Le corps humain et sa sexualité
238 pages
Français

Le corps humain et sa sexualité , livre ebook

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238 pages
Français

Description

Questionner la "théologie du corps" ou "théologie du sexe" développée par le pape Jean-Paul II au début de son pontificat permet d'éclairer autrement le regard chrétien porté sur le corps humain qui, aujourd'hui, se présente comme un bien-aimé malmené et pris en tenaille: d'un côté par le christianisme qui a la mauvaise réputation de mépriser le corps au nom d'une certaine piété puritaine; et de l'autre, la culture contemporaine accusée de vouer un culte au corps.

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Date de parution 01 février 2014
Nombre de lectures 27
EAN13 9782336336954
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Olivier Nkulu Kabamba
Le corps humain et sa sexualité Jalons pour un nouveau regard théologique
Églises d’Afrique
Le corps humain et sa sexualité Jalons pour un nouveau regard théologique
Collection « Églises d’Afrique » Depuis plus de deux millénaires, le phénomène chrétien s’est inscrit profondément dans la réalité socio-culturelle, économique et politique de l’Occident, au point d’en être le fil d’Ariane pour qui veut comprendre réellement les fondements de la civilisation judéo-chrétienne. Grâce aux mouvements d’explorations scientifiques, suivis d’expansions coloniales et missionnaires, le christianisme, porté par plusieurs générations d’hommes et de femmes, s’est répandu, entre autres contrées et à différentes époques, en Afrique. D’où la naissance de plusieurs communautés ecclésiales qui ont beaucoup contribué, grâce à leurs œuvres socio-éducatives et hospitalières, à l’avènement de plusieurs cadres, hommes et femmes de valeur. Quel est aujourd’hui, dans les domaines économiques, politiques et culturels, le rôle de l’Église en Afrique ? Face aux défis de la mondialisation, en quoi les Églises d’Afrique participeraient-elles d’une dynamique qui leur serait propre ? Autant de questions et de problématiques que la collection « Églises d’Afrique » entend étudier. Dernières parutions Fabrice N’SEMI,Lecture d’Africae munusdu pape Benoit XVI. Éléments d’une théologie prophétique en Afrique, 2013. Lendo MAKUNGA,Le combat de l’Église pour la justice sociale. Revisiter le message d’Amos, 2013.Olivier NKULU KABAMBA,La théologie académique : une discipline universitaire en éclipse, 2013. Francis Michel MBADINGA,Ce que le Gabon doit savoir pour entrer dans sa destinée prophétique, 2013. Philippe MABIALA,Le Congo-Brazzaville et son Église : le défi de la mission, 2012. Michel LEGRAIN,Un missionnaire français au cœur de la décolonisation, Tome 2, 2012. Michel LEGRAIN,Un missionnaire français au cœur de la décolonisation, Tome 1, 2012. Georges NJILA Jibikilayi,La triple exégèse de la révélation chez Hans Urs von Balthasar, 2012.
Olivier Nkulu Kabamba Le corps humain et sa sexualité Jalons pour un nouveau regard théologique
© L'HARMATTAN, 2014 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-02301-4 EAN : 9782343023014
INTRODUCTION
e corps est ce bien-aimé malmené. Aujourd’hui envers lui, Lnous sommes face à deux attitudes extrêmes, d’un côté, le mépris du corps au nom d’une certaine piété puritaine et légaliste, et de l’autre, le culte du corps selon les canons de la beauté institués par un monde sans Dieu.
