Abolition de la conscience en civilisation marchande, règne de la valeur
340 pages
Français

Abolition de la conscience en civilisation marchande, règne de la valeur , livre ebook

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Description

La conscience ne nous est pas donnée a priori : il nous revient de l'édifier en nous. Descartes, Kant et Fichte ont tracé le chemin. Mais les penseurs aujourd'hui affirment qu'il n'est rien en nous au-delà du visible, de l'évident. La recherche de l'humain en nous est rejetée comme métaphysique voire subversif de l'ordre. Cet ordre marchand est celui de la valeur, notre seule mesure.

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Date de parution 15 mai 2017
Nombre de lectures 8
EAN13 9782140037405
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

Philippe Riviale
Philippe Riviale
ABOLITION DE LA CONSCIENCE EN CIVILISATION MARCHANDE, RÈGNE DE LA VALEUR
ABOLITION DE LA CONSCIENCE EN CIVILISATION MARCHANDE, RÈGNE DE LA VALEUR
OUVERTUREPHILOSOPHIQUE
ABOLITION DE LA CONSCIENCEEN CIVILISATION MARCHANDE, RÈGNE DE LA VALEUR
Ouverture philosophique Collection dirigée par, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions, qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions HyeJeong SEO, Paul Ricœur,Image de Dieu: Rédemption et Eschatologie, Tome 2, 2017. HyeJeong SEO, Paul Ricœur,Image de Dieu: Origine et déchéance, Tome 1, 2017. Dimitra PANOPOULOS,L’hypothèse platonicienne, 2017. Hans COVA,Pour une approche stratégique des espaces politiques, Essai de philosophie politique, 2017. Tristan VELARDO,Georges Palante, La révolte pessimiste, 2017. Robert TIRVAUDEY,Apprendre à penser avec Marc Aurèle,2017. Xavier LAMBERT (dir.),Action, énaction. L’émergence de l’œuvre d’art, 2017. Alessia J. MAGLIACANE,Zéro. Révolution et critique de la raison. De Sade et Kierkegaard à Adorno et Cavell, 2017. Olivier NANNIPIERI,Du réel au virtuel. Les paradoxes de la présence, 2017. Miklos VETÖ, Pierre de Bérulle.Les thèmes majeurs de sa pensée,2016.
Philippe Riviale Abolition de la conscience en civilisation marchande, règne de la valeur
© L’HARMATTAN, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr/ ISBN : 978-2-343-12039-3 EAN : 9782343120393
L’auteur du présent ouvrage a voulu proposer non pas une leçon à ap-prendre, une encyclopédie du juste et du vrai ; moins encore une réflexion réservée à l’élite pensante, mais une invitation auSelbstdenken, à la pensée menée par chacun. Fichte parle du dangereux cadeau qu’est un livre sorti tout armé de l’esprit du philosophe nanti, et lui seul, de la capacité de penser. Cependant il est une condition requise pour la pensée autonome. Celui qui entend s’y livrer doit se débarrasser des préjugés, des idées admises par rou-tine : existence mode d’emploi ; mais non pas comprises par lui selon ses moyens propres. Il doit se garder de croire qu’il possède d’avance une opinion vraie ; plus encore doit-il se prémunir contre l’idée sophistique que toutes les opinions sont possibles, équivalentes, et qu’à chacun sa vérité. La pensée libre, ainsi que la liberté même, sont choses inquiétantes. Elles le sont par leur es-sence : n’allons-nous pas au-devant de l’inconnu, du danger en nous aventu-rant, en esprit surtout : car en nous l’esprit est faible et cherche réconfort. Or il est des temps où ce réconfort nous est asséné comme un tranquillisant, un somnifère même. Alexis de Tocqueville l’avait fort bien analysé : dans un temps d’individualisme, chacun craint si fort les autres, comme un enfant pol-tron, qu’il souhaite un despote, mais doux. Soyons rassurés ; nous l’avons. Alors, philosophons ! La pensée que l’on qualifie de philosophique doit être conduite par des règles, tout comme les mathématiques. La différence est complète pourtant, puisque celles-ci