Dits et non-dits : Mémoires catholiques au Québec
196 pages
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Description

Les baby-boomers ont-ils jeté le religieux avec l’eau bénite ? Sont-ils vraiment athées ? Comment donnent-ils un sens aux grands événements du cycle de la vie ? Que cache l’invisibilité ou même le tabou du religieux au Québec après le déclin du catholicisme ? Bref : que reste-t-il de l’héritage du catholicisme auprès de la génération issue du baby-boom ?
À partir de récits de vie recueillis auprès d’une centaine de Québécois nés catholiques dans les années 1950, les auteurs explorent la recherche de sens des expériences individuelles et collectives. En dépit de l’invisibilité du religieux sur la place publique, la plupart des personnes rencontrées affichent des croyances et des pratiques qui leur sont propres. Si ces dernières empruntent à divers registres religieux inspirés de la diversité culturelle, la mémoire et l’éducation catholiques restent présentes dans les récits comme dans les pratiques, parfois teintée du vocable de la spiritualité. Ce livre brosse un portrait de la modernité québécoise et de la sécularisation de la société en montrant notamment les débats identitaires qui animent l’imaginaire collectif et qui façonnent les consciences individuelles. Surtout, il vient combler un vide dans les écrits sur les comportements religieux au Québec.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760643758
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sous la direction de Géraldine Mossière
Dits et non dits: mémoires catholiques au Québec
Les Presses de l’Université de Montréal



Mise en pages: Chantal Poisson Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Dits et non-dits: mémoires catholiques au Québec: / sous la direction de Géraldine Mossière. Noms: Mossière, Géraldine, 1975- éditeur intellectuel. Description: Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20200095102 Canadiana (livre numérique) 20200095110 ISBN 9782760643734 ISBN 9782760643741 (PDF) ISBN 9782760643758 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Culture catholique—Québec (Province)—Récits personnels. RVM: Catholiques—Identité religieuse—Québec (Province)—Récits personnels. RVM: Québec (Province)—Civilisation—Influence chrétienne—Récits personnels. RVM: Génération du baby-boom—Québec (Province)—Récits personnels. RVMGF: Récits personnels. Classification: LCC BX1422.Q8 M46 2021 CDD 277 .14092—dc23 Dépôt légal: 1 er trimestre 2021 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2021 www.pum.umontreal.ca Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).




