L éternel dans le fini
266 pages
Français

L'éternel dans le fini , livre ebook

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266 pages
Français

Description

Autrefois, Maître Eckhart enseigna que le divin est en nous. Puis vint Simone Weil : mieux vaut, dit-elle, ne pas croire en Dieu que prétendre le connaître, pis encore lui parler. Il est en nous une liberté absolument inconditionnée, sans esprit de puissance ni de restitution, qui mène à la découverte du divin dans le moi, à l'instant où le moi s'efface et s'offre à l'être qui l'accueille. La vie tient en nous : ni illusion ni superstition ; ni élection ni châtiment.

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Date de parution 01 février 2013
Nombre de lectures 27
EAN13 9782296529977
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

Philippe Riviale
L’ÉTERNEL DANS LE FINI Rencontre de Maître Eckhart et de Simone Weil
ouverturephilosophique
L’éternel dans le fini Rencontre de Maître Eckhart et de Simone Weil
Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions Norbert HILLAIRE,La fin de la modernité sans fin, 2013. Jean-Pierre GRES,La démocratie et le vivant. Un système à l’épreuve des hommes, 2012. François HEIDSIECK,L’Ontologie de Merleau-Ponty (réédition), 2012.María PUIG de la BELLACASA,Politiques féministes et construction des savoirs, 2012. Pascal KOLESNORE,: éclairagesHistoire et liberté kantiens, 2012. Mahamadé SAVADOGO,Penser l’engagement, 2012 Françoise KLELTZ-DRAPEAU,Une dette à l’égard de la culture grecque. La juste mesure d’Aristote, 2012. Julien GARGANI,Poincaré, le Hasard et l’étude des Systèmes Complexes, 2012. Jean-Pascal COLLEGIA,Spinoza, la matrice, 2012. Miklos VETÖ,Explorations métaphysiques, 2012. Marcel NGUIMBI,Penser l’épistémologie de Karl Popper, 2012.Joachim Daniel DUPUIS,Gilles Châtelet, Gilles Deleuze et Félix Guattari. De l’expérience diagrammatique, 2012. Oudoua PIUS,Humanisme et dialectique. Quelle philosophie de l’histoire, de Kant à Fukuyama ?, 2012. Paul DAU VAN HONG,Paul Ricœur, le monde et autrui, 2012.
Philippe Riviale
L’éternel dans le fini Rencontre de Maître Eckhart et de Simone Weil
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-00172-2 EAN : 9782343001722
En attendant, ô nous peuples des diverses nations, travail-lons de toutes nos forces à ne recevoir plus rien des prédica-tions de vive voix ou par écrit de la philosophie prétendue de ces ennemis visibles de Dieu notre créateur, qui sont les véritables marchands, les grands et les chefs de l’impudique 1 cité de Babylone .
Quelle idée nous faisons-nous du sens de l’existence ? Force est de dire que nous en avons une idée très confuse, voire pas d’idée du tout. Avons-nous conscience que ce sens tourmenta nos ancêtres ? Qu’ils se livrèrent à d’infinies spéculations pour savoir ce qui passait leur entendement ; que des paroles inspirées et d’autres autorisées, furent livrées à l’inquiétude, à l’interrogation de croyants et d’incroyants ; qu’il fut débattu de la mission de l’homme, du devoir de convertir plus encore que de civiliser ; que les philosophes, enfin, débattirent passionnément de Dieu, de la foi, de la connaissance qu’il nous est donné d’avoir de Dieu, du bien et du mal, de leurs règnes conjoints, de la morale nécessaire, de l’éradication du mal par le progrès, pris aussi bien comme progrès social que progrès scientifique. Les sciences sociales positivistes, inspirées de la social science anglo-saxonne ont occupé la place, grandement aidées par les philosophies dites de l’existence et, de façon remarquable, par Martin Heidegger, qui a donné un grand coup de faux dans l’extravagance métaphysique. Il avait certes été précédé par Husserl, et par Nietzsche d’abord ; mais après qu’il est passé, l’homme métaphysique est devenu une créature périmée. Les religions n’en
1.Ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous deviendrons,Pierre Fournié, Londres, 1801, p. 139.
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ont guère été touchées, parce que la misère est demeurée la même, mais le divin a été transféré au-delà de l’existence des hommes, du moins pour les penseurs patentés. Nul d’entre eux ne craint d’être foudroyé pour ses blasphèmes. Or nous simples humains avons en nous l’Éternel, la vocation de l’infini ; nous sommes en puissance créateurs de sens et porteurs d’amour réciproque, d’humanité enfin. De quel péché devons-nous nous retirer pour le voir ? Si l’on nous arrache cette vocation, nous entrons dans un labyrinthe d’hétéro-clite ; si on nous contraint à y voir Dieu paternel terrible, rien ne peut retenir du fanatisme, terrible ou abject. Les hommes sont mortels ; sont-ils pour autant des êtres pour la mort ? Ils sont situés dans un infini et une éternité dont ils n’ont pas le sens, mais ils rayonnent comme les mortelles étoiles. À la différence des astres insensibles, ils se font du mal par leurs conflits, qui sont d’abord des conflits en chacun, reportés sur les autres pour