Autour des oeuvres de Georges Chapouthier et Florence Burgat
110 pages
Français

Autour des oeuvres de Georges Chapouthier et Florence Burgat , livre ebook

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110 pages
Français

Description

Comment penser et décrire l'animal aujourd'hui ? Faut-il insister sur l'identité homme-animal, au point de supprimer toute différence ? Doit-on maintenir un propre de l'homme et si oui, lequel ? Comment éviter les travers de l'anthropocentrisme ? Que faire – et ne pas faire – aux animaux, et au nom de quoi ? Georges Chapouthier et Florence Burgat travaillent depuis longtemps ces questions, d'une manière qui déplace nos (pré)conceptions...

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Date de parution 01 octobre 2013
Nombre de lectures 5
EAN13 9782336326979
Langue Français

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Extrait

Coordonné par Stanislas Deprez
Autour des œuvres de Georges Chapouthier et Florence Burgat
Biologie de l’homme et phénoménologie des animaux
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Autour des œuvres de Georges Chapouthier et Florence Burgat
Ouvrage coordonné par Stanislas DeprezAutour des œuvres de Georges Chapouthier et Florence BurgatBiologie de l’homme et phénoménologie des animaux
© L'Harmattan, 2013 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-01631-3 EAN : 9782343016313
Introduction : comment penser le rapport homme-animal ? 1 Par Stanislas Deprez L’anthropologue Marshall Sahlins faisait remarquer dans un petit livre paru il y a quelques années que si beaucoup de cultures considèrent que les animaux sont au fond des humains, nous autres Occidentaux pensons que les humains sontin fine2 des animaux . La dichotomie nature-culture reste la matrice de notre pensée, et conditionne encore un autre dualisme dont nous peinons à nous extraire alors même que nous en voyons avec évidence les écueils, je veux parler de l’opposition entre l’esprit et le corps. Il y a belle lurette que nous avons rejeté le dualisme cartésiendont Jean-Luc Guichet a rappelé dernièrement qu’il est sans doute davantage le fait de Malebranche que de 3 Descartes lui-même, sous les coups de boutoir des philo-sophes (Spinoza, La Mettrie, Nietzsche...). La biologie, la neu-robiologie, la paléoanthropologie et l’éthologie ont mis en lumière depuis bien longtemps la naturalité de l’homme, et plus 4 récemment la culturalité de bien des animaux . Et pourtant nous continuons à nous débattre avec ces dualités, peinant à tracer de nouvelles frontières, à défendre les anciennes ou à les supprimer toutes.
Pour certains (Pascal Picq, Guillaume Lecointre, Jean-Marie Schaeffer), l’arbre de l’évolution doit être remplacé par un buisson où toutes les espèces sont au même niveau hiérarchique,
1 Stanislas Deprez est docteur en philosophie et maître en sociologie. Il enseigne à l’Université Catholique de Lille. Spécialiste de Lucien Lévy-Bruhl, auquel il a consacré sa thèse de doctorat, il a notamment publiéMircea Eliade : la philosophie du sacré, Paris, L’Harmattan, 1999 etLévy-Bruhl et la rationalisation du monde, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010. Il a codirigéL’homme, une chose comme les autres?Exploration interdiscipli-naire de la frontière homme-chose, Paris, L’Harmattan, 2012.2 Marshall Sahlins,La nature humaine, une illusion occidentale, Paris, Éditions de l’éclat, 2009 (2008 pour l’éd. originale américaine), p. 7-8. 3 Jean-Luc Guichet,Problématiques animales. Théorie de la connaissance, anthropologique, éthique et droit, Paris, PUF-CNED, 2011. 4 Voir Dominique Lestel,Les origines animales de la culture, Paris, Flammarion, 2001. 7
l’homme étant un lombric comme les autres. Face à cet égalitarisme des espèces, d’autres auteurs jugent d’autant plus important de maintenir une séparation entre l’homme et l’animal: recours à une création divine directe de chaque âme humaine (le neurobiologiste et prix Nobel de médecine John Eccles), survenue de l’humain comme arrachement moral à la nature animale (le philosophe kantien Luc Ferry, le philosophe et théologien nietzschéen Paul Valadier)... Sans statuer sur la pertinence ou l’impertinence des positions en présence, reconnaissons que la frontière homme-animal, jadis nette, est aujourd’hui brouillée.