Introduction
Géraldine Mossière
Au Québec, le rejet du religieux constitue actuellement un discours bien-pensant qui s’appuie sur quelques mantras du style «je suis spirituel mais pas religieux», et sur certaines représentations qui associent, par exemple, la religion aux migrants, et la pensée séculière aux Québécois d’héritage chrétien, établis dans la province depuis des générations. Plusieurs penseurs ont cependant rappelé que la désaffection ressentie envers l’institution religieuse, catholique en particulier, n’a pas sonné le glas des quêtes de sens (Lemieux; Rousseau); d’autres ont souligné la vitalité du catholicisme au Québec (Meunier; Wilkins-Laflamme) ainsi que la présence d'hybridité et de bricolages religieux parmi toutes les strates de la population, ce qui contraste avec l’invisibilité de la religiosité dans la sphère publique (Meintel). Ce panorama ne peut révéler toute sa complexité sans que l’on saisisse les mécanismes d’une apparente contradiction entre, d’une part, un discours de mise à distance du religieux qui prévaut dans la province et, d’autre part, des pratiques et des croyances plus ou moins stables et organisées qui ponctuent les chemins de vie des Québécois. Cette individualisation du religieux semble caractéristique d’une époque où la dimension expérientielle des religions et leur potentiel de mise en sens des défis de l’existence se substituent à leur fonction traditionnelle de cohésion sociale et de partage d’une cosmologie collective commune. Dans un contexte où la mondialisation draine de nouvelles ressources symboliques et morales en apparence accessibles à tous, la privatisation des comportements religieux autorise des opérations de mobilité et (re) conversion religieuses ainsi que des processus de subjectivation du croire inédits. Au Québec toutefois, ces mutations se développent sur fond de mouvements de sécularisation et de décléricalisation de la société aussi radicaux que récents, qui touchent profondément les domaines de l’éducation, de la santé et des droits sociaux.
Ainsi en est-il des conditions de modernisation du Québec qui n’ont pas été sans engendrer de curieux paradoxes: tout en privilégiant la privatisation et l’individualisation de leurs croyances, les Québécois soulignent le rôle central de l’institution catholique dans leur mémoire collective; si les indicateurs traditionnels de la pratique religieuse affichent une nette diminution (fréquentation du culte dominical, par exemple), le recours aux rituels de passage (baptême, funérailles, etc.) semble constant, alors que les Québécois entretiennent un rapport critique à l’autorité institutionnelle, ils maintiennent un niveau élevé d’identification à une forme de catholicisme, que Lemieux qualifia de «culturel» et qui tient difficilement compte de la diversification et des transformations internes à l’Église.
Plusieurs recherches empiriques tentèrent d’éclairer ces tendances. Mentionnons tout d’abord celle de Grand’Maison et de son équipe menée dans les années 1990, dont l’objectif consistait à cerner «les expériences et pratiques séculières, les courants religieux actuels et les divers rapports à la tradition chrétienne» (1995, p. 21). Les résultats indiquèrent des tensions intergénérationnelles marquées, que les chercheurs discutèrent dans plusieurs rapports structurés autour de la variable générationnelle. Parmi ceux-ci, le rapport consacré aux baby-boomers faisait état de leur statut de génération charnière: celle qui marque la transition en «quittant» un Québec jugé désuet et en aspirant à un «ailleurs» attrayant mais à peine saisissable. Sur le plan spirituel, les chercheurs associaient cette génération à l’intériorité, à la resymbolisation et à toutes sortes d’interrogations éthiques. En 1990, Lemieux et son équipe se sont penchés plus précisément sur la dimension symbolique et subjective de la religiosité des Québécois, leur univers représentationnel, son évolution et sa structure de cohérence, ainsi que sur le rôle de la subjectivité et de l’expérience personnelle dans les croyances actuelles. Au milieu des années 2000, l’équipe de Meunier s’intéresse à la catégorie de Québécois qui se disent catholiques en examinant leur vie spirituelle, leur imaginaire religieux ainsi que leurs orientations sociales et politiques; les chercheurs concluent à la sortie du «catholicisme culturel» observé plus tôt par Lemieux. La disjonction entre l’affirmation identitaire de cette population et les bricolages religieux qui marquent leurs pratiques et croyances forme la singularité du paysage québécois que Meintel et ses collègues documentent au-delà du paramètre chrétien à partir des années 2010. En se fondant sur une large enquête ethnographique menée auprès de plus de 100 groupes religieux établis au Québec et issus d’une large palette de traditions et courants religieux, l’équipe d’ethnologues décrit la diversité et la vitalité du religieux dans la province. Le catholicisme s’y distingue entre autres par le dynamisme des services offerts et de la vie associative, par la vigueur religieuse des populations migrantes du Sud (Afrique, Amérique latine, Asie de l’Est), et par le renouvellement de certaines croyances et orientations rituelles (guérison dans le cas des charismatiques, par exemple). L’ensemble de ces recherches dresse un portrait global des formes religieuses contemporaines présentes au Québec parmi la population majoritaire, sans toutefois saisir ces comportements dans leur idiosyncrasie subjective, ni les inscrire dans les contextes de vie personnelle et sociale qui en sont le catalyseur, et parfois le produit.
Notre ouvrage se situe dans la continuité de ces travaux qu’il tente de renouveler en portant l’accent sur les acteurs et sur leurs parcours selon une perspective dynamique qui interroge le rôle des éléments biographiques et cycles de vie dans les identifications religieuses. Naissance, union, passage à l’âge adulte ou à la vieillesse, deuil mais aussi maladie ou chômage constituent en effet autant d’expériences de vie qui peuvent moduler les comportements religieux. Comment les parcours personnels infléchissent-ils les croyances, pratiques et affiliations héritées pour constituer de nouveaux assemblages symboliques porteurs de sens et catalyseurs de transcendance? Et s’il est possible de comprendre ces itinéraires religieux en correspondance avec les cheminements des acteurs, dans quelle mesure ces derniers font-ils écho aux changements culturels de leur société?
À cet égard, les transformations rapides et profondes qu’a connues la société québécoise font de la scène locale un cas unique et peut-être d’avant-garde, caractérisé par le processus de sécularisation radicale que la province a entamé depuis les années 1960, après de longues décennies de domination de l’Église, combiné au maintien de l’influence du catholicisme dans l’imaginaire des Québécois établis dans la province depuis plusieurs générations. C’est de la singularité de ces identifications religieuses sans cesse travaillées et portées au débat, privé ou public, que les auteurs de cet ouvrage traitent, à partir de leur propre perspective disciplinaire et surtout thématique.
La Révolution tranquille et l’ambiguïté identitaire
L’historiographie québécoise retient que c’est le clergé catholique qui domina la province après la conquête britannique de 1759 et le retour de la noblesse française en Europe, dans un profond climat de survivance et d’idéologie du vaincu. Perçue comme un contrepoids puissant à la colonisation britannique, l’Église alors pourvue du rôle de guide moral sur la population majoritairement paysanne trouva auprès du politique un allié conciliant. Ces liens privilégiés se renforcèrent à la suite des différentes vagues de migration du clergé français au Québec, entraînées par les révolutions de 1789, 1830 et 1848, ainsi que par la loi sur la séparation des Églises et de l’État de 1905, développant ainsi l’idée que le Québec constituait une terre catholique de prédilection. Cette idéologie puissante liant le destin de la province à l’Église fut subtilement soutenue par le pouvoir britannique qui y vit un moyen d’asseoir son hégémonie; émerge alors l’idée que le nationalisme représente l’unique possibilité d’émancipation et de libération politiques. Si l’Église demeurai

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