L Horizon de la pensée poétique de Maria Zambrano
268 pages
Français

L'Horizon de la pensée poétique de Maria Zambrano , livre ebook

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268 pages
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Description

L'oeuvre de María Zambrano, témoin exceptionnel de certains des plus importants événements historico-culturels du XXe siècle, est l'une des plus remarquables contributions à la pensée contemporaine. Cet ouvrage se compose d'un certain nombre d'essais qui se rapportent, en premier lieu, à la particularité de l'écriture de Zambrano. Ils se concentrent, d'autre part, dans les caractéristiques qui font la singularité du mode de philosopher de l'auteur. Enfin, une partie de l'ouvrage est consacrée au dialogue que l'auteur entame avec les penseurs de son époque.

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Date de parution 01 février 2015
Nombre de lectures 52
EAN13 9782336368450
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

Sous la direction de Carmen Revilla
L’HORIZON DE LA PENSÉE POÉTIQUE DE MARÍA ZAMBRANO
L’HORIZON DE LA PENSÉE POÉTIQUE DE MARÍA ZAMBRANO
La Philosophie en commun Collection dirigée par Stéphane Douailler, Jacques Poulain, Patrice Vermeren  Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l'exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l'écriture. Les querelles engendrées par l'adulation de l'originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique.  Notre siècle a découvert l'enracinement de la pensée dans le langage. S'invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l'éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques, la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l'explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu'à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie.  Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l'argumentation, faisant surgir des institutions comme l'École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l'Institut de Philosophie (Madrid). L'objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d'affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement. Dernières parutions Zouaoui BEGHOURA,Critique et émancipation. Recherches foucaldiennes sur la culture arabe contemporaine, 2014. Jordi RIBA (dir.),L’effet Guyau, De Nietzsche aux anarchistes, 2014. Lucas GUIMARAENS,Michel Foucault et la dignité humaine, 2014. Luis Gonzalo FERREYRA,Philosophie et politique chez Arturo Andrés Roig. Vers une philosophie de libération latino-américaine (1945-1975), 2014.
Sous la direction de Carmen Revilla L’HORIZON DE LA PENSÉE POÉTIQUE DE MARÍA ZAMBRANO
Ce livre a été effectué dans le cadre du projet de recherche : «María Zambrano y el pensamiento contemporáneo» (FFI 2010-18483 ; Ministerio de Ciencia e Innovación. España).
© L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-05010-2 EAN : 9782343050102
Sommaire Présentation : « Le projet philosophique de María Zambrano » [Carmen Revilla Guzmán] ..................................... 7 1.- L’écriture de l’exil .................................................................. 15 1.1.- La confession, genre littéraire : l’écriture et la vie [Laura Llevadot] ............................................................. 17 1.2.-La constation à venir: Une critique de la raison discursive [Miguel Morey] ............................................. 33 1.3.- La nécessité d’écrire et l’alchimie de la pensée [Carmen Revilla Guzmán] ............................................ 49 1.4.- Images de la miséricorde : Dialogue entre María Zambrano et le cinéma européen d’après-guerre [Virginia Trueba] ............................................................ 69 2.- La femme dans l’histoire........................................................ 91 2.1.- Le problème du féminin dans la vocation philosophique de María Zambrano [Laura Llevadot] 93 2.2.- Images du sous-sol : les figures féminines dans Antigone[Rosella Prezzo].............................................. 113 2.3.- Pour une histoire desentrailles de l’histoire[Carmen Revilla Guzmán] ........................................... 129 3.- L’énigme de la création: la peinture......................................... 145 3.1.- María Zambrano etl’art qui fait voir[Rosa Rius Gatell] ......................................................... 147
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3.2.- Invitation à la peinture de Ramón Gaya [Miguel Morey] .............................................................. 163 3.3.-La loi de la présence et de la figure[Carmen Revilla Guzmán] ........................................... 179 4.- María Zambrano en dialogue avec la pensée contemporaine ............................................................................ 193 4.1.- Deux délires et deux destins : María Zambrano et Nietzsche [Goretti Ramírez] ....................................... 195 4.2.- Naufrage, inhospitalité, entrailles. María Zambrano face à Ortega et Heidegger [Ramón Rodríguez]....... 211 4.3.- Savoir et rationalité dans la pensée de María Zambrano [Sergio Sevilla]............................................ 239 Notice biobibliographique ....................................................... 255
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Présentation : « Le projet philosophique de María Zambrano »
Carmen Revilla Guzmán
