Le Philosophe amoureux
146 pages
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Le Philosophe amoureux , livre ebook

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Description

« Voici un roman philosophique qui fait écho à la vie du moins cartésien des philosophes français… René Descartes lui-même. Et qui nous plonge dans la passion amoureuse dont il a lui-même vécu et décrit les arcanes dans son admirable Traité des passions de l’âme. Dans ce drame de l’amour-passion, le lecteur reconnaîtra aussi la trame des Affinités électives de Goethe. Tout se joue entre quatre personnages qui sont comme les instruments d’un quatuor à corde où le philosophe Xavier Granier, gloire de la Sorbonne, tient la partie de violoncelle, confrontée au duo de violons que forment les jeunes amants Andréea et Nadia, avec, en guise de contrepoint, l’alto d’Hortense, épouse délaissée du maître. Et la musique de dérouler ses mouvements vers la paix d’une mort qui réconcilie l’Être et le Temps. On croit entendre La Jeune Fille et la Mort de Schubert, que Granier écoute sans relâche sur la terrasse de sa villa, face à l’océan où les mouettes plongent sans fin. » Jean-Didier Vincent. Marc Bélit a créé Le Parvis, scène nationale à Tarbes. Il a enseigné longtemps la philosophie et a publié en particulier Le Malaise de la culture, prix de l’Académie des sciences morales et politiques 2008. Le Philosophe amoureux est son premier roman. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 août 2013
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738175939
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

©  ODILE JACOB, AOÛT  2013
15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7593-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
« On déclame sans fin contre les passions ; on leur impute toutes les peines de l’homme et l’on oublie qu’elles sont aussi la source de tous ses plaisirs. »
Denis D IDEROT , Pensées philosophiques .

« Il arrive, que l’on préfère tellement la chose aimée à soi-même qu’on ne craint pas de mourir pour la conserver. »
René D ESCARTES .
Sommaire
Couverture
Titre
Copyright
1 - Nadia
2 - Au Louvre
3 - Granier
4 - Séminaire sur Les Passions de l’âme
5 - Suite du séminaire chez Granier
6 - Granier prend le train
7 - Nadia retrouve Granier
8 - Stockholm
9 - Nadia dort chez Granier
10 - Granier rencontre Mercier au Musée de l’homme
11 - Un printemps à Paris
12 - Granier dans le Médoc
13 - Au Trocadéro
14 - Crise de jalousie
15 - La soutenance
16 - L’été, le Pyla, Hortense
17 - Chanute le bouquiniste
18 - L’automne
19 - Mal au crâne
20 - La dispute
21 - La chute
22 - Nadia à Bologne
23 - La Salpêtrière
24 - Andréa
25 - Souvenirs
26 - Nadia
27 - Le visage d’Hortense
28 - Remords
29 - Venise
30 - Le comité de lecture
31 - La sortie du tunnel
32 - Retour à Paris
33 - Convalescence au Pyla-sur-Mer
34 - L’ombre d’un doute
35 - Fin d’hiver
36 - Épilogue
1
Nadia

