Homo sapiens dans la cité : Comment adapter l action publique à la psychologie humaine
146 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Homo sapiens dans la cité : Comment adapter l'action publique à la psychologie humaine , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
146 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Pourquoi les humains se souviennent-ils d’un visage rencontré cinquante ans plus tôt, mais oublient de payer leurs factures à l’heure ? Pourquoi n’arrive-t-on pas à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère, alors que nous sommes tous concernés par la survie de la planète ? Malgré nous, nos contradictions intérieures freinent le changement de nos comportements au service du bien commun. Ces écarts avec le citoyen parfait résultent de l’adaptation extrêmement efficace des humains à leur environnement. Les auteurs expliquent comment l’évolution a conditionné notre psychologie, notre rapport à la décision et à l’action. L’enjeu n’est donc pas de modifier la nature humaine, mais de concevoir une action publique qui intègre pleinement le fonctionnement réel de la cognition au service d’une plus grande autonomie de chacun. Illustré par des exemples concrets d’expérimentations en France et à l’étranger, ce livre montre comment les sciences comportementales peuvent redéfinir en profondeur l’action publique pour susciter des changements dans nos manières d’agir. Coralie Chevallier est chercheuse en sciences cognitives et comportementales à l’École normale supérieure – PSL et à l’Inserm. Elle est spécialiste de la prise de décision sociale et de l’application des sciences cognitives pour améliorer l’action publique. Mathieu Perona est directeur exécutif de l’Observatoire du bien-être du CEPREMAP. Normalien, ancien élève de l’École d’économie de Paris, il est spécialisé dans la mesure du bien-être, dans la conception et l’évaluation des politiques publiques. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 janvier 2022
Nombre de lectures 2
EAN13 9782415000196
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER  2022
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-4150-0019-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Composition numérique réalisée par Facompo
Introduction

Les pouvoirs publics cherchent chaque jour des solutions aux problèmes auxquels les citoyens sont confrontés. Bien souvent cependant, les politiques qui en découlent n’ont pas l’effet escompté car les citoyens réagissent de manière imprévisible. Le non-recours aux aides sociales est probablement l’exemple le plus dramatique de ce type d’échecs. L’Odenore (Observatoire des non-recours aux droits et services) estime aujourd’hui que 30 % des allocations sociales ne sont pas perçues, 36 % des personnes ciblées par le revenu de solidarité active n’en bénéficient pas, et plus de 50 % des bénéficiaires potentiels des dispositifs d’aide à la complémentaire santé ne la perçoivent pas. La santé est un autre domaine où les dispositifs déployés par les pouvoirs publics échouent régulièrement à remporter l’adhésion : les effets secondaires des médicaments et des vaccins sont par exemple redoutés et conduisent les Français à manifester une défiance grandissante contre la médecine conventionnelle et les risques supposés auxquels elle nous expose. Dans le même temps, des menaces bien plus grandes, telles que celles liées à la vitesse sur les routes, au tabac, à l’alcool, à la pollution de l’air, marquent moins les esprits. L’Organisation mondiale de la santé estime par exemple que la plupart des années de vie en bonne santé dans les pays de l’OCDE sont aujourd’hui perdues à cause de comportements évitables, tels que le tabac, l’alimentation trop riche, la consommation d’alcool, les relations sexuelles non protégées, les accidents de voiture, etc.
Face à ce constat, il est tentant de conclure que nous sommes irrémédiablement stupides. Notre esprit serait perverti par d’innombrables biais : nous serions tantôt trop optimistes, tantôt trop pessimistes, incapables de maîtriser les notions les plus basiques de probabilités et de statistiques, trop fainéants pour remplir des formulaires, trop impulsifs pour résister aux tentations, pas assez méfiants de certains dangers objectivement importants, et trop méfiants de risques pourtant minimes. Nous échouons ainsi à résoudre des problèmes arithmétiques pourtant triviaux pour la plus simple des calculatrices, nous oublions le code de notre carte bancaire et des mots de passe contenant quelques caractères seulement. La psychologie humaine serait donc une collection de mécanismes sous-optimaux et le cerveau une machine mal câblée.
Les progrès récents en sciences cognitives suggèrent en réalité que les êtres humains sont dotés d’une intelligence sociale extraordinaire, unique dans le règne animal. Les enfants, dès leur plus jeune âge, sont capables d’accomplir des tâches que les intelligences artificielles même les plus développées échouent encore à effectuer. Les humains sont aussi capables de retenir l’identité de milliers de personnes, de distinguer en une fraction de seconde un visage d’un autre, d’évaluer à quel point telle ou telle situation est gênante, appropriée, amusante, incongrue, de comprendre l’ironie et les sous-entendus, de se méfier des tricheurs et d’identifier les coopérateurs, de distinguer ce qui est juste de ce qui est indigne. Il est facile d’oublier à quel point toutes ces tâches, intuitives, rapides, évidentes, sont en réalité des miracles d’ingénierie.