Le christianisme en général, et le catholicisme en particulier, ont une mauvaise réputation en ce qui concerne leur regard sur le corps humain. On les accuse d’être assez négatifs vis-à-vis du corps : ils méconnaîtraient le corps et le mépriseraient, qu’il s’agisse de la sexualité, de la continence et de l’abstinence, bref de l’ascèse ; ou encore de toutes sortes des revendications qu’ont les hommes de disposer librement de leur corps, notamment à propos de la contraception, de l’avortement, de l’euthanasie, de la procréation médicalement assistée, de la recherche sur les embryons, du don du corps à la science, de la prostitution, de l’homosexualité. L’Église moralise et condamne, la société libéralise et autorise ; là où l’Église ferme la porte et condamne, la société ouvre et permet. Parmi nos contemporains, beaucoup ont le sentiment que l’idéal chrétien enseigné privilégie plutôt ce que l’on appelle l’âme et n’a pas beaucoup de réelle sympathie pour le caractère incarné de la condition humaine. Certains ajoutent même que les textes catholiques officiels, notamment les encycliques des papes ou les déclarations du magistère, défendent en principe les droits de l’être humain dans sa dimension corporelle, mais en réalité ils ne le font pas de manière tout à fait crédible et cohérente, faute d’honorer réellement le corps dans sa vérité charnelle en acceptant les désirs et plaisirs inscrits en lui. Cette relation ambiguë qu’entretient le christianisme avec le corps humain pose question. C’est un contentieux qui dure voici déjà plusieurs siècles, le contentieux entre « la chaire » et « la chair » :
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d’un côté, légaliste et disciplinaire, l’Église caporalise, et de l’autre côté, ouverte et pluraliste, la société autorise. Beaucoup pensent que l’Église méprise réellement le corps alors que la société défend celui-ci. En théologisant ce contentieux ou ce choc frontal entre le discours de l’Église et la vision de la société, peut-on inverser la tendance et parvenir à ce que le corps cesse d’être « le mal-aimé » pour devenir « le bien-aimé » du christianisme ? Un nouveau regard théologique sur le corps humain le permettrait-il ou rendrait-il cela possible ? Certains théologiens le pensent, 1 notamment le théologien orthodoxe Jean-Claude Archet dans le sillage de « la théologie du corps » selon le Pape Jean-Paul II. Se fondant surtout sur l’anthropologie des Pères grecs, il montre que le christianisme, loin de dévaloriser et de mépriser le corps, l’a au contraire valorisé plus que toute autre religion. Cette valorisation va d’une conception de la création où le corps est considéré comme porteur, lui aussi, de l’image de Dieu, jusqu’à une représentation de la vie future à laquelle le corps est appelé à participer, en passant par une conception de la personne humaine comme composée indissociablement d’une âme et d’un corps. Cette valeur exceptionnelle reconnue au corps est sans aucun doute liée à ce qui constitue le fondement même du christianisme, c’est-à-dire l’incarnation, c’est-à-dire le fait que le Fils de Dieu est devenu homme en assumant non seulement une âme humaine, mais aussi un corps humain, et qu’il a donné à l’homme de pouvoir être sauvé et déifié dans tout son être, âme et corps. Le corps vu successivement dans son état de perfection originelle, dans son état de déchéance, et dans sa restauration par le Christ, reçoit sa place et son rôle dans la vie spirituelle, et, il peut être transfiguré et divinisé par l’action conjuguée de l’ascèse bien comprise et de la grâce divine, avant d’atteindre son destin final dans la résurrection et la participation éternelle à la vie divine. Cependant, pour Jean-Claude Larchet, notre monde a perdu le sens de la véritable valeur du corps, soit en lui vouant un culte idolâtrique, soit en en faisant un objet mercantile et un instrument de jouissance.
