Essai sur le libre-arbitre
88 pages
Français

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Essai sur le libre-arbitre , livre ebook

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Description

Dans une question aussi importante, aussi sérieuse et aussi difficile, qui rentre en réalité dans un problème capital de la philosophie moderne et contemporaine, on conçoit la nécessité d’une exactitude minutieuse, et, à cet effet, d’une analyse des notions fondamentales sur lesquelles roulera la discussion.Le concept de la liberté, à le considérer exactement, est négatif. Nous ne nous représentons par là que l’absence de tout empêchement et de tout obstacle : or, tout obstacle étant une manifestation de la force, doit répondre à une notion positive.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346080748
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Arthur Schopenhauer
Essai sur le libre-arbitre
AVERTISSEMENT

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La dissertation dont nous donnons aujourd’hui la traduction fut écrite en 1838, à l’occasion d’un concours ouvert par l’Académie de Norvége 1 . Elle fait partie de l’Éthique de Schopenhauer, qui contient en outre une longue exposition des principes de sa morale. La dernière édition est précédée de deux préfaces, dirigées en grande partie contre l’Académie de Danemark, qui n’avait pas couronné cette seconde dissertation, et avait reproché assez vertement à l’auteur son intempérance de langage à l’égard de Fichie et de Hegel. ( Plures recentioris ætatis summos philosophos tam indecenter commemoravit, ut justam et gravem offensionem habeat.) Nous n’avons pas jugé utile de reproduire ces œuvres de polémique ; mais nous extrayons de la seconde préface les lignes suivantes, datées du mois d’août 1860, et qui sont significatives :
« J’ai fini par m’ouvrir une voie en dépit de la résistance de tous les professeurs de philosophie pendant de longues années conjurés contre moi, et les yeux du public éclairé s’ouvrent de plus en plus sur le compte des summi philosophi de l’Académie de Danemark. Si, pour quelque temps encore peut-être, de malheureux professeurs de philosophie qui se sont depuis longtemps compromis avec eux soutiennent leur drapeau avec des forces défaillantes, ils sont cependant bien tombés dans l’estime publique, et Hegel notamment s’achemine à grands pas vers le mépris réservé à son nom auprès de la postérité.... Que nos professeurs de philosophie allemands aient considéré le contenu des dissertations que je réimprime ici comme ne méritant aucuns égards, bien loin qu’elles soient dignes d’un examen sérieux, c’est ce que j’ai déjà reconnu ailleurs 2 , et cela va du reste de soi. Comment donc de hauts esprits de cette nature devraient-ils faire attention à ce que de petites gens comme moi écrivent ? De petites gens, sur lesquels, dans leurs écrits, ils daignent à peine jeter en passant et de haut en bas un regard de mépris et de blâme ! Oui, ce que je produis ne les regarde pas : qu’ils restent cloîtrés dans leur libre arbitre et dans leur loi morale.... car ce sont là, ils le savent bien, des articles de foi.... Aussi méritent-ils tous d’être créés d’un seul coup membres de l’Académie de Danemark. »
1 Voici l’énoncé de la question mise au concours par l’Académie Royale de Norvège : «  Num liberum hominum arbitrium e suî ipsius conscientiâ demonstrari potest ?  » En français : « Le libre arbitre peut-il être démontré par le témoignage de la conscience ? » Le prix fut décerné à la dissertation de Schopenhauer ( à Trondhiem, le 20 Janvier 1839 ).
2 « Le seul talent de ces gens-là (les professeurs de philosophie), et leur arme unique contre la vérité et le talent, c’est de se taire, de ne pas desserrer les dents. Dans aucune de leurs innombrables et inutiles productions publiées depuis 1841, il n’y a un seul mot consacré à mon Éthique, quoiqu’elle soit sans contredit ce qui s’est fait de plus important en morale dans ces soixante dernières années... Zitto, Zitto, pour que le public ne s’aperçoive de rien, telle est, et telle reste toute leur politique. La pitoyable peur qu’ils ont de mes écrits n’est que leur crainte de la vérité. » (Dissertation sur la Quadruple Racine du Principe de Raison Suffisante, 3 e édition, 1875). Ailleurs, dans le même ouvrage, Schopenhauer s’exprime avec une confiance dont témoigne déjà l’épigraphe de l’Éthique : Mεγάλη ·λ άλήθεία, xαὶ ὑπρίσχυεί. a Le lecteur qui ne s’intéresse point à la chose peut, s’il le veut, laisser passer intact à ses petits-fils ce livre, comme tout le reste de mes écrits. Moi, je m’en soucie peu : car je ne suis pas là pour une seule génération, mais pour un grand nombre.  » Et plus loin : a Les professeurs de philosophie ne veulent rien apprendre de moi, et ne reconnaissent point combien de choses j’aurais à leur enseigner : à savoir, tout ce que leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants apprendront de moi un jour. »
