Dynamique du provisoire

Frère Roger De Taizé

Description

Ces pages font découvrir comment la communauté de Taizé, petite et peu connue, devient en quelques années un lieu où accourent des jeunes du monde entier car ils s’y sentent accueillis et compris.

Au début des années 1960, frère Roger espère que la vague œcuménique soulevée par le pape Jean XXIII provoquera rapidement une réconciliation des chrétiens séparés et que le concile Vatican II en sera l’instrument privilégié.

Espérance déçue ! Alors, vers la fin du concile, il pressent que l’œcuménisme n’a d’avenir qu’en se lançant sur des chemins tout nouveaux. Il les décrit dans Dynamique du provisoire. Du même coup, il entraîne la communauté qu’il a fondée vers des horizons beaucoup plus larges.

L’un de ces chemins est l’écoute des nouvelles générations. De fait, trois ans plus tard, en écrivant Violence des pacifiques, il montre qu’il ose aller très loin à la rencontre de l’effervescence des jeunes de 1968.

Ces deux livres sont réunis ici avec quelques autres textes de la même époque.

Sujets

• Philosophie et théologie
• Religión
• Taizé Community
• Religion
• Taizé
• ?cuménisme

Informations

• Publié par: Les Presses de Taizé
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782850403873
• Langue: Français

Extrait

Frère Roger, de Taizé
Dynamique
du provisoire

À l’écoute
des nouvelles générations

1962-1968
Collection
Les écrits de frère Roger,
fondateur de Taizé
copyright © 2014 Ateliers et Presses de Taizé,
71250 Taizé, France
Photos de couverture : S. Leutenegger
ISBN 978 2 85040 386 6
e-book ISBN 978 285040 387 3
Communauté, 71250 Taizé
Tél. [phone]
[e-mail] – www.taize.fr
Dynamique du provisoire
1965


Dynamique du provisoire est un livre écrit lentement et longuement médité. Il sort à la fin de l’été 1965, juste avant la dernière session du concile Vatican II, mais frère Roger en a commencé la rédaction durant l’hiver 1963-1964.
Depuis la mort de Jean XXIII, en juin 1963, le prieur de Taizé craint que l’élan prophétique vers l’unité, suscité par ce pape visionnaire, ne s’épuise. Il redoute de voir le mouvement œcuménique perdre son souffle et devenir une simple institution de dialogue. Alors, en publiant ce livre, il cherche à donner des pistes pour que l’œcuménisme sorte de ses limites trop étroites et s’ouvre à des perspectives neuves et plus amples.
En même tempsil engage la communauté qu’il a fondée dans des directions qui sont nouvelles elles aussi et qui se prolongent jusqu’à aujourd’hui : de petites fraternités de frères sont envoyées vivre parmi les déshérités sur tous les continents, des projets de solidarité avec les plus pauvres sont soutenus, des jeunes toujours plus nombreux sont accueillis sur la colline de Taizé.
La version que nous présentons ici est la plus ancienne, celle de 1965. Dans les rééditions de 1974 et de 1977, frère Roger apporte des corrections ayant souvent pour objectif de rendre son langage plus accessible aux jeunes de l’époque, à leur esprit souvent contestataire. Les plus importantes de ces modifications sont mentionnées. Les éditions d’autrefois ne contenaient que quelques notes indiquant des références bibliques ou l’origine d’une citation. Les notes de la présente édition ont été ajoutées pour permettre de mieux comprendre certains passages.

La vocation de la Réforme, à son départ, ne fut-elle pas de se tenir dans le provisoire en face de ce qu’elle voulait réformer : un événement qui éclate au cœur des vieilles institutions ?

*
Aujourd’hui l’œcuménisme ne peut vivre que d’une dynamique qui l’oblige à découvrir toujours une nouvelle dimension. Sinon, la vague œcuménique retombera au lieu de gagner de proche en proche les chrétiens et, par eux, tous les hommes.
*
Face à l’accélération de toutes les évolutions, une dynamique du provisoire, qui laisse d’autant plus libre que l’on est plus fidèle à l’essentiel, permet de reprendre encore et toujours un nouveau souffle.
Pour une nouvelle dimension de l’œcuménisme


