204
pages
Français
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2011
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2011
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Publié par
Date de parution
15 mai 2011
Nombre de lectures
73
EAN13
9782296458437
Langue
Français
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Date de parution
15 mai 2011
Nombre de lectures
73
EAN13
9782296458437
Langue
Français
PENSER LE MAL
AUJOURD’HUI
Contribution à une anthropologie du mal
André Jacob
PENSER LE MAL
AUJOURD’HUI
Contribution à une anthropologie du mal
PENTA
éditions
© PENTA ÉDITIONS, 2011
ISBN : 978-2-917714-04-1
EAN : 9782917714041
Fabrication numérique : I-Kiosque, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
AVANT-PROPOS
Après les bouleversements historiques et idéologiques du siècle dernier, la complexité du problème du mal pouvait encourager la multiplication d’approches, même caractérisées comme relais anthropo-logique d’une longue tradition théologique à laquelle les pensées des philosophies du mal leibnizienne et schellingienne-sont restées attachées.
Ainsi s’est-on cru autorisé à rassembler des textes, même courts, élaborés entre 1995 et 2007, ayant donné lieu à des articles, conférences, séminaires, tables rondes voire interviews.
Celui ayant fourni le titre du recueil aura été d’autant plus central qu’issu de deux conférences qui avaient été improvisées en commentant un schéma jugé depuis lors assez pertinent pour dispenser de tous les autres-il résulte d’importants ajouts ultérieurs.
Un Glossaire et une Bibliographie mise à jour, joints aux textes majeurs et à leurs annexes, pourront aider à mieux situer cette contribution à une anthropologie du mal.
L’HOMME ET LE MAL Argument
La notion de mal, qui a toujours été au cœur de l’expérience des hommes et représentée par mythes, religions et morales métaphysiques, a suscité au cours de notre siècle à la fois un regain d’actualité et des déstabilisations théoriques, qui appellent une reprise attentive et approfondie du problème. Le passage d’un point de vue métaphysicothéologique traditionnel à un éclairage anthropologique se justifie d’autant plus que les terribles épreuves auxquelles l’homme a été confronté ne sont pas pour rien dans la crise de la pensée et de la pratique religieuses - accompagnée par la résorption significative de la toute-puissance divine dans un Dieu souffrant. Tandis que le tournant kantien en philosophie pratique, relayant l’ordre du Bien par la forme du Devoir, aura pu induire, aux antipodes de Platon et de la Bible, une certaine priorité du mal : du vouloir-vivre schopenhauerien à l’athéologie de G. Bataille.
Cependant, pour avancer une théorisation digne de ce nom, il importe, en résistant à toute absolutisation du mal, d’en saisir la démultiplication (à travers tant de registres de maux) et l’unité conceptuelle, problématique mais irrécusable, par rapport aux surgissements négatifs mais originaux de la souffrance, de la mort et de la faute. Par-delà une phénoménologie trop purement descriptive, tenter de rendre compte des rapports entre l’homme et le mal ne saurait éluder ni les structures qu’ils impliquent, ni leur genèse. Aussi bien une anthropologie du mal devrait-elle déterminer des structurations et des destructurations sans préjudice d’une dimension axiologique (détectant des valeurs négatives), elle-même autorisée par des procès de symbolisation dont le sol sensible nous signifie la priorité de la souffrance sur la faute - à l’encontre d’un dogme séculaire, relayé par mainte philosophie de la conscience. On remet ainsi à sa place un corps mortel, qui tend à vivre humainement en devenant Sujet, avec les complexifications sociales et réflexives que cela comporte.
Dès lors, on comprendra que la référence à L’ espace et au temps soit décisive. L’espace parce que l’ extériorité -du corps, du milieu social, d’Autrui-nous tient à distance des privilèges traditionnels conjugués de l’intériorité et de l’intuition. Le temps, inséparable de la symbolisation (comme le suggérait le « Chorus mysticus » du Second Faust) n’appelera donc pas par hasard les registres linguistiques de la voix - passive du "souffrir" et active du « faire souffrir », seuil de la première partie de l’étude - et des schèmes verbo-temporels : clôturation d’un passé, aliénant quand il n’est pas tremplin, et ouverture d’avenir, dont l’interruption peut entraîner chute et destruction. Dans le premier cas, la description se prête à une topologie (sinon une classification) et à une mise en signe des maux ; dans le second, l’explication tend à opposer mal ordinaire et mal radicalisé.
