégration européenne et témoignages des faiseurs de communauté européenne. Je remercie aussi les professeurs James Farr, William Scheuerman et W. Phillips Shively. Merci encore à mon ami historien et professeur Theofanis Stavrou. Le Doctoral Dissertation Fellowship que l’université du Minnesota m’accorda en 1998-1999 me permit de poursuivre mes recherches en Europe.
Je remercie Jacques Delors, ancien président de la Commission de l’UE et président de Notre Europe pour avoir, le premier, vu un livre dans ce qui n’était (pas encore !) qu’une thèse de doctorat en anglais, et pour les entretiens qu’il m’a accordés. Son soutien fut essentiel. Merci à Odile Jacob pour sa confiance et à son collaborateur Jean-Luc Fidel pour ses encouragements et ses suggestions.
Je remercie les nombreuses personnalités du monde politique et diplomatique qui ont accepté de dialoguer avec moi ; leurs noms figurent à la fin de cet ouvrage. Plus d’une fois, confrontée à l’expérience de ceux qui agissent, j’ai dû revoir mes opinions dont j’assume ici, bien entendu, la seule et entière responsabilité. La force de conviction de Max Kohnstamm, Jacques-René Rabier et Henri Rieben, trois anciens collaborateurs de Jean Monnet, m’a stimulée dans mes recherches. Merci aussi au président Rieben et à ses collaborateurs pour leur généreux accueil à la Fondation Jean Monnet pour l’Europe à Lausanne, cadre propice à la réflexion.
Merci à mon mari américain Steve Dickinson, un polyglotte qui s’était enthousiasmé pour la réunification allemande pendant ses études à Oxford et qui a toujours cru à mon projet ; merci à mes fils Andrew et Nicolas Dickinson qui, à leur tour, goûtent aux héritages multiples et continuent à aimer ; merci à ma sœur Isabelle Guisan dont les judicieux conseils m’ont donné le courage de frapper à toutes les portes ; merci à ma mère Hélène Guisan-Démétriadès pour ses constants soutien, repas, relectures de textes, affectueuses critiques.
Merci à tous les amis qui ont hébergé, sustenté et entouré la Suisse-Américaine de passage : Hélène-Marie Blondel, Marjolaine Chevallier, Veronica et Geoffrey Craig, Charles et Juliette Danguy, Michel et Catherine Kœchlin, Lisbeth et Philippe Lasserre, Marie-Anne Moreau, Lette Maton, Ambroise Perrin, Lili Joubin et Alicia, Hennie et Johannes de Pous, Lis et Maarten de Pous à Bruxelles, La Haye, Londres, Paris et Strasbourg. Merci aussi à Madeleine Renaud de Minneapolis pour ses commentaires éclairés. Sans vous, rien n’aurait été possible. Merci à mes étudiants américains pour leur enthousiasme et leurs remarques stimulantes. Enfin, dans le train, sur le quai d’une gare, à la terrasse d’un café, dans un monastère ou un taxi, jeunes et moins jeunes Européens se sont prêtés obligeamment au jeu de mes questions. Écrire est œuvre solitaire ; vivre ensemble est dessein collectif. Grâce à tous ceux que je viens de mentionner, j’eus le bonheur de faire les deux.
 
Saint Paul, Minnesota, le 30 juillet 2003.
Chapitre premier
UN TRÉSOR PERDU
Il faudrait encore pouvoir s’émerveiller : monnaie unique ; « réunification » de l’Europe ; missions de paix dans les Balkans ; franches discussions à vingt-huit, Turquie incluse, pour élaborer une nouvelle Constitution. Mais les collaborations, qu’on envisageait à peine il y a dix ans, sont déjà prises pour acquises. On passe dessus comme chat sur braise pour s’attaquer au prochain casse-tête et l’Union européenne (UE) suscite des controverses dont la virulence rappelle les affrontements du temps de la guerre froide entre la droite et la gauche 1 . Tensions entre petits et grands États, entre partisans et opposants du fédéralisme, on pourrait en mentionner tant d’autres tout aussi brûlantes.
Ce ne sont point ces débats que je désire arbitrer ; ma démarche s’inspire plutôt des réflexions sur l’identité civique qui ont cours aux États-Unis. Ce pays aux diversités accusées remodèle son identité par des retours répétés à ses sources. La pensée et l’action de ceux que l’on appelle les pères fondateurs continuent à inspirer tant chercheurs universitaires que citoyens dans leur pratique politique. Il ne s’agit, bien sûr, que d’une minorité d’Américains motivés, ce qui avait poussé Hannah Arendt à regretter le « trésor perdu de la révolution américaine » dans son Essai sur la Révolution . Cette penseuse américaine, d’origine juive et allemande, aimait à citer le vers de René Char : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » (CC, p. 11). Qu’est donc le testament évoqué par le poète ? Une tradition politique perdue non par la faute des circonstances, mais par

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