L oraison cordiale
290 pages
Français

L'oraison cordiale , livre ebook

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290 pages
Français

Description

Cet ouvrage enrichi de gravures en noir en blanc et d'écrits peu connus, nous fait découvrir, au sein même de l'Eglise catholique, un mouvement spirituel mystérieux, relié à la théologie mystique et dont la méthode pratique se révèle très proche de l'hésychasme oriental tel que l'ont transmis les Pères du désert. L'Oratoire du coeur de Maurice Le Gall de Kerdu, paru en 1670, manuel illustré de gravures symboliques, est l'ouvrage majeur de cette voie de l'oraison cordiale qui prône la quête intérieure du Royaume de Dieu.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2013
Nombre de lectures 39
EAN13 9782336324166
Langue Français
Poids de l'ouvrage 8 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’ORAISON CORDIALE Une tradition catholique de l’hésychasme
En couverture : négatif photographique d’une gravure deL’Oratoire du Cœur.
Jean-Marc BOUDIER
L’ORAISON CORDIALE Une tradition catholique de l’hésychasme
Une tradition catholique de l’hésychasme Contrelittérature
L’ORAISON CORDIALE Une tradition catholique de l’hésychasme
COLLECTIONCONTRELITTERATUREDirection: Alain Santacreu Comité de lecture: Annie Cideron, Claire Prognon, Bruno Bérard Pourquoi contrelittérature ? Pourquoi ce mot qui ne peut que nous perdre aux yeux des gens de lettres ? Ce néologisme écorche notreoreille littérairecontrelittérature doit. Pourtant le « contre » de s’entendreà plus hault sens,tel le contre-ut en musique, comme une élévation d’octave ; ou, encore, selon la langue héraldique, lorsque le blason se trouve qualifié par un nom ou un adjectif précédé de cette préposition – contre-vair, contre-fascé, contre-palé, etc. – qui induit une élévation des composants internes, disposés de part et d’autre, comme les marches et contremarches autour du limon d’un escalier. Qu’est-ce que la contrelittérature ? Elle n’est pas unelittérature contraire, mais, plus précisément, lecontraire de la littérature. L’état d’inanition de la littérature actuelle rendait nécessaire l’invention de ce concept, au risque de ne plus pouvoir penser la littérature. Or, que sommes-nous, sinon ce que la littérature a fait de nous ? La contrelittérature est non seulement le combat spirituel, l’action vindicative du sens et du style contre l’horizontalité de la littérature unidimensionnelle, contre l’esprit de lourdeur, mais aussi la paix de l’équilibre souverain entre la pesanteur et la grâce ; elle est l’instant où la légèreté de l’esprit opère en nous-même sa propre verticalisation.  Insurrectionnelle et résurrectionnelle, la contrelittérature fait œuvre de vie de ce qui, pour la littérature, n’est que lettre morte. Ce qui n’entre pas dans le champ littéraire, l’altérité contrelittéraire, ne sera jamais la langue du maître et de l’esclave. Elle est l’écriture qui ressuscite la part refoulée, aliénée et presque abolie de notre être : une dernière élégance d’être, une certaine beauté au demeurant.
Jean-Marc BOUDIER L’ORAISON CORDIALE Une tradition catholique de l’hésychasme COLLECTION CONTRELITTERATURE
© L’HARMATTAN, 2013 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-01092-2 EAN : 9782343010922
AVANT-PROPOSDe nos jours, distractions et divertissements occupent une très grande place dans la société et l’on arrive de moins en moins à se concentrer, à faire agir sa volonté vers le bien, à rester tranquille et posé. Nos contemporains se dispersent et se perdent dans une agitation sans nom, partis à la seule recherche des valeurs de volonté effrénée de puissance et de développement démesuré de l’égo proposées par le monde moderne. Il n’est donc pas inutile de rappeler, pour les Chrétiens d’aujourd’hui, l’importance de l’humblerecueillement intérieurpermet de nous recentrer et de réorienter notre qui regard vers le divin qui est au plus profond de nous, bref de retourner à l’essentiel en redécouvrant les trésors de la prière contemplative, « sans images et sans réflexions ».