rejeter la souffrance et acquérir de la place dans l’espace et le temps, à défaut d’être présents au monde. Je montre ici comment nos corps souffrants appellent un au-delà du donné du monde – ce terme sera expliqué – qui n’est ni ailleurs ni plus tard : si le divin est en nous, il n’est ni Être suprême ni illusion devenue superstition. Ce que nous nommons divin n’est pas une idée, ne saurait s’énoncer en théologie ; il ne s’agit ni de dire l’homme son propre dieu, ni de dire un dieu créateur omnipotent omniscient : Dieu n’est pas une idée 1 « forgée à partir des requêtes de notre esprit à titre de “concept-limite ” indispensable dans les discussions épistémologiques, un index indispensable pour construire certains concepts-limites, concepts dont l’athée philosophant 2 lui-même ne saurait se passer ». Il est en chacun un recoin de l’âme, dont a si bien parlé Eckhart, qu’il nous suffit de l’écouter pour l’entendre, si seulement nous en sommes capables. Car l’exigence métaphysique qui nous tient, de vouloir, d’agir, de choisir, nous confronte à l’irraisonnable, substantiellement nôtre, que nous avons de si loin cherché à rendre intelligible, à faire notre projet, notre lutte de titans. Nous voilà quittes à invoquer, par défaut de la réconciliation avec nous-mêmes, l’idée de divin érigée en juge providentiel, ou à la réfuter, au nom du progrès accompli dans l’histoire des hommes, sous l’appellation de mort de Dieu. L’Église invisible désigna à Tübingen, dans les années 1790, « l’alliance secrète des esprits éclairés », Hegel, Schelling,
1. Dieu n’est pas une construction intellectuelle par laquelle nous définirions un rapport de l’infini au fini, à l’image d’un rapport mathématique, quitend vers l’infini à sa limite. 2. Jean-Luc Marion,Dieu sans l’être, Paris, PUF, Quadrige, 1991 p. 51, note. Il se réfère à Husserl,Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie,I, § 43 & 79.
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Hölderlin. Le terme que j’emploie ne doit rien à cette alliance spirituelle : il n’est question ici ni « d’esprits éclairés », ni « d’alliance, ni de « secret » ; cet écrit d’un esprit égaré s’adresse aux esprits égarés, à ceux qui souffrent de la solitude spirituelle et qui, pour reprendre les mots de Gracchus Babeuf, «n’ont pas de secret ». C’étaient ceux déjà qu’évoquait Maître Eckhart : «J’ai parlé d’une puissance de l’âme. Cette puissance, dans sa première manifes-tation, ne saisit pas Dieu là où il est bon ; elle ne le saisit pas non plus là où il est vérité ; elle cherche plus loin et va jusqu’au fond et saisit Dieu dans son unité et dans sa solitude, elle saisit Dieu dans son désert et dans son propre 1 fond . » Maître Eckhart encore, se réfère à Augustin pour rappeler que ce qui se passera plus tard, Dieu l’a fait ; qu’il ne peut rien si quelqu’un ne comprend pas cela ; que celui-là s’aime trop ouvertement qui veut aveugler autrui pour que son propre aveuglement reste caché. Aux écrits de Heidegger et de Nietzsche, de Heidegger faisant parler Nietzsche, j’opposeraiL’exercice en christianisme et autres œuvresde Kier-kegaard,La positivité de la religion chrétienne, lesLeçons sur la religion et autres écrits datésHegel,W. F. , de G. Introduction à la lecture de Hegeld’Alexandre Kojève – auteur à part entière,Les problèmes fondamentaux de la phénoménologieetLa crise de la science contemporainede Husserl, L’athéisme dans le christianisme,Thomas Münzer & Droit naturel et dignité humaineBloch, et, à titre principal Maître Eckhart des d’Ernst Sermons, et Simone Weil bien sûr, spécialement sesCahiers, sesÉcrits de Londres et de Marseille, sesCahiers d’Amérique. D’autres auteurs non moindres seront appelés : Augustin d’Hippone et Irénée de Lyon fondateurs, Félicité de Lamennais, apôtre de la révolte, Heine, poète, Emmanuel Levinas. On n’évoquera ici les pères prêcheurs de toutes sortes, catholiques, protestants et surtout cuistres modernes, qu’en vue de les réfuter, car l’Église, posée comme incarnation de la religion, plus encore comme magistère en son nom, est étrangère à mon propos. Tant Potestas qu’Auctoritas me semblent avoir été assez réfutés par Spinoza dans sonTraité des autorités théologico-politiques. Reste à savoir ce que l’on entend par religion, tant l’espérance est mêlée à la crainte dans le sentiment religieux ou religiosité. La religion est en ce sens une réponse apportée, une signification consolante voire triomphante, ainsi des religions de l’élection : Dieu nous a choisis. On ne s’occupera guère ici du « retour des religions » ni du « désenchantement du monde », objets de nombreuses études, les unes savantes, les autres non et certaines, piteux
1. Maître Eckhart,Traités et sermons, préface de M. de Gandillac, Éditions d’Au-jourd’hui, 1978,Sermon», p. 167.In diebus suis placuit deo. Et inventus est justus 10 : « La seconde référence est tirée duLivre de la Consolation divine, III, p. 99.
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