Quel est le meilleur gouvernement, le rigoureux ou le doux ? - Pour les supérieurs des religions
56 pages
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Quel est le meilleur gouvernement, le rigoureux ou le doux ? - Pour les supérieurs des religions , livre ebook

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Description

Tout le monde est d’accord que le gouvernement des hommes est la chose du monde la plus difficile, qui se rencontre dans les affaires humaines. Les hommes, à dire vrai, sont autant de petits mondes, plus difficiles à gouverner que l’univers entier. Le cours de l’univers est si réglé qu’un mortel qui le gouvernerait un an, pourrait, par suite du même principe, le gouverner éternellement. Mais l’homme est un petit monde, qui change à tout moment ; c’est une girouette à tous vents ; et autant d’hommes que vous avez à gouverner, ce sont autant de petits mondés, différents l’un de l’autre.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346046690
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Étienne Binet
Quel est le meilleur gouvernement, le rigoureux ou le doux ?
Pour les supérieurs des religions
CHAPITRE PREMIER
Combien il est difficile de gouverner les hommes
Tout le monde est d’accord que le gouvernement des hommes est la chose du monde la plus difficile, qui se rencontre dans les affaires humaines. Les hommes, à dire vrai, sont autant de petits mondes, plus difficiles à gouverner que l’univers entier. Le cours de l’univers est si réglé qu’un mortel qui le gouvernerait un an, pourrait, par suite du même principe, le gouverner éternellement. Mais l’homme est un petit monde, qui change à tout moment ; c’est une girouette à tous vents ; et autant d’hommes que vous avez à gouverner, ce sont autant de petits mondés, différents l’un de l’autre.
Celui-ci est tout de feu, et ne fait rien qu’avec impétuosité ; celui-là est aussi lourd et aussi difficile à mouvoir que du plomb ; si vous le pressez, vous le désespérez.
Celui-là est aussi léger que du vif-argent, et, semblable au mercure, ne peut se fixer ; l’autre est ombrageux et à demi hypocondriaque, il prend tout à rebours, et croit pourtant qu’il n’est personne de si innocent et de si candide que lui.
Un autre est glorieux, et si fort plein de lui-même, qu’il semble qu’il faille ne parler qu’à lui seul. En voici un qui veut être flatté. Le contraste se trouve en l’autre, qui se chagrine si on le flatte.
Quelle capacité faut-il, ou plutôt quelle bénédiction du Ciel, pour gouverner avec satisfaction tous ces mortels si dissemblables !
Or, s’il y a de la diversité dans les sujets, il s’en trouve souvent davantage en ceux qui les gouvernent ; car les uns soutiennent qu’il faut que le gouvernement soit nerveux et vigoureux, quelles qu’en puissent être les suites ; les autres croient qu’il vaut mieux qu’il soit doux et plein de bénignité ; les plus sensés disent qu’il faut un juste milieu, donnant pour principe que, pour bien gouverner, la douceur et la sévérité doivent être employées suivant le cas.
Le pis est que chacun se flatte, et croit que sa façon de gouverner est telle, qu’il a autant de rigueur et de douceur qu’il en faut. Que si quelqu’un leur dit le contraire, ils croient véritablement que tout le monde se trompe en cela, hormis eux, et disent que toute personne de bon sens, étant bien informée, trouvera leur gouvernement fort tempéré, et tenant un juste milieu entre la sévérité et là douceur.
Le malheur est que personne ne le croit qu’eux seuls, ou quelques flatteurs qui font semblant de le croire.
Penserait-on pouvoir acquérir cette perfection si rare en peu de mois, ou avec quelques bonnes intentions, et avec si peu d’étude ? Cela est presque impossible ; d’ordinaire, ceux qui ont ce riche talent confessent ingénument qu’ils ne l’ont pas, qu’ils l’apprennent tous les jours ; et, reconnaissant leur infirmité, ils fuient tant qu’ils peuvent, sans s’écarter des règles de l’obéissance, la croix du gouvernement, et, la conduite du timon du navire battu de tant de tourbillons et de vents contraires. S’estimer au fond du coeur incapable de cela, et préférer les autres à soi, et cela sans feinte, mais de bonne foi, et comme devant Dieu et les Anges, c’est, à dire vrai, une marque d’un homme digne de gouverner.