Nous avions, il y a quelques années déjà, attiré l’attention 1 des lecteurs d’une revue sur un petit groupe spirituel du dix-septième siècle français. Représenté principalement en Île-de-France, en Normandie et en Bretagne, mais aussi à Rome, il était réuni autour d’une même pratique de la prière du cœur – la prière de Jésus, telle qu’elle était pratiquée par les premiers Chrétiens et les moines du désert – alors connue sous le nom d’oraison cordiale. Celle-ci a été redécouverte au début du siècle dernier par l’abbé Henri Brémond, qui en a vu l’importance mais dont l’analyse, à notre sens, manque parfois de justesse. Un Carme, le Père Peter Van Schaick, a aussi voulu en étudier la richesse théologique en posant la
1 Cf.infra,« Annexes », pp. 233-250 et pp. 253-277.
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2 question d’un rapprochement avec l’hésychasme oriental . Anne Sauvy y consacrera un chapitre dans un ouvrage savant et documenté sur les images du cœur. Mais ces deux derniers auteurs se sont heurtés au problème des sources historiques de ce mouvement et n’ont malheureusement pas pu pousser plus loin leurs investigations. Plus récemment, Henri-Pierre Rinckel, Placide Deseille ou l’historien de l’art Frédéric Cousinié ont consacré plusieurs pages à l’iconographie des œuvres de Jean Aumont, l’un des représentants le plus emblématique de cette mouvance encore mal définie. Dans notre présentation, qui n’a rien de définitif et d’exhaustif, nous ne prétendons pas apporter toutes les réponses ni faire toute la lumière sur le sujet, mais avons essayé de poser certaines questions et d’ouvrir quelques pistes, de proposer divers éclairages. En tout cas, nous estimons que cette prière du cœur catholique, au cœur même de l’Église, qui insiste tant sur la recherche de l’image divine en nous ainsi que sur le concours de l’effusion du Saint-Esprit et de ses sept dons, n’a pas été jugée à sa propre valeur, injustement laissée de côté ou tristement préférée à de modernes et désastreuses parodies pseudo-charismatiques qui, d’ailleurs, ont occupé le lieu même de Paray-le-Monial… L’ouvrage le plus connu de cette constellation informe est L’Oratoire du Cœurdu «noble et discret Messire Maurice Le Gal, sieur de Kerdu, recteur de Servel», une paroisse bretonne près de Lannion. Ce livre, qui sera un réel succès de librairie, offre à ses lecteurs une « Méthode très-facile pour faire Oraison avec Jésus-Christ dans le fond du Cœur ». Ce n’est pas une œuvre isolée et individuelle mais bien plutôt un manuel pratique à l’usage de ceux qui désirent suivre cette voie particulière d’amour et de volonté, ainsi qu’un aboutissement et une manifestation extérieure « charitable » d’une lignée fort discrète, proche sûrement de certaines sociétés catholiques 2  Pour les références complètes des auteurs et des œuvres cités, on se reportera à la bibliographie générale,infra, pp. 57-69.
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de l’époque basées sur le secret, dont la plus connue est la Compagnie du Saint-Sacrement. Un rapprochement peut être fait aussi avec la diffusion de la dévotion au Sacré-Cœur et aux Cinq-Plaies.
Dans notre démarche, nous nous sommes fondés sur les textes imprimés existants dont il faut souligner la richesse et la profondeur. Nous en donnerons d’ailleurs, dans une seconde partie, un florilège qui permettra au lecteur de se faire sa propre opinion. Le texte de l’époque a été au maximum conservé : juste quelques mots ont été traduits et la syntaxe et la ponctuation souvent modernisées. Bien que la réunion de ces morceaux choisis puisse paraître arbitraire de notre part, elle forme néanmoins une certaine cohérence. Mais il faut s’efforcer ici de ne pas projeter sur ce mouvement des préjugés eta priorien l’interprétant avec des d’aujourd’hui, grilles de lecture erronées. L’usage souvent d’un vocabulaire précis et assez « technique » peut dérouter le lecteur actuel qui se doit de l’apprivoiser pour pouvoir se l’approprier. Nous sommes conscient aussi que ces textes peuvent déranger un certain nombre d’intellectuels religieux actuels (car trop catholiques romains pour des Orthodoxes orientaux ou d’une approche qui pourrait dérouter des Catholiques romains…) ou du moins susciter des débats plus ou moins vifs dans lesquels nous ne voulons pas rentrer ni prendre part. Cette école se situe dans un « lieu » intérieur et supérieur où les vaines querelles des hommes, aussi savants et engagés soient-ils, n’ont pas de prise. S’opposant aux dérives du Jansénisme et du Protestantisme et se différenciant du Quiétisme tel qu’il a été condamné à la fin du siècle, l’oraison dans lecubiculum cordiscontinuera à garder son mystère et son secret indicible dont la véritable compréhension ne peut que passer par une propre expérience personnelle intérieure – ou « passage de l’or au feu » qui permet la transition du spéculatif à l’opératif – et par un « langage du cœur » fondé sur lepur amour. Nous ne pouvons ici que rappeler cette affirmation d’Évagre le Pontique : « si tu es théologien, tu
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3 prieras vraiment, et si tu pries vraiment, tu es théologien » . Enfin, de par son caractère très spécifique, l’oraison cordiale constitue un bouclier efficace aux attaques du démon et aux sinistres projets de ceux qui le suivent, pour qui elle constitue à juste titre un grand danger, s’inscrivant dans une dimension prophétique et apocalyptique de la victoire finale de l’Agneau de Dieu. L’aspect de ce combat spirituel est souvent mis en avant à l’époque.