1 LARCHET, J.-C.,Théologie du corps, Collection «Théologies », Paris, Cerf, 2009.
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Dans une démarche de relecture de l’Évangile à la lumière de 2 la culture contemporaine , je voudrai poser un autre regard théologique sur le christianisme dans son rapport ambigu avec le
2  Il est bon d’indiquer ici quelques repères de ce que j’entends ici par culture contemporaine. Dans son article « Les enjeux de la culture contemporaine pour la foi chrétienne » inLaval théologique et philosophique,vol. 52, n° 2, 1996, p. 566, Claude Geffré note ceci : « On peut se référer à la définition de la culture que l'on trouve dans la ConstitutionGaudium et spesau n° 53 : ‘‘Au sens large, le mot culture désigne tout ce par quoi l'homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ; s'efforce de soumettre l'univers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l'ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des institutions, traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l'homme, afin qu'elles servent au progrès d'un grand nombre et même de tout le genre humain’’. On doit noter le caractère profondémenthumanistede cette définition descriptive de la culture. Elle englobe tous les secteurs de l'activité humaine, le domaine de la technique et de l'économique, de l'esthétique et du champ artistique, du langage et des divers modes d'expression, dans l'espace politique et dans le champ religieux. Elle nous invite en tout cas à dépasser une définition de la culture comprise comme « production d'œuvres d'art ». La culture a nécessairement une dimension sociale et politique. Elle désigne un certain système de valeurs et de référents qui induisent des « modes de vie ». Et dans les États modernes, la culture joue un rôle d'autant plus éminent que l'Église et l'École ne sont plus les agents culturels qu'ils étaient autrefois ». La culture contemporaine se réfère à la période de temps qui est le nôtre aujourd’hui et qui est en cours. C’est la culture que nous vivons actuellement qui comprend la situation sociale, politique, le climat économique ; elle englobe les mœurs, les luttes, les revendications, tout ce à quoi les gens se livrent et les valeurs qu'ils ont aujourd'hui. La culture contemporaine renvoie donc à un ensemble de connaissances et de comportements techniques, sociaux, rituels qui caractérisent la société humaine aujourd’hui. Selon le livre de Legros G., Streel I. et Montballin M.,Les grands courants de la littérature française,Actualquarto, SA Editions Altiora Averbode, 2003, son cadre spatio-temporel est défini par les repères suivants : 1939-1945 la deuxième guerre mondiale avec des évènements majeurs comme la shoah, Hiroshima et Nagasaki ; 1948 : l’ONU, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Déstalinisation, Guerre froide, coexistence pacifique, perestroïka. Décolonisation, néocolonialisme, tiermondisme, et déploiement du terrorisme. Concile Vatican II. Mai 1968 : luttes pour les libertés, légalisation de la contraception et l’avortement, l’encyclique Humanae Vitae. 1989 : chute du Mur de Berlin. Unification européenne. 1993 : Internet. Télévision, cybernétique, informatique. Société de consommation, mondialisation. Le féminisme et l’écologisme. Tout cela va sans oublier les tendances contradictoires propres à la culture contemporaine : globalisation vs particularismes ; intégration politique vs nationalismes ; solidarité vs repli individuel ; humanisation vs systèmes formels.
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corps humain. Car il me semble qu’à travers certains aspects dans la manière dont le corps humain est perçu et apprécié dans la culture contemporaine, on peut à proprement parler des chances que la culture contemporaine offre à la foi chrétienne. Mais parler du corps, de quel corps s’agit-il ? Le corps dont il est ici question, n’est pas le corps tel qu’il est conçu et présenté par les philosophes français René Descartes (1596-1650) et Julien de La Mettrie (1709-1751), c’est-à-dire le corps n’est pas un simple assemblage mécanique de pièces qui s’emboîtent les unes dans les autres et qui fonctionnent en harmonie selon le modèle de la montre où l’ordre est instauré une fois pour toutes. D’emblée on s’aperçoit que le corps auquel je renvoie ici ne peut être caractérisé par sa seule matérialité. Le corps a également une