Une abbaye dans le siècle
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Description

Nichée depuis l'an 515 dans un goulet de la vallée du Rhône, l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune en Suisse détient un record dans la chrétienté occidentale avec 1500 ans d’activité ininterrompue. Elle compte parmi les rares abbayes territoriales qui dépendent directement de Rome. À l’entrée d’un canton rural à forte tradition catholique, et à proximité du canton de Vaud majoritairement protestant, elle occupe une place particulière dans l’espace catholique. Connue aujourd’hui pour son collège-pensionnat et pour les pièces somptueuses de son trésor d’orfèvrerie médiévale qui fait d’elle une étape sur la route touristique du Valais, elle a subi des évolutions majeures entre le Kulturkampf et le Concile Vatican II dont les détails ont longtemps échappé à l’historiographie. L’abbatiat de Joseph Mariétan (1914-1931) apparaît comme le point d’orgue de cette période perçue comme un âge d’or. Sous l’égide de ce prélat, l’institution se signale par son activisme en faveur de la presse, l’imprimerie, l’enseignement, la diffusion du néothomisme, la promotion de l’art sacré, le recrutement d’aspirants chanoines et les missions en Asie. Bien qu’inscrits dans la plus pure tradition et orthodoxie catholiques, ces engagements ont suscité leur lot de crises et de mythes dont cet ouvrage présente une lecture critique.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889302512
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2019
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@ alphil.ch
 
ISBN papier 978-2-88930-245-1
ISBN epub 978-2-88930-251-2
 
DOI : 10.33055/ALPHIL.03114
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2016-2020.
 
Illustration de couverture : M gr  Louis-Séverin Haller à la bénédiction de l’église Sainte-Thérèse de Champel à Genève, le 17 juin 1945. Photographie L. Bacchetta, Genève. AASM, ABB 93 25 4 (Fonds M gr  Haller).
 
Responsable d’édition : François Lapeyronie


Remerciements
Cette étude est le fruit d’une recherche lancée par le professeur Alain Clavien (Université de Fribourg) à qui j’adresse mes plus chaleureux remerciements pour ses conseils et ses relectures. Elle n’aurait pas pu être menée à bien sans le soutien du Fonds national suisse pour la recherche scientifique (FNS). Les premiers résultats ont paru sous forme de synthèse dans un ouvrage collectif 1 dont j’aimerais saluer les maîtres d’œuvre, Bernard Andenmatten, Thalia Brero et Laurent Ripart.
En amont, je remercie tout particulièrement l’équipe des archives historiques de l’abbaye de Saint-Maurice, le chanoine Olivier Roduit, Germain Hausmann et Jacques Lathion. Les collaborateurs des autres fonds d’archives consultés méritent également toute ma gratitude : Stéphanie Cudré-Mauroux (Archives littéraires suisses), Nathalie Dupré (Archives de l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg), Rolf Fäs (Archives de l’évêché de Bâle), Romain Jurot (Manuscrits de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg), le chanoine Joseph Sarbach (Archives de l’évêché de Sion), sans oublier l’aimable personnel de l’Archivio Segreto Vaticano.
Un grand merci aux témoins qui m’ont accordé un entretien, ainsi qu’aux descendants qui ont garanti l’accès aux archives de leur parent : le chanoine Georges Athanasiadès , sœur Claire Donnet-Descartes, François Gross († 2015), Jean-Michel Humeau (fils d’Edmond Humeau ), sœur Catherine Jérusalem, Jean-Marie Peiry (fils d’Alexis Peiry ), le chanoine Michel-Ambroise Rey .
Je suis enfin redevable à Andy Maître pour l’aide qu’il m’a apportée dans l’établissement de l’index, des notices et des notes de bas de page, à Marylou Rey pour l’amitié qu’elle m’a faite de relire le manuscrit, ainsi qu’à Christophe Oberson pour son soutien de la première à la dernière ligne. Toutes les erreurs et les faiblesses qui demeurent m’incombent.