Cette voie ascético-mystique, brève ou « sèche » si l’on peut dire – parfaitement orthodoxe et rattachée au corps de l’Église – passe d’abord par des exercices spirituels, méditations de l’esprit et affections du cœur : descente de l’esprit dans le cœur. Le cœur devient ainsi le lieu d’accueil du divin, le champ de lamétanoïaet de la transformation intérieure.
C’est par ailleurs un rappel de l’expérience spirituelle de saint Paul ainsi qu’un renouveau de l’influence augustinienne : une sorte de résurgence, au Grand Siècle, de ladevotio moderna de la fin du Moyen Age (qui a donnéL’Imitation du Christ) dans le cadre de ce qu’on a pu appeler l’« école française de spiritualité ». Plus généralement, cela s’inscrit aussi dans un vaste mouvement de réforme de certains ordres religieux de l’époque et, parfois, la reprise d’une tradition iconographique plus ancienne. Toute tournée vers la purification et la garde du cœur ainsi que vers la réalisation intérieure de l’illumination spirituelle et de l’union intime, la finalité ultime de l’oraison cordiale sera la vision contemplative du Dieu trinitaire et la déification. Elle redonne ainsi toutes ses lettres de noblesse à la Théologie mystique et à la Métaphysique, à l’exercice de la volonté et de l’attention intérieure permanente.
Cette voie du cœur semble paradoxalement être ouverte à tous dans sa manifestation extérieure – ou plutôt elle ne pose pas d’exclusives et chacun peut y trouver ce qu’il peut et ce
3 Évagre le Pontique, inPetite philocalie de la prière du coeur, traduit et présenté par Jean Gouillard, Paris, Seuil, 1979, p. 42.
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qu’il lui est bon d’y trouver – mais elle est particulièrement rude et « éprouvante » pour celui qui veut la rejoindre et demande une pureté et une persévérance particulières. Son radicalisme et son intransigeance peuvent en décourager plus d’un qui témoignent en même temps de la hauteur des enjeux, dans la triple mort « au monde, à la chair et au diable » et, dans un souci de fuite, de silence, de solitude, de désert, de vie cachée, de nudité, de vide, d’anéantissement, de désappropriation et de paix intérieure.
De même, il faut s’habituer à une tournure d’esprit maniant le paradoxe et évoquant la possibilité de retournements positifs : ainsi, par exemple dans une « dialectique » de l’être et du néant, de l’image et du miroir, de l’intérieur et de l’extérieur, du haut et du bas, ou encore de la docte ignorance ou des ténèbres lumineuses, on ne peut monter qu’en descendant, il faut se perdre pour se trouver ainsi que mourir à soi-même pour vivre en Dieu. Il s’agit fondamentalement d’un chemin de l’humilité pour accéder à l’invisible Royaume divin dans les cœurs où l’être de Dieu doit tuer le paraître de l’homme et la folie de la Sainte Croix l’emporter sur la fausse sagesse mondaine.
On peut entendre, comme en écho, cette parole du Christ au saint starets Silouane : « Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ». Car, « d’un cœur brisé et broyé, Dieu n’a pas de mépris ». ____________________________________________L’auteur tient à remercier François Bedel, pour les échanges fructueux qui ont pu exister, Stéphane Barilley pour son aide précieuse et Alain Santacreu, sans qui cet ouvrage n’aurait pu voir le jour, pour son soutien actif et bienveillant.
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