Démocratie sanitaire : Les nouveaux défis de la politique de santé

Didier Tabuteau

Description

Progrès médicaux, crises sanitaires, déserts médicaux, inégalités de santé, réglementations de santé publique, financement de l’assurance-maladie, défis de la bioéthique : les questions de santé constituent des enjeux politiques majeurs. À partir d’une analyse de l’histoire du système et de la politique de santé, Didier Tabuteau examine ces grandes questions. Comment concilier sécurité, liberté et égalité ? Quelles sont les limites de l’ambition d’universalité proclamée pour l’assurance-maladie ? Comment l’exigence de décentralisation peut-elle affecter les politiques de santé ? Quels sont les effets de la concurrence ? Comment s’articule le débat sur les prélèvements obligatoires ? Autant d’interrogations cruciales à un moment où l’État providence est malmené par une crise économique d’une ampleur exceptionnelle. Avec en filigrane la question de l’indispensable réforme du système de santé et d’assurance-maladie. Et pour ambition l’édification d’une véritable démocratie sanitaire. Ancien élève de l’École polytechnique et de l’ENA, docteur en droit et titulaire d’une habilitation à diriger des recherches, Didier Tabuteau est responsable de la chaire Santé de Sciences Po et codirecteur de l’Institut Droit et Santé de l’université Paris-Descartes. Il a exercé des fonctions de direction de cabinet au ministère de la Santé et des Affaires sociales, et a été chargé en 2000 de la préparation de la loi sur les droits des malades. 

Sujets

• Administration
• Médecine
• Medical

Informations

• Publié par: Odile Jacob
• Date de parution: 05 septembre 2013
• Nombre de lectures: 6
• EAN13: 9782738175854
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  2013
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-7585-4
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Idem
Sommaire
Couverture
Titre
Copyright
Dédicace
Préface
– I –
– II –
– III –
– IV –
Introduction
Chapitre 1 - Le spectre de Monsieur Bovary
Le traumatisme de la création des officiers de santé
Une exception au pays du colbertisme
L’irruption chaotique et progressive de l’État
Le manque d’appétence du monde politique pour la santé
L’indispensable aggiornamento du système de santé
Chapitre 2 - L’hygiénisme contrarié
L’impuissance sanitaire française
L’impérialisme du soin
La rupture de la sécurité sanitaire
Chapitre 3 - Les rendez-vous manqués de l’assurance-maladie
Une protection sociale bismarckienne et non bonapartiste
Le mur de verre de la médecine libérale
La « fracturation » de l’assurance-maladie par la liberté tarifaire
Le leitmotiv de la responsabilisation
Chapitre 4 - Les dilemmes de la santé publique
Une politique aux ambitions multiples
Les démons de la santé publique
Les peurs des « sociétés fragiles »
La polysémie fâcheuse de la précaution
Le sacre de l’expertise
L’indispensable veille déontologique
Chapitre 5 - La régionalisation en trompe l’œil
La double hélice de la régulation
L’éclairante histoire des agences régionales de santé
Le grand écart institutionnel
Le patchwork des inégalités de santé
Les claudications de la péréquation régionale des dépenses
Le mythe de la décentralisation sanitaire
Le tabou d’un intéressement régional au financement
Chapitre 6 - Le dogme de la concurrence
La hausse concurrentielle des tarifs
La concurrence contre le service public
La dissolution du service public hospitalier25
La métamorphose silencieuse des assurances-maladie50
La politique du salami
L’illusoire équivalence entre la Sécurité sociale et les complémentaires
La « préférence » pour les prélèvements inégalitaires
Les inévitables coûts de la concurrence
Les défis de la généralisation des complémentaires
Chapitre 7 - L’universalité menacée
La « fausse bonne » idée du bouclier sanitaire
La trilogie des politiques sociales
La double solidarité par l’universalité
L’insécurité tarifaire
L’assurance-maladie à la croisée des chemins
Le paternalisme tarifaire
L’inquiétante perspective de l’assurance-maladie conditionnelle
Chapitre 8 - L’impérieuse régulation des dépenses
Les moteurs de la dépense de santé
Les travers du « meilleur » système de santé
La coûteuse dyarchie
Les perspectives contrastées de l’assurance-maladie
L’irréductible maîtrise des dépenses de santé
Les chemins tortueux de la maîtrise
L’assurance-maladie dans la tourmente
L’alibi de l’assistance sociale
Les ambiguïtés de la philanthropie
Chapitre 9 - Le principe de confiance
La révolution du droit des malades
La renaissance des associations de malades
Le sacre législatif des droits des malades
Les nouveaux défis du colloque singulier
La confiance au cœur du système de santé
Conclusion - Pour un nouveau contrat sanitaire
Le big bang du système de santé
Miser sur la promotion de la santé
Rationaliser médicalement et économiquement la prise en charge
Assurer l’égale protection de tous
Notes
Du même auteur
Préface