L’œcuménisme est demeuré restreint

Une vague œcuménique suscite présentement d’immenses espérances. Que faire pour que, loin de retomber, la vague gagne de proche en proche ?
Il est plus urgent que jamais de mettre tout en œuvre pour donner à l’œcuménisme une nouvelle dimension.
L’œcuménisme est la tentative qui permettra de rendre visible l’unité fraternelle entre les chrétiens, et cela sans humiliation pour personne, mais dans l’humilité.
Voilà une mission délicate entre toutes, elle fait appel aux ressources de toute la personne et ne se contente pas d’un engagement partiel.
L’œcuménisme est né en Occident, dans des groupes très restreints qui ont tenté d’éveiller la conscience chrétienne face à une situation intenable pour qui professe l’amour de son frère. Marqué par ses origines occidentales, il en est resté à une dimension partielle, au lieu d’acquérir la dimension universelle qui est la sienne. En particulier, il nous a peu reliés aux chrétiens de l’hémisphère sud.
De plus, il a vu le jour dans une société pluraliste où le rayonnement des chrétiens, déjà limité, se trouve encore amoindri à cause de leurs séparations.
Si la vague œcuménique qui déferle est endiguée uniquement par certains responsables d’Église, elle n’aura plus la force de soulever les nouvelles générations qui redoutent de plus en plus les marques de l’institution. Il en résultera certes une coexistence pacifique, ce qui est un grand bien. Mais cette simple coexistence marquera aussi un arrêt dans le cheminement. Les bonnes ententes, si nécessaires, ne sont pas suffisantes.
Combien d’hommes d’Église n’envisagent qu’un œcuménisme eschatologique – pour la vie future –, comme si l’unité visible ne devait pas se réaliser sur notre terre. Dès que se perd le sens d’une échéance contraignante, on en vient à prolonger indéfiniment une situation où chacun se contente de se faire écouter par l’autre.
Le dialogue est indispensable à la recherche de l’unité, mais à la condition qu’il ne se complaise pas dans le statisme d’une paix confessionnelle.
Face à l’immense espérance suscitée, voici que surgit la tentation d’exposer sans fin des nuances confessionnelles. Le confessionnalisme est une attitude d’auto-défense. Il a pu se justifier dans le passé, mais il voue aujourd’hui ceux qui l’entretiennent à s’enfermer en eux-mêmes. De plus, des mentalités confessionnelles se maintiennent alors même que la foi a disparu. Nous connaissons tous des catholiques ou des protestants qui professent seulement un vague déisme, mais qui conservent des oppositions émotionnelles dès qu’il s’agit du chrétien d’en face.
Une force est capable de nous faire dépasser nos positions confessionnelles : nous laisser interpeller par ces millions de baptisés sans adhésion de leur vie à Dieu et par ces multitudes totalement indifférentes à la foi.
Il est vrai que c’est en nous-mêmes que toute communication avec eux, tout dialogue, trouvent leur plus forte résistance. Être ouvert à tous suppose que se laisse vaincre l’égocentrisme, afin de permettre à cet Autre que nous-mêmes de pénétrer les profondeurs de la personne.
Des gestes pour nous extraire de nous-mêmes
En ce temps de l’œcuménisme s’ouvrent des chemins d’espérance. En face des sombres pronostics apportés par la prospective, il importe de se souvenir que, dans les périodes les plus difficiles, bien souvent un petit nombre de femmes et d’hommes, répartis à travers le monde, ont été capables de renverser le cours des évolutions historiques, parce qu’ils espéraient contre toute espérance 1 . Ce qui était promis à la désagrégation est alors entré dans le courant d’un dynamisme nouveau.
Pour avancer vers la réconciliation, Dieu nous donne le moyen de nous extraire de nous-mêmes. À travers les grands événements de ce siècle, il nous est offert une possibilité de sortir du processus de régressisme qui, depuis plusieurs siècles, a si profondément entamé les chrétiens.
Parmi d’autres, il est trois gestes vraiment œcuméniques qui sont susceptibles d’être des événements de Dieu, des chemins d’unité, des moyens de donner à l’œcuménisme une dimension toute nouvelle :
Éviter la rupture des générations,
Rencontrer ceux qui ne peuvent croire,
Rejoindre le monde des pauvres.
Bien sûr, certains refus dresseront toujours le père contre son fils, le chrétien contre son frère séparé. Il y aura toujours des séparations, il y aura toujours des fanatiques de leur propre personne.
Mais que se rejoignent déjà tous les hommes décidés à une marche commune ! Et puissent simplement les chrétiens réunis demeurer sans jugements portés sur ceux qui cheminent par d’autres voies que les leurs ! Car il est essentiel de placer tout homme au bénéfice de la pureté d’intention, même celui qui défend avec désespoir une attitude du passé.
Aux sources de la vie contemplative
Marquées par un tel élan, les nouvelles générations, dans leur générosité, veulent aller à la rencontre de tous les courants d’aujourd’hui. Pour trouver un nouveau pouvoir de communication, pour atteindre l’homme contemporain, elles aspirent à se libérer des formules et des expressions du passé.
Nous sortons d