étudient un objet abstrait, qui n’a pas be-soin de répondant dans ce que l’on nomme, bien légèrement,la réalité. La philosophie a l’obligation de poser les questions par lesquelles doit passer le raisonnement, même si elle ne fournit pas les réponses. Cela ne signifie pas qu’elle n’est qu’une méthodologie ; disons qu’elle n’en est pas du tout, cela évitera des malentendus. La pensée philosophique se passe des statistiques, des fonctions (même gaussiennes) et du calcul intégral (les économistes en font grand usage ; c’est bien ; il faut se rendre utile à quelque chose). Elle demande tout de même l’esprit de géométrie (c’est Platon qui l’a dit, bien avant moi) ; ce qui évite bien des discours bourbeux et des considérants ineptes.Vermessen, présumer de ses forces, dont parle Kant dans laCritique de la faculté de juger, est repris par Fichte dans sesConsidérationsde 1793 dont je vais parler ici : « Nous faisons entre autres choses usage de l’histoire pour admirer la sagesse de la Providence dans la réalisation de son sublime 1 dessein. Cela est faux ! Vous ne voulez qu’admirer votre propre subtilité . » L’objet qui donne le thème à la présente étude est la conscience et son abolition ; la recherche de l’humain en nous et son abandon au profit de l’in-dividu tout fait, toujours neuf et jamais usé ; qui n’est pas infecté par le mal 1 Johann Fichte,Considérations pour rectifier le jugement du public sur la Révolution fran-çaise, 1793.
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qui du fond de l’humain cherche à se faire jour. Allons ! chacun dispose d’une conscience ! Pourquoi s’embarrasser de dire ce qu’elle est ? Parce qu’il n’est pas de consciencea priori, mais une obligation de rechercher qui nous sommes, nous-mêmes ; afin de donner jour à ce qui nous rend libres. Poser une conscience déjà faite, c’est poser une évidence illusoire ; une mystifica-tion où l’on nous dit, pour nous alléger l’existence, que chacun peut, dans son bon sens et en utilisant les informations qu’on lui fournit, en s’en tenant aux faits, comprendre le monde dans lequel il vit, et juger à bon droit des torts et des raisons, du bien et du mal. J’ai de bonnes raisons de me croire libre ; donc je suis libre ! De bons auteurs nous ont appris cela, sous la bannière de la civilisation marchande, également dénommée société libre. Le discours de la réalité positive, la chose en soi, au sein de laquelle nous, individus, jugeons et sommes jugés en valeur, selon des valeurs, a détruit l’obligation en nous d’éla-borer une conscience, qui n’est en riena priori. Il nous faut d’abord reconnaître que, dans notre existence, nous trouvons sans chercher des repères aisés ; on nous affirme que la conscience est là ; que les idées y sont aussi, sans effort de notre part. Voilà une tragique illusion. Chacun selon son expérience peut s’en rendre compte par lui-même. Je ne prendrais qu’un exemple : nous subissons actuellement une affirmation, qui vient de nos lettrés, péremptoire ou contournée, selon laquelle la Révolution française fut un horrible échec. Quoi, me dira-t-on, nous subissons ? Non pas ; nous en convenons tout à fait ! C’est là ce que je redoute. Rien n’est plus aisé que la mystification ; et celle-ci est de taille. Elle prend sa source dans le vaste et tranquille courant de pensée ditlibéral, mais qu’on nommerait plus juste-mentnégationniste: non, il n’est pas de genre humain. Non, il n’y a rien en l’homme à découvrir, en plus de ce que nous utilisons déjà. Non, il est impos-sible d’affirmer dans les faits l’universalité des droits humains sans provoquer d’affreuses catastrophes ! Oui, il y a suffisamment de gens libres (libres abso-lument) pour garantir la liberté ! Je remarquerai seulement que j’ignore quand et où l’universalité des droits humains a