La valeur de l espèce
130 pages
Français

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La valeur de l'espèce , livre ebook

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Description


Collection : Acteurs de la Science

Philippe Lherminier est généticien; il propose de s'interroger sans faux-semblant sur la valeur de l'espèce. Que perd-on lorsqu'une espèce s'éteint ? Quelle valeur disparaît ? Il y a de multiples réponses : l'espèce vaut parce qu'elle est utile ou inutile, abondante ou rare, connue ou inconnue, ancienne ou récente, proche ou lointaine, ressemblante ou différente de l'homme, comprise ou mystérieuse.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 octobre 2014
Nombre de lectures 18
EAN13 9782336359137
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Acteurs de la Science
Acteurs de la Science
Fondée par Richard Moreau, professeur honoraire à l’Université de Paris XII Dirigée par Claude Brezinski, professeur émérite à l’Université de Lille
La collection Acteurs de la Science est consacrée à des études sur les acteurs de l’épopée scientifique moderne ; à des inédits et à des réimpressions de mémoires scientifiques anciens ; à des textes consacrés en leur temps à de grands savants par leurs pairs ; à des évaluations sur les découvertes les plus marquantes et la pratique de la Science.
Dernières parutions
Roger Teyssou, Freud, le médecin imaginaire, 2014.
Robert Locqueneux, Sur la nature du feu aux siècles classiques. Réflexions des physiciens & des chimistes , 2014.
Roger Teyssou, Une histoire de la circulation du sang, Harvey, Riolan et les autres, Des hommes de cœur, presque tous… , 2014
Karl Landsteiner. L’homme des groupes sanguins , édition revue et augmentée , 2013.
Jean-Pierre Aymard, Karl Landsteiner. L’homme des groupes sanguins , édition revue et augmentée , 2013.
Michel Gaudichon, L’homme quelque part entre deux infinis, 2013.
Roger Teyssou, Paul Sollier contre Sigmund Freud. L’hystérie démaquillée, 2013.
Gérard Braganti, Histoire singulière d’un chercheur de campagne. L’invention de l’exploration cardiaque moderne par Louis Desliens, vétérinaire , 2013.
Jean Louis, Mémoires d’un enfant de Colbert , 2012.
Elie Volf , Michel-Eugène Chevreul (1786-1889). Un savant doyen des étudiants de France. Des corps gras et de la chandelle à la perception des couleurs, 2012.
Roger Teyssou, Gabriel Andral, pionnier de l’hématologie. La médecine dans le sang , 2012.
Yvon Michel-Briand, Aspects de la résistance bactérienne aux antibiotiques , 2012.
Roger Teyssou, Charcot, Freud et l’hystérie , 2012.
Titre
Philippe Lherminier











La valeur de l’espèce
La biodiversité en questions
Copyright
du même auteur
De l’espèce (avec Solignac M.) , Paris, éd. Syllepse, 2005.
Le mythe de l’espèce, éd. Ellipses, Paris, 2009.


















