Que vive la République
125 pages
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Que vive la République , livre ebook

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Description

« La République n'est pas un régime politique parmi d'autres. C'est un idéal et un combat. Elle requiert non seulement des lois mais une foi, non seulement des services sociaux mais des institutions distinctes dont la première de toutes est l'École, non seulement des usagers ou des consommateurs mais des citoyens... » Un cri d'alarme, en forme de lettre ouverte « au Président respecté d'une République humiliée ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1989
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738142733
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER 1989. 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-73814-273-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Au Club des Sept
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
« Et l’homme qui veut demeurer fidèle à la justice doit se faire incessamment infidèle aux injustices inépuisablement triomphantes... »
Charles Péguy
L’orgueil républicain

Malaise dans le Bicentenaire. A quoi bon se dépenser si en France tout le monde est aujourd’hui républicain, respecte le suffrage universel et célèbre les Droits de l’Homme ? Pourtant, discours de circonstance et appels aux valeurs nous laissent froids, partagés entre la gêne et l’ironie. Pourquoi ?
Parce que ce consensus est un trompe-l’œil.
Sans discours ni trompettes, les ennemis de la République ont pris le pouvoir dans la société. Au premier rang, l’Argent et l’Image. Leur alliance a remplacé celle du Trône et de l’Autel. Aggravant l’opulence par la notoriété, redoublant l’inégalité des revenus par celle de la considération publique, elle s’attaque aux fondements de l’orgueil républicain : le désintéressement et l’anonymat, qui subordonnent appétits et vanités à l’intérêt général.
La République n’est pas un régime politique parmi d’autres. C’est un idéal et un combat. Elle requiert non seulement des lois mais une foi, non seulement des services sociaux mais des institutions distinctes dont la première de toutes est l’École, non seulement des usagers ou des consommateurs mais des citoyens unis non sur des objectifs mais des fins transcendantes, comme la liberté et l’égalité. Elle assortit toujours les droits de devoirs. Comme l’honneur pour la monarchie et la crainte pour le despotisme, la vertu, annonçait Montesquieu en 1748, est « le ressort qui fait mouvoir le gouvernement républicain ». Il entendait par ce mot « l’amour de la patrie et de l’égalité ». Il précisait aussitôt qu’il ne s’agissait point d’une excellence morale ni d’une vertu chrétienne, mais d’une sorte de mécanisme.
Quand le ressort se casse, la chose publique brinquebale.
Ce plaidoyer se voudrait à la fois histoire d’un relâchement et appel au ressaisissement.
Je l’adresse à qui de droit : au Président respecté d’une République humiliée.
CHAPITRE I
Les malheurs de la vertu

Ni benêt ni tartufe
Qui croire, Monsieur le Président ? Et en quoi ?
L’État, par votre bouche, nous convie à célébrer un ressourcement de la République au souvenir de la Révolution. La société civile, par ses voix les plus autorisées, nous convie à l’enterrement sans phrases de ce même passé. Le citoyen est appelé à exalter la permanence des valeurs de la Révolution française ; le lecteur de la presse, le téléspectateur, le dîneur en ville est appelé à célébrer leur extinction. Faut-il en cette année du Bicentenaire vous présenter nos condoléances ou nos félicitations ? Quant à nous, rêveurs éveillés en proie au « double bind », écartelés entre cour et jardin, nous voudrions bien reprendre contact avec la réalité, mais nous ne savons plus ce qu’il convient de tenir pour réel : les discours ou les mentalités, les cérémonies ou les magazines. Ne vous étonnez pas, en attendant, si, tétanisés par le doute, tant d’entre nous se réfugient dans l’indifférence.
Faut-il nous réjouir de ces funérailles-ci ou faire notre deuil de ces réjouissances-là ? Nous sommes las de l’ambivalence comme système de pensée et du faux-semblant comme mode de vie parce que nul n’est à l’aise dans le postiche. Nous voudrions nous sentir bien dans notre peau de républicain français, dans l’Europe de 1989. Ou à défaut, si c’est un zombie qui vous parle d’outre-tombe, jeter un œil sur notre acte de décès.
Nous avons beau savoir, comme la vie publique et la vie de famille nous le rappellent chaque jour, qu’il n’y a pas de société sans mensonges, nous savons aussi qu’une société s’effondre si elle n’a pas au moins une vérité fondamentale où s’asseoir et se caler. Personnellement, j’aime les cérémonies parce que je n’aime pas les gens grossiers et que les rituels sont la courtoisie de l’indifférence. Mais les incertitudes du temps sont devenues trop dangereuses pour qu’on se contente de politesses. Nul ne peut sauter le jour de son anniversaire, ni votre calendrier, l’année 1989. Qu’on nous dise simplement si nous avons solennisé par mégarde une date scabreuse ou retenu à bon escient une source d’inspiration. Car pour l’instant, les organes du pouvoir intellectuel et moral logent dirigeants et dirigés à la même enseigne : tartufes, si nous commémorons Quatre-vingt-neuf du bout des lèvres, benêts si nous y mettons du cœur. Triste dilemme. N’y a-t-il pas d’autre choix ?