1 L’Abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, 515-2015 , vol. 1, Histoire et archéologie , Gollion : Infolio, 2015. L’article de synthèse, « L’époque contemporaine (de 1870 à Vatican II) », apparaît aux pages 186 à 223.


Liste des abréviations
AASM : Archives de l’abbaye de Saint-Maurice
ABB : Abbés (cote AASM)
AES : Affari ecclesiastici straordinari, Vatican
AES : Archives de l’évêché de Sion
AEV : Archives de l’État du Valais
AEvF : Archives de l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg (à Fribourg)
AFS : Archives fédérales suisses, Berne
AMI : Amis de l’abbaye de Saint-Maurice (cote AASM)
ASV : Archivio segreto vaticano
BCU : Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, département des manuscrits
BGE : Bibliothèque de Genève, département des manuscrits
BIASo : Archives de l’évêché de Bâle (Soleure)
CH AES : Archives de l’évêché de Sion
CHR : Chanoines réguliers (cote AASM)
COM : Administration de la communauté (cote AASM)
CPT : Comptes et pièces comptables (cote AASM)
CSM : Collège de Saint-Maurice (cote AASM)
DHS  : Dictionnaire historique de la Suisse (en ligne : www.dhs.ch )
DPF : Département politique fédéral (ministère des Affaires étrangères de Suisse)
ESM   : Échos de Saint-Maurice
JEC : Jeunesse étudiante catholique
OSA : Œuvre Saint-Augustin ou de saint Augustin (congrégation de sœurs dirigeant l’imprimerie et les Éditions Saint-Augustin)
OSB : Ordre de saint Benoît (bénédictin)
PV  : Patrie valaisanne