L’œuvre de María Zambrano, témoin exceptionnel de certains des plus importants événements historico-culturels du e XX siècle, est l’une des plus remarquables contributions à la pensée contemporaine, d’où l’intérêt qu’elle suscite et qui ne cesse de s’accroitre provenant de multiples domaines. Sa capacité de s’adresser à toutes sortes de lecteurs est la preuve d’une vocation nettement « philosophique », qui contraste avec sa biographie, reliée de manière indiscutable à son mode de philosopher. Ainsi, elle affirme dans un texte de jeunesse que « la biographie d’un philosophe est son système ». Être philosophe s’avère donc un mode de vie consistant à ramener à l’unité de la pensée une épuisante et éparse rencontre avec le monde. En ce qui concerne Zambrano, sa biographie traverse e le XX siècle, elle nous est livrée comme une suite d’événements, d’expériences de moments de crise se succédant les uns après les autres, des moments de rupture et de transition, d’effondrement et de renouveau. Autant d’occasions de création et de genèse où la vie poursuit son mouvement de « transcendance », sa capacité à se dépasser permettant à l’être humain de « finir de naître », étant comme il l’est le seul être vivant dont la naissance reste « inachevée », en « projet », comme vont l’affirmer les philosophes contemporains. Étant persuadée que « le besoin qui nous pousse à 1 écrire est d’ordre vital, jamais littéraire » sa pensée, ainsi que son écriture, va constamment poursuivre l’épanouissement de l’être humain. Sa philosophie ne saurait s’inscrire dans une tradition où les enjeux philosophiques se déploient à l’intérieur de leur propre système, perdant de vue leur lien avec la vie,
1 Cf. M. Zambrano,La confesión: género literario, Madrid, Siruela, 1995, p. 25. 7
incapables d’apporter des réponses à ses demandes ; elle témoigne en revanche d’une vie riche en expériences, donnant lieu à une raison créatrice dont la capacité d’accueillir et de recevoir vont s’avérer ses caractéristiques fondamentales, une raison que nous allons pouvoir appeler « raison poétique ». Cependant, la philosophie représente justement le domaine où le lien entre la vie et la pensée reste le plus difficile : « Dès ses origines, la philosophie occidentale n’a pas inclus en elle-même les conditions et le mode de vie dont elle était issue. Elle ne l’a 2 pas considéré nécessaire » . Dès ses origines, elle a fait preuve du caractère ambigu qui a déterminé l’histoire de son développement. María Zambrano est tout à fait consciente de cet état de choses et tient ce point de départ comme problématique : « Dès ses origines, l’exigence de s’ériger toute seule n’a cessé d’accompagner la philosophie, ne tenant compte de tout ce dont elle avait besoin pour se développer. Cet autre s’est laissé engloutir par elle, ou, à son défaut, a été rejeté dans l’ombre, au-delà de sa clarté. C’est de la sorte que l’expérience de la vie a été scindée de la pensée, dont l’éclat sera lui-même à 3 son tour dévoré par quelqu’un » . Toute son œuvre est dirigée à récupérer ce domaine qui, dans l’ombre, sert de fondement et de nourriture à la pensée, telles des présences souterraines où s’enracine la vie de la pensée ; elle cherche à les pourvoir de parole, de la clarté suffisante à les rendre communicables, étant donné que « vivre comme un être humain repose sur la capacité de transmettre ». L’unité et la cohérence de son œuvre résident dans le choix que l’auteur a fait de placer dans un lieu privilégié toutes les possibilités dont relève l’être humain, de donner la priorité à ce qui germine dans l’ombre et qui patiente en attendant « d’être arraché au silence ». Dans ce sens-là, son mode de « philosopher » serait semblable au cours de la raison, qui descendrait au plus profond de la vie, à ses origines, afin de percer son mystère et le mettre en lumière, par la parole.
2 Ibidem,p. 14. 3 Cf. M. Zambrano,Notas de un método, Madrid, Mondadori, 1989, p. 15. 8
Zambrano nous propose une approche tournée vers un type de rationalité qui prendrait la forme d’une raison vitale, 4 attentive, accueillante, « maternelle » , narrative, médiatrice, enfin, poétique. Porteuse de sens, elle ferait parler le réel et, en particulier, ces niveaux du réel qui ont rarement l’occasion d’accéder à la parole. Voilà ce qui semblerait être la nouvelle tâche de la philosophie : alors qu’à l’origine le but de la philosophie fut de « faire surgir la raison », elle nécessite 5 désormais d’« entrer en réalité » , une réalité disparue au fur et à mesure que la raison s’est développée dans le monde occidental. Il s’agit là, donc, d’une tâche indispensable, rattachée à un moment historique de crise, où la surabondance du milieu duquel nous faisons partie nous voile l’horizon de 6 7 visibilité ; il s’agit également d’un état d’abandon dans lequel nous nous y trouvons, issu essentiellement de la perte de rapport avec la réalité elle-même. La raison poétique, son sens fondamental, se déploie en poursuivant un mouvement en spirale : elle descend jusqu’aux domaines les plus obscurs de la vie, là où l’accès à la conscience est à peine possible, c'est-à-dire, elle pénètre le domaine du sentir pour, de là, remonter à la lumière à travers un langage forgé à l’occasion pour exprimer cette expérience. Son mode de philosopher est avant tout une descente à ces « lieux secrets de l’être, ces lieux qui précieusement ont été appelés “les entrailles” ». Elle va devoir se heurter à un premier obstacle, lui 4  Zambrano s’approprie ce terme, qu’elle emploie pour se rapporter à Sénèque. 5 Cf. M. Zambrano, «La vida en crisis», dansHacia una saber del alma, Madrid, Alianza, 2000, p. 121 : « Lorsque nous avons touché à l’ivresse du délire, il nous faut nous réveiller, nous réveiller à nouveau. Le réveil de la philosophie fut tout d’abord atteindre “l’âge de raison”. Cependant, le réveil de l’ivresse de la raison se dit plutôt “entrer en réalité” ; il n’est question pour l’instant, peut-être, que de remémorer, faire de l’histoire, sauver l’expérience de ses tribulations ». 6 Cf. M. Zambrano, «El horizonte y la destrucción»,dansDiálogos, 11/4 (1975), recueilli dansAurora. Papeles del “Seminario María Zambrano”, nº6, Barcelona, 2004. 7 Cf. M. Zambrano,Persona y democracia, «Prólogo», Madrid, Siruela,1987 : « Il n’y a pas de crise, il y a, plus que jamais, de l’abandon ». 9
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