été proclamée et mise en pratique. Là est la pierre d’angle de cette question ; que dire de la conscience (et je ne parle pas même de liberté de conscience, expression dont le sens m’échappe complètement) si nous ne pou-vons pas seulement reconnaître en l’autre humain un être conscient, qui, selon la nature (la sienne, originaire) a le même droit à la vie que moi ? Je ne parle pas ici de droit naturel ou autre oxymore ; il n’est bien sûr pas de droit naturel. La raison en est fort simple : un tel droit suppose les hommes conformes à leur nature, non pas originaire (dans les lois de nature ne saurait figurer undroit) mais la nature qu’il est en eux d’atteindre ou du moins celle vers laquelle il est de leur destination de tendre. Voici, dira-t-on, une déclaration de guerre,
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et d’autant plus risible que nos savants ont réfuté tous ces mythes de l’homme perfectible. Mieux, les abominations du vingtième siècle ont démontré irréfu-tablement à quels crimes aboutissaient les prétentions à produire un homme meilleur. Si je prends la peine de répondre aux bien-pensants, c’est qu’ils font auto-rité dans cette civilisation marchande où la pensée se vend : tel prix, telle va-leur. Ces docteurs en pensée la produisent pour toutes les tailles, de cuistre garçonnet à penseur de salon. Nous n’opposons pas à leurs anathèmes des théories de l’amélioration de l’espèce, utopies ou loi divines ; mais le moyen de fonder entre les hommes une relation libre ; celle-ci ne peut être sans re-connaissance de l’autre comme un autre moi, et y parvenir implique, de né-cessité, que chacun fasse l’effort d’aller vers ce qui est en lui, mais qu’il ne tient qu’à lui d’étouffer, comme un nouveau-né sous l’oreiller. Les bonnes raisons de croire et faire croire qu’il n’est rien, sauf de mauvais et dangereux, à rechercher en nous, sont édictées par le désir de la servitude volontaire mis en forme et orchestré par les maîtres chanteurs de la doxa savante. Il nous faut pourtant renoncer à quelques illusions ; non pas les nôtres, mais celles qu’entretinrent des gens, bien ou mal intentionnés, autour de mots de confection, de grande surface même ; ainsi de lalibération(des mœurs, des interdits, etc.), qui succéda auprogrès, lorsque les effets de ce dernier eurent été suffisamment désastreux. Je veux en somme parler de la substitution de l’être-objet à l’être-acte en nous; du déni pur et simple qu’il nous appartient de rechercher en nous-mêmes et non dans les objets du monde le sens de notre vie. L’intelligence, que nous tenons de cela par quoi nous avons été mis au monde, ne nous est pas d’abord un moyen d’obtenir ce que nous croyons que veulent les autres, mais bien l’instance parfois douloureuse par laquelle s’éveille en nous l’âme ; car nous avons entièrement subverti la notion de va-leur, en déniant l’acte, par lequel l’individuel cherche à atteindre l’universel, c’est-à-dire la subjectivation des objets que nous prenons en compte. Nous avons oublié la leçon de Descartes, ou faisons semblant ; car si l’idée de per-fection est en nous, c’est qu’il est une perfection, cependant hors de notre at-teinte. “ Quand je dis qu’il me semble que cela {les idées qui me viennent à l’esprit} m’est enseigné par la nature, j’entends seulement par ce mot de na-ture une certaine inclination qui me porte à croire cette chose, et non pas une lumière naturelle qui me fasse connaître qu’elle est vraie : or ces deux choses 2 diffèrent beaucoup entre elles .” Ainsi n’ai-je aucune faculté de connaître le vrai ni de le séparer du faux ; ainsi d’autre part existe-t-il peut-être en moi une puissance qui me fait croire
2 e Descartes,Méditations métaphysiquesméditation, p. 58., PUF, 1956, 3
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