Le retour des notables
Vous vous demandez peut-être, comme moi, ce que nous cache ce mystérieux totem, dont on acclame parmi nous le retour, la « société civile ». Nous pourrions le demander à Kant, Hegel ou Gramsci, mais je crains que nos dévots ne fassent pas le détour par les pères fondateurs de la religion nouvelle. Coupons au fait. « Société civile », c’est en jargon moderne, « la bonne société » d’antan. Les « autorités sociales » de 1900. Les « Importants » d’Alain. Les « escarpins » de Thibaudet. Les plateaux télévisés des soirées électorales, où l’on est sûr de ne pas rencontrer de fleuriste, de cordonnier, de pompiste ou de boulanger. Bref, les nouveaux notables. La société civile est supposée en dessous, et l’État au-dessus. En fait, haut et bas ont permuté, et ceux qui en imposent par leur compte en banque ou leur visibilité sociale ont souvent barre sur les pouvoirs publics. Ce renversement permet à nos vedettes de cumuler deux privilèges jusqu’ici séparés, la marginalité et la suprématie. Les dissidents « incontournables » qui tiennent le haut du pavé ont sur vous l’avantage de raser les murs, ce qui tire l’œil, plus que les tapis rouges. Les officiels ne sont plus ceux qu’on pense.
Un exemple. Lorsque vous avez expliqué l’année dernière en Sorbonne pourquoi la Révolution française n’était pas terminée, Le Monde du lendemain reproduisit quelques phrases dans un recoin de page intérieure. Lorsqu’un historien consacré par l’establishment « Roi de la Révolution » voit dans le Bicentenaire l’occasion de couvrir d’un « linceul cette tradition », son faire-part occupe une pleine page, en ouverture, et « tout le monde » en parle. Aussi saugrenu que cela paraisse, c’est lui qui « fait l’opinion », pas vous. Quand je dis lui, j’embrasse sa mouvance, ses amis, son hebdomadaire, son École, ses éditeurs, les journaux, et quand je dis vous j’embrasse je ne sais trop quoi, car votre mouvance, si elle n’est pas muette, n’a pas sur ce sujet l’oreille des importants. Bien au-delà de ce puéril et signifiant détail, nous sommes quelques-uns, Monsieur le Président, qui rêvons pour l’État d’une grande ambition : qu’il prétende, face à la société civile, au rôle de contre-pouvoir ; un peu comme pourrait le faire l’Éducation devant la Télévision, la Politique devant l’Économie, la Loi devant l’Argent. Nous sommes, vous voyez, des gens modestes.
Nous en avons assez d’avoir honte. De tous côtés, on nous somme d’expier les péchés, les vertiges, les tentations jacobines ; d’enregistrer « la fin du cycle long de la Révolution » ; de nous persuader que c’est fini, la récréation ; de bien nous pénétrer de l’inexorable « fin de l’exception française » ; d’endosser lucidement « la banalisation de la politique » et le retour à la terre des vrais problèmes. Cet interminable « fini de jouir » ! – de l’originalité, de la grandeur, de la gaieté française – me rappelle les injonctions punitives du maréchal Pétain. Nous l’aurions trop aimée, la République, la guillotine, la littérature, le vélo, la lutte des classes, le saucisson. Aurions-nous perdu une guerre et signé l’armistice pour que M. Furet et ses chantres veuillent nous administrer ainsi « une dure et bienfaisante leçon » ? Quelle guerre ? Qui a signé ? Avec quel mandat et au nom de qui ? Nous demandons à y voir à deux fois. Nous réclamons un peu plus de d’égards, de tendresse à l’égard de toutes ces valeurs qui restent somme toute celles de la République que vous présidez et qu’on expédie ad patres d’un coup de plume désinvolte. Révolution ou République, nous en appelons pour nos grands-mères au droit de mourir dans la dignité, sans déchéance, comme ces couples d’octogénaires bien droits, ces retraités qui au fond d’une lointaine banlieue choisissent de prendre congé les yeux ouverts. Nous ne voulons pas non plus d’obsèques à la va-vite, en bas de page, au détour d’une conversation. Il est toujours dangereux de faire l’économie du travail du deuil. Il nous faudra, si nous voulons renaître un jour, faire travailler le concept et notre peine. Laisser monter en nous, lentement, les profits et pertes, le bilan biologique de l’extinction d’un cycle d’histoire. Deux cents ans, cela compte dans la vie d’un homme.

La filiation des hommes fiers
Chacun d’entre nous, même s’il ne le sait pas, le porte en lui, ce cycle-là. Je vous l’accorde. Ce n’est pas nous qui avons occupé la Bastille, ni l’Hôtel de Ville en 1848, ni les Galeries Lafayette en 1936, ni le Vercors en 1944, ni l’Odéon en 68 (en ce qui me concerne du moins). Mais il y avait un enchaînement des rêves, une généalogie de faux souvenirs et de vrais mythes qui faisaient entre les générations comme une cha

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