Comment penser et décrire l’animal aujourd’hui? Faut-il insister sur l’identité homme-animal, au point de supprimer toute différence ? Au contraire, doit-on maintenir un propre de l’homme –biologique, langagier, moral lequel :  mais ? au risquede perdre l’inscription dans le paradigme évolutionniste? Une possibilité, évoquée par Jean-Luc Guichet, consisterait à partir de la part animale en nous pour comprendre les animaux. Mais cette solution déplace la frontière sans solutionner le problème: il s’agit alors de voir ce qui en nous est animal et ce qui est humain (par exemple, Luc Ferry ne songe nullement à nier notre naturalité, mais à ses yeux c’est la culture et singulièrement l’exigence éthique universelle qui font l’hu-main). Une autre piste, empruntée par la philosophie de l’environnement, consiste à se focaliser sur la relation que nous entretenons avec les animaux. Pour Hans Jonas par exempleque j’amalgame peut-être hâtivement à la philosophie de l’environnement –les autres animaux importent dans la mesure où ils forment, avec les végétaux, le monde nécessaire à la vie de l’espèce humaine. Le risque de cette approche, on l’aura compris, est de ne considérer les animaux qu’à l’aune des préoccupations humaines. La vache et le coquelicot n’ont de valeur que rapportée à l’humanité. Peut-on vraiment se satis-faire de cet anthropocentrisme ? Mais est-ilpossible de s’en départir ? On l’entrevoit avec la philosophie de l’environnement, l’un des enjeux majeurs de ces questions est éthique. En effet, nos conceptions de l’animal conditionnent nos actions. Comment 8
déterminer nos représentations pour que nos pratiques soient meilleures ? Ce pragmatisme suppose en outre que nous sachions ce que sont les pratiques les meilleures ; question elle-même tributaire de nos conceptions. Toutefois, la circularité entre représentations et pratiques ne doit pas être prétexte à éluder la réflexion. Que faireet ne pas faireaux animaux, et au nom de quoi ?
Cette éthique de l’animal (au sens objectif du génitif: éthique humaine vis-à-vis de l’animal) éclaire l’humain: quels sont ces hommes qui s’autorisent telles conduites sur les animaux ? Les questions morales rejaillissent immédiatement : si on se permet d’user de violence à l’encontre des animaux, disent leurs défenseurs, qu’est-ce qui empêche de faire du mal à l’homme? A moins que ce ne soit le contraire, comme le soutiennent certains partisans de l’éthique «pourclassique », qui la préoccupation pour l’animal serait une excuse commode pour se dispenser d’éthique envers l’homme. Ce à quoi on 1 pourrait notamment objecter, à la suite de Jocelyne Porcher , que l’industrie agro-alimentaire déshumanise ses ouvriers au rythme de la chosification des veaux, vaches, cochons et autres poulets qui tombe dans ses rets.
Georges Chapouthier et Florence Burgat travaillent depuis longtemps ces questions, et d’une manière qui déplace nos (pré)conceptions. Si les deux auteurs se rejoignent sur le fait de déclarer possible la compréhension du vécu animal par l’humain, leurs approches sont complémentaires, ce qui suppose une part de divergence, toujours propice à la réflexion. Georges Chapouthier envisage l’homme à partir de la biologie et de la neurobiologie : comme un animal spécifique, plus développé que les autres animaux par certains aspects. S’appuyant notamment sur les approches offertes et les outils forgés par la phénoménologie, Florence Burgat suit une autre direction : penser les animaux pour eux-mêmes, sans les rapporter aux
1 Jocelyne Porcher, « Les éleveurs et leurs animaux »inJean-Paul Engélibert, Lucie Campos, Catherine Coquio et Georges Chapouthier (dir.),La question animale. Entre science, littérature et philosophie, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, p. 123-134. 9
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