intériorité, on peut donc parvenir à l’appréhender autant par sa matérialité que par son intériorité, et même mieux, par la complémentarité intrinsèque des deux. En d’autres termes, le corps est donc bien à la fois matière et conscience, il s’agit d’un tout indivisible dans ses trois dimensions indissociables : charnelle, psychique et spirituelle. D’où, le corps dont il est ici question, c’est d’une part : le « corps propre », un corps dont la proximité permet de définir un moi : « j’ai un corps » et « je suis un corps », de telle sorte que je ne peux donc ni dire seulement que je suis mon corps, ni dire seulement que j’ai un corps. C’est bien là le paradoxe de la conscience que mon corps c’est moi, la conscience d’être moi en mon corps ; il n’y a pas d’opposition possible entre moi et mon corps. Biologiquement et biographiquement je suis mon corps. Ce corps est ce qui porte mon individualité et la représente. Il n’est pas un objet à la manière d’une simple portion impersonnelle de matière étendue, il n’est pas non plus un sujet à la manière de la présence d’une âme spirituelle par laquelle le corps acquiert un peu d’individualité ; le corps est d’emblée un individu ; et d’autre part, c’est le « corps intelligent dans ses parties » qui témoigne que les forces du corps parlent le même langage. Les organes corporels ne sont pas simplement des fonctions complémentaires. Ils sont fédérés au service de la vitalité du corps, c’est-à-dire au service de la vie elle-même. Le corps n’est pas donc quelque chose d’aveugle qui fonctionne sans intelligence. Le corps est un lieu où le sens advient. C’est lui-même qui produit son sens ; on n’a pas à le lui conférer par une quelconque pensée de finalité interne ou externe. Fondamentalement, le corps dont il s’agit ici, c’est le corps qui se
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définit comme « chair », le corps de chair. Tout au long de l’ouvrage, je m’autorise donc l’appréhension identificatrice du corps comme « chair » par référence à la vie en tant que vitalité ressentie par le sujet humain. Autrement dit, je me permets d’aborder le « corps » dans l’horizon de la « chair » et la « chair » dans l’horizon du « corps », et d’identifier l’un par l’autre. Ce que je vise en employant le terme « corps » dans son appréhension identificatrice comme « chair » c’est bien la présence de la vie envisagée du point de vue même de l’homme qui l’expérimente comme vie dans la sensation de soi. À ce sujet, dans sa « théologie du corps » que j’examine ici en profondeur, le Pape Jean-Paul II n’hésite pas à déclarer que : « Dans l’interprétation de la révélation au sujet de l’homme, et surtout au sujet du corps, nous devons, pour des raisons compréhensibles, nous référer à l’expérience, parce que l’homme-corps nous est perceptible surtout grâce à 3 l’expérience » , et le Pape joute que « l’homme est un sujet non seulement en vertu de son « auto-conscience » et de son « auto-4 détermination », mais aussi en raison de son propre corps » . . Et comme nous le remarquerons plus tard, dans l’ensemble de sa « théologie du corps », la pensée anthropologique et théologique de Jean-Paul II est portée habituellement à identifier la chair et le corps en raison du fait que la perception immédiate que nous avons de notre corps est sa dimension charnelle, c’est-à-dire sa dimension sensible. En effet, notre corps est la partie visible de notre être. Au moyen de nos sens (la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût), il nous permet d’exprimer notre personnalité, de percevoir et de recevoir ce qui vient de l’extérieur, de communiquer avec le monde dans lequel nous vivons. C’est le corps comme expression du soi, comme dimension de la relation à soi, aux autres et au monde. C’est l’expérience de notre être au monde en tant que corps vécu et corps situé comme le dit si bien le prêtre et théologien français Henri Bourgeois : « la vie humaine consiste à habitercorporellementle monde et àhabiter son propre corps3 Jean-Paul II, « Le lien entre l'innocence originelle et la Rédemption » § 4 (le 26 septembre 1979) http://www.theologieducorps.fr/tdc/tdc-004-lien-entre-linnocence-originelle-la-redemption 4  JEAN-PAUL II, « L'alternative entre la mort et l'immortalité » §2 http://www.theologieducorps.fr/tdc/tdc-007-lalternative-entre-la-mort-limmortalite
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