CHAPITRE PREMIER
DÉFINITIONS
Dans une question aussi importante, aussi sérieuse et aussi difficile, qui rentre en réalité dans un problème capital de la philosophie moderne et contemporaine, on conçoit la nécessité d’une exactitude minutieuse, et, à cet effet, d’une analyse des notions fondamentales sur lesquelles roulera la discussion.
1° QU’ENTEND-ON PAR LA LIBERTÉ ?
Le concept de la liberté, à le considérer exactement, est négatif. Nous ne nous représentons par là que l’absence de tout empêchement et de tout obstacle : or, tout obstacle étant une manifestation de la force, doit répondre à une notion positive. Le concept de la liberté peut être considéré sous trois aspects fort différents, d’où trois genres de libertés correspondant aux diverses manières d’être que peut affecter l’obstacle : ce sont la liberté physique, la liberté intellectuelle. et la liberté morale. 1° La liberté physique consiste dans l’absence d’obstacles matériels de toute nature. C’est en ce sens que l’on dit : un ciel libre (sans nuages), un horizon libre, l’air libre (le grand air), l’électricité libre, le libre cours d’un fleuve (lorsqu’il n’est plus entravé par des montagnes ou des écluses), etc.... 1 Mais le plus souvent, dans notre pensée, l’idée de la liberté est l’attribut des êtres du règne animal, dont le caractère particulier est que leurs mouvements émanent de leur volonté, qu’ils sont, comme on dit, volontaires, et on les appelle libres lorsqu’aucun obstacle matériel ne s’oppose à leur accomplissement. Or, remarquons que ces obstacles peuvent être d’espèces très-diverses, tandis que la puissance dont ils empêchent l’exercice est toujours identique à elle-même, à savoir la volonté ; c’est par cette raison, et pour plus de simplicité, que l’on préfère considérer la liberté au point de vue positif. On entend donc par le mot libre la qualité de tout être qui se meut par sa volonté seule, et qui n’agit que conformément à elle, — interversion qui ne change rien d’ailleurs à l’essence de la notion. Dans cette acception toute physique de la liberté, on dira donc que les hommes et les animaux sont libres lorsque ni chaînes, ni entraves, ni infirmité, ni obstacle physique ou matériel d’aucune sorte ne s’oppose à leurs actions, mais que celles-ci, au contraire, s’accomplissent suivant leur volonté.
Cette acception physique de la liberté, considérée surtout comme l’attribut du règne animal, en est l’acception originelle, immédiate, et aussi la plus usuelle ; or, envisagée à ce point de vue, la liberté ne saurait être soumise à aucune espèce de doute ni de controverse, parce que l’expérience de chaque instant peut nous en affirmer la réalité. Aussitôt, en effet, qu’un animal n’agit que par sa volonté propre, on dit qu’il est libre dans cette acception du mot, sans tenir aucun compte des autres influences qui peuvent s’exercer sur sa volonté elle-même. Car l’idée de la liberté, dans cette signification populaire que nous venons de préciser, implique simplement la puissance d’agir, c’est-à-dire l’absence d’obstacles physiques capables d’entraver les actes. C’est en ce sens que l’on dit : l’oiseau vole librement dans l’air, les bêtes sauvages errent libres dans les forêts, la nature a créé l’homme libre, l’homme libre seul est heureux. On dit aussi qu’un peuple est libre, lorsqu’il n’est gouverné que par des lois dont il est lui-même l’auteur : car alors il n’obéit jamais qu’à sa propre volonté. La liberté politique doit, par conséquent, être rattachée à la liberté physique.
Mais dès que nous détournons les yeux de cette liberté physique pour considérer la liberté sous ses deux autres formes, ce n’est plus avec une acception populaire du mot, mais avec un concept tout philosophique que

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