Au terme d’un siècle où bien des nuages ont éclaté dans le ciel de l’humanité, jusqu’à menacer la terre d’explosions terrifiantes et dévastatrices, la question du mal, loin d’être la survivance ou l’ombre portée d’une onto-théologic, est partie prenante pour penser à nouveaux frais, à vif et sans leurre, les traits majeurs de la condition humaine et de son destin. Loin d’avoir à se borner, comme le voulait récemment F. Flahaut, à dégager les amorces de la méchanceté dont la prégnance nous préserverait d’être tributaire de représentations anachroniques, celle du mal demeure d’autant plus actuelle et impérative qu’à l’envers des processus qui, à tout instant, scellent le « devenir Sujet » de notre individualité corporelle, elle appelle une convergence lucidité pour conjurer des menaces dont la réalité continue à confondre.
I MAJORA
1. MAL, FINITUDE, TEMPORALITE
Introduction
A. Position du problème
Reprendre dans les grandes problématiques de philosophie morale la question, cruciale s’il en fut, du Mal, ne saurait mieux se distinguer d’une simple analyse de sa notion qu’en la mettant en rapport avec la finitude et la temporalité.
1. Par-delà une actualisation tributaire de Kant et de Heidegger - avec l’entre-deux de philosophies réflexives et existentielles, qui auront illustré sur ce grave sujet une seconde modernité initiée au romantisme (J. Nabert impliquant Fichte, comme Jaspers et G. Marcel Kierkegaard) - cette triade nous appelle donc à relayer mythes, religions et métaphysiques par une théorisation de la condition humaine, où l’expérience éventuellement « injustifiable » du mal puisse être éclairée dans sa cohérence contextuelle. C’est dire que le traitement diachronique de la conceptualisation du mal, auquel nous ne saurions nous soustraire, ne trouvera son équilibre explicatif - au terme d’un siècle chargé de manifestations « maléfiques » - que dans une interprétation synchronique d’ensemble, dont l’articulation à la finitudc et à la temporalité scelle la modernité renouvelée avec des exigences existentielles répondant aux vicissitudes de l’essor technoscientifique qui la caractérisait déjà au sortir de la Renaissance. Aussi bien, la théorisation envisagée se présente-t-elle à plus d’un titre comme anthropo-logique, face à des éclairages physicomathématiques de l’expérience extérieurs tant à la finitude qu’à la temporalité.
2. Autrement dit s’impose une lecture post-métaphysique d’une problématique où la finitude s’oppose à la centration - cartésienne notamment - sur l’infini et où la temporalité limite sa dépendance supposée à l’égard de l’éternité. Cela n’entraînera pas moins mainte réserve à l’égard d’usages inconsidérés de la notion de liberté, où le sens spinoziste et nietzschéen de la nécessité et la convocation schellingienne de forces obscures dans l’apparition du monde excluront toute solution unilatéralement volontariste.
3. Car, par-delà l’opposition entre liberté et mécanismes physico-biologiques, la notion de mal est impliquée par notre dimension symbolique. C’est parce que l’expérience sensible est prise dans des procès de symbolisation que des différences, souvent axiologiques, vont caractériser l’existence. Dès lors, les symboles présents dans les mythes et religions, où s’expriment de façon irréductible diverses figures du mal se prêtent-ils au relais d’une élucidation d’autant plus énigmatique que la réalité à traiter est plus ténébreuse.
B. Les pièges de la problématique
La décantation propice à une véritable théorisation s’impose, tant la question du mal nous tend de nombreux pièges.
1. Celui dont la portée est la plus générale correspond à la réifica