Plus tard elle dirait que c’était ce jour-là à Paris, le jour où elle l’avait aperçu, où ça avait été comme un coup de soleil dans sa vie, pas un coup de foudre, non, mais de soleil, une sorte d’éblouissement, mais mental, une révélation, comme si quelque chose était advenu enfin, quelque chose qu’elle attendait depuis longtemps.
Et ce quelque chose, c’était lui, elle en était certaine maintenant, lui et lui seul.
Plus tard, elle se rendrait compte qu’il n’était plus très jeune et depuis longtemps, plus tard elle verrait, mais pour l’instant elle ne voyait rien, rien d’autre que cette silhouette, rien d’autre que ce visage, rien d’autre que ces yeux clairs qui la troublaient tant. Et puis, il y avait cette voix, cette voix douce qui vous prenait comme en confidence puis qui montait, montait, exposant les idées, une voix qui donnait à penser, qui rendait intelligent rien qu’à l’écouter, voilà, c’est cela, une voix qui rendait intelligent.
Elle sentait confusément que c’était cet homme-là qui saurait la révéler à elle-même, qui donnerait un sens à sa vie et à ses questions.
*
Cela faisait maintenant tout un trimestre qu’elle assistait à ses cours et tentait vainement d’accrocher son regard sans y parvenir. Il y avait tant de monde dans l’amphi Descartes, tant d’étudiants qui se pressaient pour venir l’écouter. Ce jour-là, Granier était en retard et elle observait le manège. On se bousculait dans les travées, beaucoup de jeunes filles avaient pris les premiers rangs et une attente fiévreuse régnait dans cet espace confiné.
Il est arrivé, l’allure nonchalante, s’appuyant légèrement sur une canne en jonc. Il avait à la main une serviette en cuir usé, quasiment un cartable d’écolier. Il a jeté son imperméable sur le coin du bureau, posé délicatement sa canne dessus et s’est dirigé vers le centre de l’estrade. Il était vêtu d’une veste en gros tweed à carreaux fondus dans les tons bruns sur une chemise bleue, il portait encore une cravate en tricot, accessoire vestimentaire que bien des enseignants ne portaient plus. Elle observa qu’il avait des mains fines et nerveuses dont il se servait pour expliquer, évoquer, cerner une idée ou une expression, avec un art consommé du théâtre. Sa voix était douce et grave, son regard profond. Parfois, hésitant sur une phrase, un mot, une expression, il se mettait de profil et levait les yeux vers la fenêtre. Elle pouvait alors détailler le fin profil, les lèvres sensuelles et bien dessinées. De la place où elle s’était assise, un peu en retrait, rien ne lui échappait et elle, qui se souvenait de son passage dans la mode, le silhouettait sur son cahier de cours, tenue sous le charme par cette voix.
Il avait débuté son cours du premier semestre dans les termes les plus généraux car il s’adressait en principe à de jeunes étudiants :
– Je vais vous parler de philosophie. Beaucoup d’entre vous se demandent peut-être encore : « Qu’est-ce que la philosophie ? » Et ils ont raison tant la question est considérable et l’idée d’en donner une réponse simple bien aventureuse. Aussi ne s’agit-il point de cela ; car répondre à une question philosophique ne signifie pas en donner la réponse, mais consiste à répondre à ce que la question attend de nous. Et ce qu’elle attend de nous, c’est que la pensée soit capable de la poser ! Vous voyez, continua-t-il, pour philosopher, il faut d’abord apprendre à penser, or on n’apprend à penser que dans la lecture des grands textes et parmi ceux-ci, j’ai choisi pour vous cette année, – hommage au lieu qui nous héberge – et quoique cette institution n’ait pas été tendre avec ce philosophe de son vivant, les Méditations de Descartes.
« Pourquoi Descartes et les Méditations , demanda-t-il l’instant d’après. Parce que c’est du français et, comme tel, facile à lire, ce n’est pas du jargon philosophique – nous aurons bien le temps de le pratiquer plus tard – et même si le texte original est écrit en latin, la traduction du duc de Luynes est un modèle de clarté, il n’y aura donc entre nous aucune difficulté linguistique. En revanche, si le langage est clair et limpide, l’étrangeté de ce qui est dit apparaît d’autant mieux. C’est là que la philosophie se donne comme forme de l’étonnement qui naît lorsqu’on constate que penser c’est bousculer les évidences naturelles. Cet étonnement prend chez Descartes la forme du doute, car tel est le titre de la première méditation : “Des choses que l’on peut révoquer en doute”. Et ainsi, pour lui comme pour nous, la philosophie commence par le doute. Puis, avec comme une hésitation dans la voix, la vie, notre vie est traversée, est habitée par le doute, le doute est constitutif de notre être, le doute nous transit.
« Ah bon, me direz-vous, la philosophie ne nous donne pas de certitudes ? Patience, patience, je vous parle des commencements de la pensée, je vous parle d’une méthode, c’est pourquoi on appelle cela le doute méthodique et qu’on l’appellera hyperbolique lorsque Descartes le poussera jusqu’à l’absurde, le doute de tout. Descartes aboutit alors à cette conclusion simple : je peux bien douter de tout, mais, pour cela, il faut qu’il y ait quelqu’un qui doute, donc quelqu’un qui pense et ce quelqu’un, c’est moi, le moi pensant qu’il appelle le cogito . Vous connaissez la suite, c’est en tant que je pense qu’il en découle que je suis. “Je pense donc, je suis”. Je ne vous refais pas le programme du bac !
On aurait entendu une mouche voler, les visages étaient tendus, les mains griffonnaient les cahiers de cours à toute vitesse, il y avait les graphomanes qui couvraient des pages et des pages de notes, les contemplatifs, stylo en l’air qui suivaient des yeux le magicien du verbe, fascinés par l’aisance de l’acteur, lequel semblait oublier son auditoire, dérivait dans un dialogue intérieur qu’il tenait à voix haute devant ses étudiants, poursuivant sa pensée. L’heure passa ainsi, toute en apesanteur. Elle admira l’artiste et bien qu’elle eût quelques années de philo derrière elle, elle se dit qu’enseigner, c’était cela, donner à penser, formuler les choses de telle manière qu’un étudiant, n’importe lequel, ait soudain l’impression qu’un monde s’ouvrait à lui parce que les quelques mots qu’il entendait lui faisaient comprendre bien plus que ce que le professeur racontait. Comme si cela réveillait en chacun le souvenir d’un savoir endormi qui par la grâce du langage était encore capable de ressurgir en soi. Elle aurait aimé savoir enseigner ainsi, elle aimerait enseigner comme ça le jour venu où, à son tour, elle s’assiérait devant une cohorte d’élèves ou d’étudiants.
C’est pourquoi, sans doute, les cours de Granier attiraient toujours beaucoup de monde. Il n’élevait que rarement la voix, ne haranguait pas son auditoire, ne cherchait ni la connivence ni l’assentiment. Cours magistral ? Peut-être ? Même pas. Autre chose. Cours confidence lorsqu’il baissait la voix, donnant le sentiment que le moindre éclat pourrait effaroucher la vérité. Cet homme lui plaisait. Vraiment.
Elle s’approcha de lui à la fin du cours : « Je dois vous voir pour choisir le sujet de mon diplôme. – Oui, répondit-il en rangeant ses affaires, et qu’avez-vous choisi ? – Les Passions de l’âme  », répondit-elle en rougissant.
Il leva les yeux et la regarda : « C’est le sujet qui vous trouble ? Vous verrez que vous n’êtes pas la seule, la princesse Élisabeth déjà… mais Descartes enseigne à les dominer. Bien, ces deux heures de cours m’ont épuisé, que diriez-vous d’aller déjeuner dans le coin, nous pourrions parler plus tranquillement de votre mémoire ? »
Elle n’aurait osé imaginer un tel enchaînement, une telle rapidité. Cet homme vraiment la surprenait. Ainsi, alors qu’il ne la connaissait pas, ne savait même pas son nom, il l’entraînait déjà dans son sillage. Un séducteur alors ? Un homme habitué à ce que ses étudiantes se jettent à sa tête. « Et vous vous appelez comment ? », enchaîna-t-il. « Nadia », répondit-elle pré

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