Le ciel et la terre

Malraux conclut son plus beau livre, L’Espoir , en évoquant « la voix de ce qui est plus grave que le sang des hommes, plus inquiétant que leur présence sur la terre : la possibilité infinie de leur destin ».
Cette possibilité infinie peut susciter les interprétations et réflexions les plus diverses, elles nous ramèneront toujours, immanquablement, aux progrès fulgurants de la médecine. Prométhée mal enchaîné ? La médecine recule toujours plus loin les limites de la vie des humains. Jusqu’où ? Plus loin, encore plus loin, toujours plus loin. Une poussière de temps sépare les médecins de Molière et le décryptage des milliards d’éléments composant notre génome. Alors demain ? Après-demain ? Dans un million d’années ? La partie d’échecs contre la Mort rendue célèbre par un film de Bergman tournera-t-elle un jour au désavantage de celle-ci 1  ?
Parallèle à la conquête de notre univers par les astrophysiciens, celle de l’homme par lui-même nous fait rêver, la tête dans d’autres étoiles. Mais tout rêve est suivi d’un réveil : il faut redescendre sur terre, retrouver la « rugueuse réalité ». Et là surgit alors un petit problème dont les astrophysiciens sont exonérés : chacun entend bénéficier des avancées de la médecine ; il estime même y avoir droit. S’il vit en France, il invoque la garantie constitutionnelle. Aussi bien faut-il, dans une seconde phase, organiser les retombées concrètes de ces conquêtes, en organiser la redistribution à tous ceux qu’elles concernent. Et ça, c’est une autre affaire…
Cette affaire, si je puis dire, Didier Tabuteau nous l’expose, avec une précision qui se devait d’être… chirurgicale, en une série de chapitres dans lesquels je verrais volontiers des « tableaux » au sens théâtral du mot.
Un coup d’œil de poisson volant sur notre politique de santé permet de distinguer, au moins approximativement, les démarches multiformes relevant de l’hygiénisme, le service public hospitalier, l’assurance-maladie. Se rapproche-t-on, le triptyque se fait manteau d’Arlequin et sous ce manteau tout devient de plus en plus complexe : parfois de vrais labyrinthes. Mais Didier Tabuteau en a les clés. À la manière du joueur de flûte du conte allemand, il entraîne les audacieux qui ont le courage – il en faut… – de le suivre. Attention : il n’attend pas, il court sur la pointe des mots ! Mais c’est un guide sûr, d’autant plus sûr que c’est à l’État que revient le leadership du système : il y est présent presque partout, à tous les étages, dans tous les coins. Voilà qui comble d’aise notre auteur : grand spécialiste de droit public, il est chez lui dans l’univers des lois et des décrets. Habile à taquiner la norme, il sait l’ouvrir comme une noix, la décortiquer, la traduire, passer de l’illisible au gai savoir, cette alchimie dans laquelle on reconnaît les vrais maîtres : n’oublions pas que notre publiciste occupe à Sciences Po une chaire « Santé » qu’il a rendue prestigieuse.

– I –
Par des prescriptions collectives à destination anonyme, l’hygiénisme participe de la politique de la santé, sur le mode préventif. C’est peut-être lorsqu’il en esquisse l’histoire, peu connue, que le professeur Tabuteau est le plus écouté : il sait en faire une épopée, depuis les mises en quarantaine des vaisseaux suspectés d’apporter la peste, en passant par l’installation tumultueuse des tout-à-l’égout, jusqu’aux dernières péripéties de la lutte contre le tabagisme. Histoire qui ne connaît aucun repos 2 .
Ses héros ne sont pas oubliés. Woody Allen… pardon ! Didier Tabuteau sait les faire descendre miraculeusement des plaques des rues qui portent leur nom, trop souvent oublié, et leur redonne nouvelle vie. Bonjour monsieur Villermé, bonjour monsieur Chaptal… Mais reconnaîtraient-ils les chemins qu’ils ont ouverts ?
Le paysage, en effet, s’est profondément modifié. La volonté de protéger la santé publique se manifeste aujourd’hui de mille façons que l’on finit par ne même plus apercevoir tant elles se sont insérées dans nos vies quotidiennes : inscription de la date de péremption sur les produits alimentaires, règlements intérieurs des piscines publiques, prescriptions relatives aux cantines scolaires, aux maisons de retraite, etc., sans parler d’un Himalaya de dispositions relatives à l’hygiène et à la sécurité au travail, dispositions dopées par des jurisprudences extrêmes. Knock ou le Triomphe de la médecine … Aujourd’hui le triomphe de l’hygiénisme ? Certains préféreront parler d’impérialisme, en dénonçant un intolérable siphonage des libertés individuelles… Liberté, liberté chérie…
Au-delà de cet éternel débat, deux questions :
– Les concepts perdant généralement en précision ce qu’ils gagnent en élargissement, cette extension n’entraîne-t-elle pas une sorte de dilution de la notion même d’hygiénisme ? Ce concept est-il aujourd’hui utilisable ?
– D’autre part, n’y a-t-il pas quelque contradiction entre cette extension illimitée et les perspectives tracées par la grande loi Kouchner de 2002 sur les droits des malades ?
Cette loi – que nous retrouverons plus loin – exige que le malade, dûment informé, reste libre d’accepter ou de refuser des soins qui lui sont proposés. Tant que l’hygiénisme reste sur le terrain d’une seule information relative aux incidences de tel ou tel comportement sur la santé, cette démarche informative s’harmonise parfaitement avec celle, personnalisée, exigée par la loi Kouchner. Par contre un certain malaise surgit lorsque l’hygiénisme assortit ses prescriptions d’une sanction : « Vous serez puni si vous ne respectez pas telle prescription préventive ; mais si, par la suite, l’irrespect de cette prescription a entraîné dégradation de votre santé, libre à vous de refuser de vous faire soigner, c’est votre droit. » Autrement dit, vous n’avez pas le droit de prendre le risque de tomber malade, mais vous avez celui de le rester… En amont, réduction des libertés ; en aval consécration d’une liberté nouvelle sur le même terrain… «