Prologue – Maurice, Candide , Exupère et les autres…
Légionnaires originaires de Thébaïde (Égypte) et convertis au christianisme, Maurice et ses compagnons auraient été exécutés à Agaune vers 300 après J.-C. pour avoir refusé de se plier à des ordres romains bafouant leur foi. Relatée par deux récits hagiographiques des V e et IX e  siècles, cette légende a fait de la ville et de l’abbaye de Saint-Maurice un haut lieu de pèlerinage. Si la réalité de la présence d’une armée romaine d’Égypte en Valais est sujette à caution, l’archéologie atteste en revanche l’existence d’un sanctuaire primitif entre la falaise et le couvent actuel, au lieu-dit du Martolet. C’est à cet endroit (dont l’étymologie renvoie au martyre) que Théodore (Théodule), premier évêque d’Octodure (Martigny), aurait édifié une chapelle funéraire vers l’an 380. Il y aurait déposé les ossements de Maurice et de ses compagnons, découverts à deux kilomètres environ, à l’emplacement actuel de la chapelle de Vérolliez 2 . L’abbaye est fondée en 515 par Sigismond, futur roi des Burgondes . Située à proximité du col du Grand-Saint-Bernard et sur la via Francigena qui relie Canterbury à Rome, elle est un lieu stratégique pour les puissants qui s’en disputent le contrôle. Placée sous l’influence des rois de Bourgogne jusqu’au premier tiers du XI e  siècle, l’abbaye tombe ensuite dans l’escarcelle savoyarde 3 .
En 1128, la communauté monastique est transformée en communauté de chanoines observant la règle de saint Augustin. Elle dessert l’église abbatiale en se vouant à la liturgie, au ministère pastoral, à l’enseignement et aux missions. À l’ère contemporaine, l’abbaye et les chanoines sont des figures familières des Valaisans, avec leur soutane noire sur laquelle se détache un mince baudrier de toile blanche, appelé rochet. Lors des célébrations, ils revêtent le camail rouge, sorte de pèlerine concédée par le pape Eugène III au XII e  siècle en mémoire de Maurice et de ses compagnons 4 .
Culte des martyrs thébains et occupation ininterrompue depuis 515, permanence de la règle augustinienne depuis le XII e  siècle : la continuité et la longévité de l’abbaye pourraient donner l’impression trompeuse d’une entité hiératique. Or, l’institution a traversé bien des tourmentes (financières, révolutionnaires), et elle a été menacée à plusieurs reprises de disparition. En outre, la légende de saint Maurice ne peut escamoter une histoire bien incarnée, une histoire humaine faite non seulement de prières et de chants, mais aussi de rencontres et de séparations, d’ambitions et de renoncements, de joies et de souffrances.
Une histoire d’hommes surtout, mais aussi de femmes. Qu’on songe ici en particulier aux sœurs et autres ouvrières apostoliques des œuvres fondées par les chanoines, tels que l’Institut des sœurs de Saint-Maurice de Vérolliez, l’orphelinat et l’hospice des vieillards, la clinique Saint-Amé, et surtout l’Œuvre de Saint-Augustin (OSA). L’imprimerie de l’OSA a joué un rôle aussi discret que crucial dans le rayonnement de l’institution. Les femmes qui ont porté l’entreprise à bout de bras ont consenti à bien des sacrifices : promiscuité, travaux et horaires harassants, salaires « au lance-pierres ». Elles sont un peu les saintes Vérène de la légende des martyrs 5 . À l’instar de cette bienfaitrice, les figures féminines qui ont entouré l’abbaye de leurs soins sont restées pour l’essentiel dans l’ombre d’une histoire très masculine. On cherchera en vain dans la revue de l’abbaye un hommage à la cofondatrice et mère supérieure de l’OSA, Marie Sidler , à sa cousine et mécène, Fernande de Carlshausen 6 , ou encore à Hélène de Bavier , dont la prodigalité n’a pas peu contribué, on le verra, aux « rêves de grandeur » de M gr  Joseph Mariétan . Les célébrations du 1 500 e  anniversaire de l’abbaye n’ont pas corrigé cet aveuglement et cette injustice, et les femmes en ont été les grandes oubliées.
Si le cœur de l’abbaye est réservé aux seuls chanoines, l’ordre des augustins est qualifié de semi-contemplatif, et l’institution n’a rien d’un vase clos. Dans ses mémoires publiées en 1991, l’écrivain vaudois Michel Campiche , ancien élève de Saint-Maurice, évoque ce caractère poreux du cloître, qu’il a ressenti dès son arrivée au collège à l’automne 1939 :
«  Au premier étage, une porte marquée d’un petit écriteau – Clôture – ouvrait sur un couloir qui menait à l’ abbaye. Les chanoines y passaient pour se rendre en classe. Loin de marquer une frontière, ce couloir soudait les bâtiments . » 7
Symbiotique, la relation entre l’abbaye et le collège 8 constitue la ligne de force du développement de l’institution. Moyen de subsistance, bassin de recrutement, le collège-pensionnat fondé en 1806 est également le lieu de transmission de la tradition et des valeurs catholiques. Les collégiens ne perçoivent toutefois pas toutes les réalités de la communauté. En particulier, ils ne disposent pas des clés nécessaires pour interpréter la grande crise qui éclatera en 1931 avec la démission et l’exil forcés de l’abbé Joseph Mariétan. Cette affaire, qui laissera des traces profondes dans le canton et dans la communauté, témoigne, d’une part, de l’impact de la personnalité d’un supérieur sur l’atmosphère générale et, d’autre part, de la position de Saint-Maurice non seulement en Valais, mais aussi plus largement en Suisse et dans l’aire catholique. Son statut d’abbaye territoriale, sa situation aux portes du Valais, ses liens privilégiés avec Vaud, Genève, Fribourg, le Jura, la France et l’Italie font d’elle un acteur de poids dans le monde catholique.
Protégée à maintes reprises par le Saint-Siège – un chanoine n’a-t-il pas qualifié l’abbaye d’«  enfant gâtée  » de la papa

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