contact : phlherminier@wanadoo.fr
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-70924-6
Introduction L’espèce a-t-elle une valeur ?
La Fontaine juge les lions terribles, il n’a aucune idée que leur espèce puisse s’éteindre et sans doute il s’en réjouirait, et pourtant Leibniz ( Essais de Théodicée § 118) soulève cette étonnante question qui nous suivra dans tout notre exposé : « Aucune substance n’est absolument méprisable ni précieuse devant Dieu… Il est sûr que Dieu fait plus de cas d’un homme que d’un lion ; cependant je ne sais si l’on peut assurer que Dieu préfère un seul homme à toute l’espèce des lions… cette opinion serait un reste de l’ancienne maxime assez décriée, que tout est fait uniquement pour l’homme. » Aujourd’hui la biodiversité est acclamée de façon unanime comme une valeur naturelle (et même surnaturelle disent certains) incontestable et la sauvegarde des espèces saluée comme une mission hautement louable. Vouloir tout préserver, c’est bien, dire pourquoi, c’est mieux. Que perd-on lorsqu’une espèce, évidemment rare, s’éteint ? Quelle valeur disparaît avec elle ? Que paye-t-on, que gagne-t-on lorsque l’on achète ou vend un animal ou une plante d’une espèce réputée rare, sachant que le trafic des espèces est le second chiffre d’affaires mondial après celui de la drogue et avant les armes, et que la sauvegarde de celles menacées fait le fonds des programmes les plus ambitieux de notre nouvelle civilisation écologiste, sans parler des coûts immenses de leur préservation et pire encore des contraintes de la politique écologique imposée par les protecteurs des espèces ? Par exemple la biodiversité des microbes du sol a été estimée à 1546 milliards de dollars ( Biofutur 319, mars 2011, p. 46). Mais le prix est seulement un fait tandis que la valeur est un jugement, c’est ce que nous devons essayer de comprendre. A cette demande pourtant si simple et si commune : que valent les espèces ? Les professionnels de la faune et de la flore, en peine de se justifier se réfugient derrière des évidences hâtives, tout gênés d’avouer qu’ils ne savent pas répondre ou plutôt qu’il n’y a de multiples réponses mais dont aucune n’est tout-à-fait satisfaisante.
C’est peu dire que l’organisation du monde vivant en espèces nous est familière. Les hommes de la préhistoire savaient et des enfants de dix ans aujourd’hui savent que les animaux de même espèce se ressemblent, qu’ils se marient entre eux et qu’ils ont des enfants de leur espèce. L’espèce est un très rare concept resté inchangé depuis des millénaires et toujours tenu en grand honneur dans le monde de la pensée. A la fois intelligible et en rapport à des objets réels, c’est une entité de prédilection, le modèle chéri des penseurs de toutes les époques et toutes les écoles. L’origine des espèces paraît si prodigieuse qu’on l’a cru surnaturelle, les mythes de création 1 du Monde, font apparaître les espèces juste après l’origine de la Terre et des Luminaires, Platon s’indigne du « langage de la foule… qui fait naître les espèces de quelque cause naturelle en dehors de toute pensée créatrice » ( Le Sophiste, 265c), et aujourd’hui encore les fanatiques religieux militent sur ce thème avec la passion que l’on sait. Création ou évolution ? Notons que tous accordent à l’espèce un sens et une valeur. Bien au-delà du spectacle de la nature, la notion d’espèce a presque certainement joué un rôle au fondement de la pensée humaine en lui offrant un immense tableau, celui des ressemblances régulières, celui des rapports de parenté, celui d’un ordre de la vie animale et végétale, qui sert de modèle à ses catégories de jugement et même à l’ordre social. L’espèce ne renvoie pas seulement à l’ordre perceptible des animaux et des plantes qui nous entourent, mais aussi à ces relations tellement bestiales par lesquels les humains se perpétuent, et que même des moines, des précieuses et des spirituels, nonobstant leur humiliation devrait pourtant satisfaire pour perpétuer leurs valeurs.
La perte des espèces a moins attiré l’attention des mythes que leur origine et leur préservation dont Noé est l’illustre précurseur 2 , 3 . Il est vrai que cette perte n’était guère sensible jusqu’à une époque récente, et qu’il est toujours difficile de parler de ce qui n’existe pas. Historiquement il faut attendre Cuvier pour que l’idée d’animaux disparus « antérieurs au déluge » commence à devenir familière – même Lamarck, le père du transformisme, était réticent. Nous savons désormais que les espèces ne sont pas éternelles. L’homme d’esprit s’étonne de les voir naître et s’enchante de la découverte d’une inconnue, se désappointe et s’émeut d’en voir une s’éteindre, c’est qu’elles lui semblent intemporelles. La persévérance de l’espèce est la réponse à l’angoissante fragilité de l’individu, elle suffit à faire le partage entre la valeur de l’espèce et la non-valeur des individus. Vaincre le temps, résister à la fragilité de la vie est la première valeur, c’est pourquoi la vie n’existe pas sans espèces, et pourquoi aussi l’extinction des espèces nous affecte tellement.
Chacun admet sans référence métaphysique que ce qui subsiste vaut mieux que ce qui périt, et l’espèce permanente mieux que l’individu éphémère. On peut aimer son poisson rouge comme on aime une bière, et s’il meurt ce n’est qu’un individu de moins dans une foule, un objet qu’on rachète le lendemain. Mais si je mange le dernier poisson d’une espèce, je pense qu’avec la chair « autre chose » a disparu, comme si en plus de la forme, des aptitudes et de la vie fugitive de chacun, existait une autre réalité qui outrepasse les individus, et dont la perte nous frustre, une entité d

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