Tous sont donc d’accord que le meilleur gouvernement est celui qui est efficacement doux et tempéré, et qui sait employer à propos la douceur et la rigueur, restant maître de l’une et de l’autre. Il se fâche quand il faut, mais d’une colère semblable à celle de l’agneau, qui ne blesse personne ; et quand il flatte, ou s’adoucit sur quelque objet, il ne relâche rien de la discipline ; mais il engage les gens à faire de bonne volonté ce qu’il faut. Il est père quand il se fâche, et mère quand il flatte ; mais l’un et l’autre ne laissent pourtant pas de frapper quand il faut.
Il faut avouer que c’est une chose extrêmement rare que de trouver ce phénix, qui tient le juste milieu, et qui tient si justement le trébuchet d’or du Sanctuaire, que jamais il ne penche d’un côté ni de l’autre sans un très juste poids, et sans que la raison, par la main de la charité, mette un grain d’un côté pour emporter l’avantage sur l’autre.
Confessons donc de bonne foi qu’il n’y a presque personne qui ne penche un peu, trop d’un côté, quoique peut-être fort innocemment devant. Dieu. La question qui se fait là-dessus est : Lequel des deux vaut mieux de pencher du côté de la douceur ou de la rigueur, de l’amour ou de la crainte ; et si, par hasard, il y avait de l’excès, vaut-il mieux excéder en bonté et en bénignité, ou bien en fermeté ; ce qu’on appelle rudesse et ligueur ?
Ceux qui tiennent le parti de la rigueur (qu’ils appellent fermeté d’esprit, courage, esprit mâle, zèle de la discipline) disent pour leur défense :
1. Que la nature humaine se relâche trop aisément, et qu’il faut par nécessité y apporter un peu de rigueur pour la tenir dans son devoir ; et quand elle s’est échappée, il y faut une forte bride, et un coup d’éperon qui se sente jusqu’au vif, en dût-il sortir une goutte de sang.
2. Si on ne fait point d’effort, on ne fait que déguiser le mal, et l’on y retombe aisément, tellement que la douceur entretient la plaie ouverte, et nourrit l’apostume, qui, venant à crever, fait voir l’ordure qu’elle renfermait.
3. Les Apôtres mêmes sont nommés Enfants du tonnerre ; et il est impossible de guérir les âmes malades, si on ne les étonne par quelque petite rudesse, et quelques vives paroles, qui étonnent leur lâcheté.
4. Pour faire mériter les sujets, il leur faut commander et non pas demander ; autrement, ils perdent la moitié du mérite de l’obéissance.
5. Les grands fondateurs des Religions ont usé d’une grande sévérité et d’une forte austérité ; ils ne parlent dans leur Règle que de prisons, de ciliées, de rudes chàtiments, d’excommunication, si l’on fait quelque lourde faute ; et ces saints fondateurs, qui avaient l’esprit de Dieu, voyaient bien les besoins de la nature humaine.
6. Il est vrai qu’il y faut de l’amour ; mais infailliblement un peu de crainte, mêlée bien à propos, tient le cœur en son devoir. Dieu dit que les Apôtres sont le sel du monde : si le sel n’est un peu piquant, il n’assaisonne pas bien la viande, et n’empêche pas la pourriture du corps humain.
7. La verge que, portait Moïse, et celle de laquelle S. Paul menaçait les Chrétiens, montre bien qu’avec la manne qu’il donne aux enfants de Dieu, il y faut la baguette et quelque rudesse pour conduire le peuple de Dieu.
8. C’est une douce nécessité que celle qui force de bien faire ; et les sujets menés un peu rudement en savent bon gré à la fin de la vie, et reconnaissent qu’ils en avaient eu besoin.
9. L’expérience fait assez voir que la crainte est le commencement de la sagesse ; et plusieurs s’émanciperaient et se perdraient infailliblement, s’ils n’étaient retenus par un peu de rigueur et une sainte crainte.
10. Peut-on mieux gouverner le monde que Dieu, qui, étant la bonté même, use de menaces, et fait gronder le tonnerre sur nos têtes, et veut être nommé Terrible, Foudroyant, le Dieu des armées, et un feu dévorant, qui consume tout ce qui n’obéit pas à ses lois et à ses commandements ?
11. Dans l’Arche d’alliance, il y avait la manne auprès du Décalogue ; mais la verge y était aussi ; car pour faire bien garder la loi de Dieu, il faut, en effet, de la manne et de la douceur ; mais aussi il faut se servir de la verge, et y mêler un peu de terreur.
12. Si on s’excuse si aisément sur les moindres objets, on ne fera jamais rien qui vaille ; chacun s’excusera, et jamais il ne se fera rien de vif ; les mutins l’emporteront toujours ; il n’y aurai que les bons et les obéissants qui seront accablés ; et cela sera cause de grands murmures et de divisions fâcheuses.
13. Le Saint-Esprit n’a-t-il pas dit que quiconque épargne les verges, gâte ses enfants et ruine sa famille ? Et comment pourrait-on garder la Règle de son Ordre, sans quelque douce rigueur, qui tienne chacun dans l’étroite observance

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