Il s’agit donc de comprendre comment l’esprit humain peut être à la fois une telle merveille d’ingénierie sociale et un tel désastre quand il s’agit de mémoriser et d’enchaîner des opérations logiques. Pourquoi les humains se souviennent-ils d’un visage rencontré cinquante ans plus tôt, mais oublient-ils de payer leurs factures à l’heure ? Pourquoi oscillent-ils entre des comportements parfaitement égoïstes, quand il s’agit par exemple de défendre les intérêts de leurs enfants, et des actes d’altruisme collectif permettant de lever des millions d’euros de dons lorsque de parfaits étrangers sont touchés par un tsunami de l’autre côté de la planète ? Pourquoi sont-ils suffisamment patients pour passer des heures à s’entraîner à passer au niveau supérieur d’un jeu vidéo, mais notoirement impulsifs dans tant d’autres domaines, comme la consommation de chocolat ? Comprendre la logique sous-jacente à ces apparentes contradictions implique de s’intéresser aux pressions évolutives qui ont conditionné la sélection de traits adaptatifs. Cette sélection s’est faite en réponse aux contraintes de l’environnement ancestral dans lequel les humains ont évolué pendant de longues périodes, et dont nous héritons aujourd’hui. Comme nous le verrons, cette approche permet de prendre la véritable mesure de l’intelligence humaine, et de ses limites dans l’environnement actuel.
En ce qu’ils s’adressent à des humains, les acteurs publics ne peuvent faire l’économie d’une véritable prise en compte de la psychologie lors de la mise en œuvre de réformes. L’intelligence sociale, comme nous le verrons, peut, et doit, être mise au service du bien commun et de l’amélioration de l’action publique. De nombreux gouvernements ont ainsi pris conscience du fait qu’il ne suffit pas d’avoir identifié les bonnes solutions : les politiques publiques peuvent être bien intentionnées, mais échouer parce qu’elles ne sont pas reçues comme prévu par le public. Les gouvernements anglais, français, australiens, l’OCDE, l’Union européenne, et bien d’autres, s’appuient donc désormais sur des modèles plus réalistes du comportement pour favoriser l’élaboration de politiques publiques plus novatrices, plus adaptées au fonctionnement de l’esprit, et évaluées rigoureusement pour s’assurer de leur efficacité.
Notre ouvrage fournit un panorama des différents domaines pour lesquels l’association entre sciences comportementales et politiques publiques a été fructueuse. Nous verrons comment de nombreux comportements ont été transformés en utilisant divers leviers cognitifs, sans nouvelles lois, réglementations ou contraintes, permettant notamment d’augmenter le don d’organes, de diminuer le non-recours aux aides, d’inciter les citoyens à manger mieux, à bouger plus ou encore à dépenser moins. Comme point de départ de ce changement de paradigme, les sciences comportementales ont révélé que le modèle classique de l’ Homo œconomicus était inopérant et qu’il fallait concevoir les comportements comme le produit de mécanismes décisionnels qui s’écartent d’une manière prédictible de ce que ferait un agent purement rationnel. Ces écarts, souvent qualifiés de « biais », composent avec la rationalité économique un ensemble dont les sciences comportementales veulent rendre compte, à l’image de la psychologie à deux vitesses de Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie en 2002 *1 ( Chapitre 1 ). Le champ de l’économie comportementale s’est alors constitué autour de cette approche, et a permis de légitimer la recherche de facteurs psychologiques à l’œuvre dans les décisions économiques et leur prise en compte dans l’élaboration de politiques publiques. Historiquement, le mouvement de simplification de l’action publique a été celui qui a eu le plus d’influence, par exemple grâce à l’utilisation d’options par défaut permettant de simplifier les choix des usagers ( Chapitre 2 ). Aussi séduisant qu’il soit, ce paradigme est pourtant fondé sur un constat trop pessimiste : l’esprit humain fonctionne avec des mécanismes qui sont la plupart du temps adaptés et l’irrationalité n’apparaît que lorsqu’on les détourne de la fonction pour laquelle ils ont évolué. Comprendre le fonctionnement cognitif général à la lumière de l’évolution, et l’intelligence sociale en particulier, est donc crucial afin de déterminer à la fois les freins cognitifs qui peuvent empêcher la mise en œuvre de certaines politiques publiques mais aussi les leviers actionnables par les acteurs publics. Nous verrons ainsi pourquoi la coopération est un équilibre aussi fragile qu’il est indispensable au bon fonctionnement démocratique ( Chapitre 3 ), comment le souci de réputation peut être à la fois un levier et un obstacle pour l’action publique ( Chapitre 4 ), et pourquoi nos intuitions de justice s’accordent avec les réformes qui présentent une structure bien particulière ( Chapitre 5 ). Nous verrons, enfin, pourquoi il est si difficile de s’astreindre à adopter des comportements qui ne sont bénéfiques que sur le long terme ( Chapitre 6 ), pourquoi nous ne sommes pas tous égaux face à ce biais pour le court terme ( Chapitre 7 ) et pourquoi les régulateurs doivent protéger citoyens et consommateurs d’actions qui exploitent leurs faiblesses cognitives ( Chapitre 8 ). À travers des exemples réels, des expériences en laboratoire et sur le terrain, nous présenterons ce que tout décideur public et tout citoyen ne peuvent ignorer de la psychologie humaine et détaillerons un cas pratique illustrant comment les sciences comportementales peuvent nourrir la transformation de l’action publique (Cas pratique). En favorisant l’émergence de pratiques politiques mieux informées par la recherche en psychologie et en sciences comportementales, la cognition humaine cessera d’être conçue uniquement comme un obstacle aux politiques publiques, ou comme une collection de biais qu’il faut à tout prix contourner. L’intelligence sociale, enf

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents